Les circuits courts : manger bio, manger local

16 juillet 2009
03m 12s
Réf. 00082

Notice

Résumé :
Manger mieux pour vivre mieux ? Ce dossier s'interroge sur les circuits de production de produits locaux et sur la filière bio. Exemples avec une Amap, association pour le maintien de l'agriculture paysanne, à Pitgam dans les Flandres, puis à la ferme du Sart, près de Lille, un concept entre marché et supermarché avec le produit local en vedette, enfin à la ferme biologique Vert’Tige de Wavrin.
Date de diffusion :
16 juillet 2009
Personnalité(s) :

Éclairage

La moitié du territoire de la Métropole est consacrée à l’agriculture avec un bassin de consommateurs fort de 1 120 000 habitants. Afin de préserver les exploitations agricoles locales et satisfaire une population à la recherche de produits frais et sains, se sont développés ces dernières années plusieurs types de distribution en circuits courts. Les producteurs se réunissent en coopératives de vente directe et de "drive" fermier, des circuits de fermes ont été créés dans les espaces et parcs naturels dans L'Espace naturel de Lille Métropole. D'autres formes sont présentées dans ce reportage, comme les AMAP (Association pour le Maintien de l’Agriculture Paysanne), la vente à la ferme de produits bio, ainsi que des groupements de producteurs en mini-supermarchés.

Tous ces acteurs ont en commun le même objectif qui est de préserver l’agriculture locale en vendant des produits frais au plus près de leur lieu d’exploitation ou de production, (donc sans transport, ceci afin de limiter à la fois les frais afférents et l’impact carbone), avec un minimum d’intermédiaires et de préférence en vrac pour limiter les emballages.

Ces systèmes permettent d’offrir au consommateur des produits régionaux de qualité et de grande fraîcheur à un prix raisonnable, tout en permettant une juste rémunération des producteurs et de favoriser les contacts entre producteur et consommateur. Cela implique, par contre, pour le public, la consommation privilégiée de produits de saison et de produits du terroir.

Les AMAP, c’est l’exemple de Pitgam. Il s’agit d’un mouvement né dans les années 2000, dont le principe est celui d’un groupement de consommateurs (les Amapiens), autour d’un producteur, sous la forme d’une association. Le consommateur est donc partie prenante de l’association et participe à la détermination des prix des produits. Le producteur prépare lui-même les paniers de ses clients en fonction de sa production ; les paniers sont distribués une fois par semaine. Dans leur charte [1], les AMAP soutiennent une agriculture respectueuse des hommes, de l’environnement "en référence aux fondamentaux de l’agriculture biologique", "en rupture avec l’agro-chimie (sans engrais ni pesticides chimiques de synthèse,…) et toute entreprise d’appropriation mercantile du vivant (sans OGM, …)". Dans la Métropole, on en dénombre 9 : à Hantay, Halluin, Lille, Lomme, Tressin, Quesnoy-sur-Deûle, Marcq-en-Baroeul et Wambrechies [2].

Cependant, si tous les acteurs partagent le souhait de limiter l’utilisation d’engrais et de pesticides, tous ne proposent pas des produits bio. Au-delà des questions de fraîcheur et de proximité qui sont donc l’apanage des circuits courts, la question de l’agriculture biologique, si elle semble possible pour certains, présente néanmoins quelques limites : notamment la contrainte d’exploitations plus petites car un certain nombre de tâches doivent être exécutées à la main avec des rendements moins importants et plus aléatoires. Le bio ne représente actuellement en France qu’une très faible part de la production agricole et dans le Nord, cette proportion est encore sensiblement inférieure aux moyennes nationales : environ 0,9% des surfaces cultivées.

En 1986, Benoit et Béatrice Canis, ingénieurs agronomes, décident de mettre en œuvre leur projet de fin d’études en créant un site de maraîchage biologique permettant de créer des emplois pérennes pour des personnes en insertion professionnelle. Ce sera la ferme biologique Vert’Tige de Wavrin, créée sous la forme d’un GFA (Groupement Foncier Agricole, remplacé depuis 2009 par la Fondation Terre de Liens) : une exploitation agricole qui emploie une quinzaine de personnes avec une mini-supérette qui propose (presqu’exclusivement) les produits de la ferme.

Mais la Métropole est aussi le terrain de confrontation de deux conceptions de l'agriculture et de deux modèles économiques liés au développement des circuits courts.

La Ferme du Sart (aujourd’hui O’Tera) est un "modèle économique" expérimenté à Villeneuve d’Ascq depuis 2006, qui a ensuite été transposé dans deux autres lieux de la Métropole (Avelin 2011, Saint André 2014) et une nouvelle implantation dans le valenciennois en 2015. Le principe est celui d’un supermarché qui propose des produits frais essentiellement locaux (50 à 60% des produits en rayon) afin de démocratiser les circuits courts, avec un seul producteur par type de produit pour éviter la concurrence, mais en vendant en plus, les "autres produits" dont le consommateur a besoin régulièrement lorsqu’il fait ses courses et qui ne peuvent être produits localement (oranges, olives…).

