Un livre sur les charbonnages du Nord au XIXe siècle
Notice
Marcel Gillet présente son livre sur les charbonnages du Nord de la France au XIXe siècle. Il explique que c'est à cause de la crainte de la pénurie d'énergie que les compagnies d'Anzin et d'Aniche ont pu se développer. Le développement industriel au XIXe siècle va faire augmenter le prix du charbon d'autant que la France ne produit pas assez pour sa consommation. C'est ainsi que ce siècle a été certainement l'âge d'or du charbon.
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Éclairage
La découverte du charbon doit moins au hasard qu'à la nécessité. Comme l'explique ici Marcel Gillet, qui fut le grand historien du bassin du Nord-Pas-de-Calais, c'est la pénurie de bois qui conduit à l'usage du "charbon de terre" malgré les désagréments qu'il présente et les difficultés de le transporter autrement que par bateau : en Grande-Bretagne dès le XVIIe siècle pour chauffer Londres, puis au XIXe siècle, cette fois sur le continent également, quand le chemin de fer et la machine à vapeur deviennent d'avides consommateurs en même temps qu'ils facilitent l'extraction et l'écoulement du charbon. Certes, les caprices de la géologie restant encore mystérieux pour les ingénieurs et les investisseurs, c'est parfois la chance qui révèle un gisement. Cependant, si en 1842, celui du Pas-de-Calais est "découvert" dans le parc du château de Madame de Clercq à Oignies, c'est le couronnement de longs efforts de prospection plus au sud, dans la région d'Arras, où la géographie incitait à chercher le prolongement en ligne droite du bassin du Nord. On ne trouve que ce que l'on cherche.
Comme l'indique également Marcel Gillet, pendant l'âge d'or du charbon, c'est-à-dire avant la Première Guerre mondiale quand le pétrole et l'hydroélectricité ne lui font pas encore concurrence, la production suffit à peine aux besoins ; la France, notamment, est modestement pourvue. Des "famines de charbon" affaiblissent ainsi périodiquement l'activité économique et la faiblesse de la ressource charbonnière a longtemps été considérée par les historiens comme l'une des causes du retard de l'industrialisation de notre pays. Le bassin du Nord, comme celui de Saint-Étienne, ayant à la fois des ressources plus limitées et un développement plus lent, le vrai moteur de la croissance charbonnière est – avant que la Lorraine ne prenne le relais – le Pas-de-Calais. C'est là que se constituent, en moins d'un demi-siècle, ce paysage typique que l'on attribue à toutes les régions charbonnières, et cette société minière qui vit "à l'écart", infrastructures et logements étant fournis aussi par l'employeur. Mais le paternalisme, souvent dénoncé comme une volonté d'asservissement, est lui aussi le fruit de la nécessité, celle d'une industrie de main d'œuvre où la productivité stagne faute de mécanisation : lorsqu'on ouvre un puits qui, en deux ou trois ans, emploie 2 000 ouvriers aux abords d'un village de 500 âmes, quelle autre solution que de construire des corons pour les loger ? Les compagnies qui le peuvent s'en dispensent ; celles qui le doivent en font aussi un instrument de contrôle social, certes. Mais même dans le cas, extrême, du Pas-de-Calais couvert de corons, les compagnies ne détiennent pas la majorité de leur personnel avant 1914. Si le manque de bras est chronique, et même exacerbé dans les dix années qui précèdent la Première Guerre, obligeant à "importer" des mineurs du massif central, de premiers contingents polonais et kabyles, la mine attire pourtant les miséreux des campagnes pour lesquels elle n'est pas cet enfer décrit par Zola, mais le pays des hauts salaires et des vraies maisons de briques rouges si supérieures aux taudis ruraux. Ce monde clos s'organise : au paternalisme répond le corporatisme exacerbé d'une main d'œuvre soudée par le travail du fond dont le mode de vie de la famille comme de la cité dépendent entièrement, et par son isolement durable. La mine n'est plus la campagne, mais ne sera jamais la ville.