La vie politique et syndicale après la catastrophe de Courrières

1906
03m 23s
Réf. 00128

Notice

Résumé :

Évocation de la vie politique et syndicale après la catastrophe de Courrières en mars 1906 sur des illustrations de photographies et de gravures de l'époque. Un ancien mineur évoque la grève de six semaines qu'a fait son père suite à cette catastrophe. Un autre parle de Benoît Broutchoux qu'il avait vu à une réunion à Aniche et des femmes qui manifestaient.

Type de média :
Date de diffusion :
21 février 1978
Date d'événement :
1906
Source :
FR3 (Collection: Caractères )
Personnalité(s) :

Éclairage

A l'appui de témoignages et de documents iconographiques dont le thème central est la catastrophe de "Courrières" et la grève qui s'ensuit du 14 mars au 7 mai 1906, l'émission revient sur le tournant des XIXe-XXe siècles, période de montée en puissance du syndicalisme et du socialisme.

La précocité de l'industrialisation et les concentrations ouvrières du bassin houiller du Nord-Pas-de-Calais en font une terre propice à l'éclosion de puissants mouvements sociaux et des organisations de défense du monde du travail. Dès la première moitié du XIXe siècle, les mineurs s'engagent dans la pratique gréviste, comme dans le bassin d'Anzin, le plus mobilisé au cours des décennies 1820-1830. Toutefois, c'est surtout dans les années 1880 que se structure le syndicalisme de la profession. En septembre 1882 est créée la première chambre syndicale à Lens, vite suivie par de nombreuses autres. Puis le 24 octobre 1883, Émile Basly fait partie des militants réunis à Saint-Étienne pour fonder une Fédération nationale des Chambres syndicales des Mineurs de France. A la fin de l'année suivante, peu après le vote de la loi du 21 mars 1884 légalisant les organisations ouvrières, un syndicat des mineurs du Pas-de-Calais est fondé, avec Arthur Lamendin comme secrétaire général.

Le mouvement ouvrier des "gueules noires" montre des spécificités marquées. Alors que la CGT fondée en 1895 opte pour le syndicalisme révolutionnaire, les militants du plus grand bassin de France, à l'instar de leurs camarades des autres grandes régions minières du pays mais aussi d'Europe occidentale, assument une orientation modérée, dite réformiste. Ils signent les premiers accords paritaires, telles les conventions d'Arras de 1891, établies après 15 jours de grève, après des discussions entre les représentants des ouvriers et ceux des Compagnies, sous l'égide du préfet.

A rebours encore de la CGT qui proclame son autonomie vis-à-vis des partis politiques, les travailleurs du sous-sol promeuvent la tradition du "député-mineur", à la fois dirigeant syndical, responsable politique et élu de la Nation. Les deux hommes du fond des puits que furent dans leur jeunesse Arthur Lamendin, député-maire de Liévin, et Émile Basly, député-maire de Lens, en sont les archétypes. Il faut dire que le socialisme s'implante tôt dans les bassins miniers en général et dans le Nord-Pas-de-Calais en particulier, notamment par l'entremise du Parti ouvrier français de Jules Guesde, puis du PS-SFIO qui rassemble à partir de 1905 les différentes tendances socialistes, autour de Jean Jaurès, l'élu des mineurs de Carmaux.

Dans cet univers, le réformisme assumé n'exclut pas le recours à la grève. Celle du printemps 1906 fait voir les traits caractéristiques des grands mouvements sociaux d'alors. Les mobilisations des "gueules noires" rassemblent des foules d'ouvriers déterminés qui n'hésitent pas à user de la force pour contraindre les non-grévistes. Ils doivent affronter des compagnies combatives et sont craints du pouvoir politique qui dépêche volontiers la troupe pour maintenir l'ordre et briser les grèves. Cela produit des affrontements souvent sanglants qui ne sont cependant pas l'apanage des mineurs : la fusillade de Fourmies le 1er mai 1891, qui tue neuf ouvriers, est la plus célèbre des tragédies ouvrières du temps.

La grève de 1906 fait par ailleurs ressortir les dissensions entre le "Vieux syndicat" de Basly et Lamendin et le "Jeune syndicat" de Benoît Broutchoux, relais dans le Bassin minier des principes du syndicalisme révolutionnaire. Cela dit, à la veille de la guerre, le syndicalisme des mineurs, dont la Fédération rejoint finalement la CGT en 1908, conserve ses spécificités historiques. D'autant plus qu'elles lui ont permis, au moyen de l'action parlementaire appuyée par d'impressionnantes mises en mouvement, d'obtenir pour les "gueules noires" de meilleures conditions d'existence que la plupart des autres ouvriers, notamment en matière d'assurance maladie et de retraites.

Stéphane Sirot

Transcription

Journaliste
Mars 1906, catastrophe de Courrières, 1 100 morts.
(Musique)
Intervenant 1
Là, je me souviens qui a passé deux mineurs certainement : un qui vendait des chansons, pour ramasser un peu d’argents pour les veuves ; puis un qui jouait de l’accordéon. Je me souviens que mon père il a fait grève six semaines, ils ont obtenu satisfaction et il ont eu six sous d'augmentation.
Journaliste
Et Broutchoux, est-ce que vous avez connu Broutchoux ?
Intervenant 2
Ben, je l’ai connu, je l’ai vu une seule fois. Il était venu faire une réunion à Aniche. Alors, il était sous mandat d’arrêt évidemment depuis un bout de temps. Et là, il s’est fait agripper par les gendarmes. Mais il n’y a pas eu de tumulte, rien ne s’est passé de grave.
Journaliste
Très tôt, pour défendre leurs droits, les ouvriers fondent des syndicats ou rejoignent les partis socialistes naissants.
(Musique)
Journaliste
Souvent au prix de leur liberté, des leaders syndicaux et politiques plaident la cause ouvrière. Broutchoux, Jules Guesde, Jaurès.
(Musique)
Intervenant 2
Mais en grande partie, c’était les femmes qui se trouvaient sur les lieux de manifestations. Mais pas souvent, une ou deux fois, à Denain en même temps Aniche aussi, mais ça bardait un peu quand même. Malgré c'était...Comme manifestantes, c’étaient tout femmes hein!
Journaliste
Est-ce que l’armée intervenait ? C’était des gendarmes ? Qu’est-ce que c’était ?
Intervenant 1
Ce n’était pas l’armée, c’était les gardes mobiles. Je me souviens un jour à Douai c’est que ça bardait. Il y a un garde mobile qui s'est fait desarmer. Puis, ils nous disaient, ne nous frappez plus, nous nous avons des gosses aussi.
(Musique)
Journaliste
Devant le refus de satisfaire leurs revendications, les ouvriers ont recours à la grève.
(Musique)