Les dangers de la mine : les mineurs silicosés et morts par accidents

09 janvier 1975
02m 46s
Réf. 00163

Notice

Résumé :

Un mineur silicosé à 40% parle de la fin de vie avec cette maladie. Un autre mineur, retraité, déambule dans le cimetière de Liévin, et commente les causes de décès des mineurs défunts, dont certaines victimes de la catastrophe qui a eu lieu quelques jours auparavant à la fosse 3 bis à Liévin.

Type de média :
Date de diffusion :
09 janvier 1975
Source :
TF1 (Collection: Satellite )

Éclairage

En quelques minutes, ce sont toutes les dimensions de l'horizon des mineurs que cet extrait nous propose, au lendemain immédiat de la dernière grande catastrophe minière intervenue en France, celle de Liévin du 27 décembre 1974.

Horizon géographique d'un espace industriel aisément repérable à la présence conjointe d'un terril, de corons et d'un chevalet de mine : le décor est vite planté, c'est celui d'un "pays noir".

Horizon du travail et surtout de ses risques au quotidien ensuite. La visite du cimetière en compagnie d'un mineur s'apparente à un véritable nécrologue : d'une tombe l'autre, les morts se succèdent et prennent place dans la litanie des accidents létaux, de la chute d'un "caillou", sans doute de belle taille pour entraîner la mort d'un homme, aux dangers des rabots (ou haveuses, ces machines utilisés depuis les années 1930 pour abattre les blocs de charbon grâce à un soc tiré par un câble ou une chaîne et qui racle la veine en prenant appui sur un convoyeur blindé). Les victimes sont de tous les âges, du jeune de 20 ans à celui qui décède seulement deux mois après son départ en retraite, frappés par la même fatalité qui fait de la mine un métier dangereux où les accidents sont fréquents et bien souvent graves. Et encore ne s'agit-il là que des accidents isolés, qui cumulés, atteignent des chiffres sans doute comparables à ceux des "grandes catastrophes" : près de 1 500 victimes entre celle de "Courrières" en 1906 (1 099 morts) et celle de Liévin en 1974 (42 morts).

Horizon sanitaire ou médical du mineur enfin, a fortiori de celui qui se sait atteint de la silicose. Le témoin a certes survécu aux dangers de la mine, mais son avenir est loin d'être radieux et la fréquentation de ses pairs lui donne à voir le spectacle de sa déchéance physique future ("c'est bientôt mon tour", reconnaît-il d'ailleurs). La maladie, due à une exposition de longue durée - au moins 5 ans à un poste de travail donné - aux poussières de charbon, provoque une obstruction progressive des alvéoles pulmonaires. Les symptômes sont connus : fatigue persistante épuisement progressif qui débouche sur une invalidité lourde, insuffisance respiratoire chronique et qui s'aggrave avec le temps, sensation croissante d'étouffement et recours massif à des bouteilles d'oxygène. Le caractère inéluctable d'une maladie dégénérative et incurable apparaît ici dans toute sa crudité, et encore : il faut être reconnu silicosé à 50% pour percevoir une indemnité qui constitue au final une bien faible compensation.

Matthieu de Oliveira

Transcription

(Bruit)
Intervenant 1
Dernièrement, j’ai discuté avec un ami qui, lui était reconnu à 100 %. Il m’a dit comme t'es là, tu vois Joseph, maintenant, j'ai de l’argent. Mais je ne peux plus en profiter parce que tu vois, je suis sur une chaise roulante, je ne peux plus me déplacer. Parce que après quelques mètres de marche, j’ai la respiration coupée. Alors, ma femme me promène dans une chaise roulante, comme un paralytique. Et tout cela me donne à réfléchir, bien attendu, parce que j’ai 40 %. Bientôt, ça sera mon tour.
Journaliste
Un type qui est à 100 %, c’est pratiquement fini, qu’est ce qu’il y a ?
Intervenant 1
Ben de toute façon, il est reconnu à 100 %. 100 %, on ne peut pas aller au dessus, hein!
Journaliste
Il meurt asphyxié, après, comment meurt-il ?
Intervenant 1
Vous savez, les morts, les camarades qui meurent silicosés meurent dans des souffrances atroces. Il faut leur amener des ballons d’oxygène. Ils ne peuvent plus, disons, dormir avec les fenêtres fermées, il faut les ouvrir. Il leur faut constamment de l’air. Ils dorment assis d’ailleurs, en général dans un fauteuil, parce qu’à plat, c’est impossible pour eux de respirer. Voilà le calvaire que subit un mineur silicosé pour lui quitter notre terre,
Intervenant 2
Là, c’est un silicosé mort à 46 ans. Celui-là, c’est un père de six enfants, qui a été tué en bordure de taille par un caillou. Alors celui là-bas, c’est un jeune de vingt ans qui a été tué, aussi par un caillou. Là, c’est un autre silicosé mort deux mois après sa retraite. Celui-là, c’était un jeune, aussi, de vingt-quatre ans, qui a été pris dans un rabot. Celui-là, c’est encore un silicosé et celui-là aussi un silicosé. Et ceux-là, c’est quelques-uns des 41 et des 42 qui étaient tués à la catastrophe de Liévin.