La maison des mineurs à Vence
Notice
La Maison du mineur de Vence reçoit 500 mineurs par an. Au départ, elle a été créée en 1947 pour traiter la silicose, maladie qui a régressé, nous dit le commentaire, "grâce aux antibiotiques". Un des médecins du centre explique que sont traitées principalement des bronchites chroniques dues au tabac et à la pollution. Le centre s'est doté d'un laboratoire, une salle de gazométrie, de biologie et d'un ionogramme. La priorité a été donnée à la rééducation respiratoire. Interview de mineurs du Nord sur leur séjour dans cet établissement.
Éclairage
La Maison des mineurs de Vence est à l'origine (1946-1947) un établissement dépendant des Houillères du Dauphiné puis du Bassin du Centre et du Midi. Le déclin puis la fermeture de ces bassins d'exploitation entraînent à la fois son transfert en 1971 à une association de type loi 1901 fondée conjointement par Charbonnages de France et la Caisse autonome de la sécurité sociale dans les mines et l'accueil de mineurs principalement originaires du Nord-Pas-de-Calais, où l'exploitation massive du charbon se poursuit (1).
Sa mission principale a longtemps résidé dans la prise en charge, le traitement et la réadaptation des mineurs silicosés victimes de complications, mais l'amélioration des procédés thérapeutiques fait que l'établissement s'occupe désormais (on est alors à la fin des années 1970) en priorité des maladies pulmonaires chroniques en pleine recrudescence, comme la bronchite asthmatiforme du troisième mineur interrogé.
Le médecin en signale d'ailleurs les causes avérées : le tabac, la pollution et plus largement les mauvaises conditions de vie, voire les mauvaises habitudes des mineurs, implicitement montrés du doigt. Le charbon n'y est donc pour rien ou presque et tout est désormais réuni pour permettre un prompt rétablissement des patients : de bonnes conditions psychologiques et climatiques (le soleil "inonde" les images en extérieur), un plateau technique toujours plus sophistiqué, pouvant pratiquer des examens sanguins poussés (gazométrie et ionogramme), enfin un programme de remise en forme (réentraînement à l'effort) permettant aux malades de disposer d'un meilleur confort de vie au quotidien. Des soins accordés avec "beaucoup de générosité" reconnaît le second mineur, qui a dû subir une trachéotomie et voit désormais son état "s'améliorer". Plus largement, les résultats des traitements sont unanimement considérés comme "encourageants".
La "disparition" de la silicose n'est pourtant pas sans alimenter les interrogations : le premier mineur en est déjà à son troisième séjour et la bronchite du troisième est sa "première maladie" selon ses dires, ce qui pousse à croire que leur situation sanitaire ne s'est pas améliorée, bien au contraire. Enfin et surtout, on apprend non sans surprise que "cette terrible maladie des mineurs de fond a régressé grâce en particulier aux antibiotiques", alors même que la silicose est incurable et dégénérative ! A contrario, l'année même de la réalisation du reportage (1977), on recense près de 650 nouveaux cas et plus de 800 décès officiellement dus à la maladie, chiffres que toutes les études épidémiologiques et historiques disponibles signalent comme notoirement sous-évalués.
Au-delà des aspects strictement médicaux, l'enjeu est la reconnaissance officielle et/ou effective des risques liés à l'exploitation du charbon : les accidents et autres catastrophes sont connus et "acceptés" avec plus ou moins de fatalisme, mais les risques sanitaires font l'objet d'un débat de fond entre compagnies exploitantes, salariés et pouvoirs publics. Si les pneumopathies provoquées par l'inhalation de fines particules de poussières de silice sont décrites dès le XVIe siècle, les revendications des salariés ne les évoquent qu'au cours du premier XXe siècle (avec le recensement clinique des premiers cas à partir de 1925) et leur inscription au titre des maladies professionnelles ne date que de 1946, au lendemain de la nationalisation des Houillères. Les compagnies privées sont donc parvenues à retarder la reconnaissance de leur responsabilité et l'État désormais exploitant cherche à son tour à limiter les dégâts en "requalifiant" la silicose en maladies professionnelles de moindre gravité. La "grande tueuse" (34 000 morts officiellement recensés entre 1946 et 1987) conserve dès lors son statut de bombe à retardement.
(1) Ce centre qui a gardé le nom de Maison du mineur est désormais géré par la Mutualité Française et la Caisse nationale autonome de la Sécurité sociale dans les mines (CANSSM).