Cette enseigne fondée par Matthieu Leclercq, fils du créateur de Décathlon, mais qui ne fait pas partie du Groupe Auchan-Mulliez, a fait l'objet en 2012 de pressions de la part des acteurs des circuits courts appuyés par la Chambre d'agriculture et les syndicats agricoles pour que le terme de "ferme" ne soit plus utilisé. Depuis les magasins se développent sous le nom d' O'Tera. Et si O’Tera a signé une "convention d’appui réciproque" avec la Chambre d’agriculture du Nord- Pas-de-Calais afin de favoriser de nouvelles implantations, beaucoup continuent à n’ y voir qu’un argument de vente marketing de la grande distribution et une concurrence déloyale au détriment des agriculteurs qui pratiquent la vente directe.

Les magasins O'Tera ont favorisé la prise de conscience des agriculteurs dans la nécessité de se rassembler. Après le projet (abandonné) d'implantation d'un magasin à Wambrechies en 2009 ceux-ci se sont mobilisés dans l'association "L’Union fait la ferme" qui a amené l'ouverture de Talents de Ferme en 2014.


[1] la charte 2014 des AMAP : http://miramap.org/LA-CHARTE-DES-AMAP-2014.html
 
[2] Pour aller plus loin : les AMAP en Nord - Pas de Calais : http://www.amap5962.org/site/spip.php?rubrique9


 



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Marie-Odile Paris-Bulckaen

Transcription

Christell Massin
L’environnement, encore et toujours, il occupe une place grandissante dans le quotidien, manger mieux pour vivre mieux. La pression s’exerce y compris dans nos assiettes. Faut-il privilégier les produits locaux, est-ce toujours possible de manger bio, Frédérique Hénaut, Bernard Deron.
Frédérique Hénaut
Ce n’est pas un marché comme les autres.
Inconnu
…dans un sac et après, tu mets 500 grammes de petits pois et 200 grammes de tomates.
Frédérique Hénaut
À Pitgam dans les Flandres, c’est le maraîcher qui concocte les paniers. Rien que des légumes bio sans engrais ni pesticide polluant, cultivés au village, donc sans transport, question empreinte carbone, on ne fait pas mieux. C’est ce que l’on appelle une AMAP, une Association pour le Maintien de l’Agriculture Paysanne.
(bruit)
Intervenante
C’est un groupement de consommateurs autour d’un producteur, donc avec des liens qui peuvent être conviviaux, il y a une rencontre, il y a un échange qui peut se faire. Donc, on retrouve, finalement, des valeurs essentielles qui sont de se tourner sur son alimentation pour échanger des recettes, des questions, savoir comment c’est produit, connaître des nouveaux produits, des variétés anciennes, des choses qu’on ne trouve pas dans le commerce. Donc, il faut que ça reste à petite échelle.
Frédérique Hénaut
L’AMAP distribue 64 paniers par semaine, autant dire une goutte d’eau dans l’océan de la consommation de masse. Changement d’échelle, la Ferme du Sart, près de Lille. Un million de visiteurs par an. Un concept entre marché et supermarché, avec le produit local en vedette. Un sur deux est estampillé Nord-Pas-de-Calais, certains légumes sont même cultivés sur place.
Intervenant
Et tu fais des traitements ou pas spécialement dessus ?
Inconnu 2
Alors, côtes de blettes, zéro traitement.
Frédérique Hénaut
Lever le pied sur les pesticides, d’accord, mais pas d’agriculture biologique pour autant.
Intervenant
Le bio, il a sa raison d’être aujourd’hui. Malheureusement, les circuits de production sont limités, et donc, on n’arrive pas, quand on vend des grosses quantités de carottes ou de poireaux, on n’arrive pas forcément à les avoir bio. En tout cas, le fait que il n’y ait pas d’emballage, pas de transport et que le produit soit frais du jour, aujourd’hui, on est convaincu que c’est, ce qu’il y a de mieux pour la santé, c’est que le poireau, il sorte des champs.
Frédérique Hénaut
Le bio en France, c’est deux fois rien, et dans le Nord-Pas-de-Calais, c’est encore moins, 0,9 % des surfaces cultivées. Benoît fait partie des pionniers. Depuis 25 ans, à Wavrin, il fait pousser des légumes bios, il a seulement 5 hectares mais de grandes ambitions pour l’agriculture biologique.
Benoît Canis
L’avantage de notre cahier des charges et nos exigences, c’est que ça pose des limites qui obligent à des interventions humaines, ne serait-ce qu’en désherbage, du coup, ça limite quelque part la dimension globale que l’entreprise, que la ferme pourra avoir. Ceci étant, on a des collègues qui sont en bio dans la région Nord-Pas-de-Calais avec une centaine d’hectares. La bio peut nourrir l’ensemble de la planète, c’est sûr, tant qu’on ne dépassera pas les 11 ou 12 milliards de population.
Frédérique Hénaut
Dans la supérette juste à côté des champs, on trouve beaucoup de choses, du bio produit dans les environs. Petite concession, il y a quand même quelques denrées qui n’existent pas sous nos latitudes. Ce que nous mettons dans nos assiettes engendre de la pollution par le transport, par le recours aux produits chimiques aussi. Mais il existe des solutions, à chacun de savoir quelle empreinte il veut laisser sur la terre.