10 mai 1981 : Première déclaration de François Mitterrand

10 mai 1981
03m 51s
Réf. 00032

Notice

Résumé :
Le 10 mai 1981, après deux échecs au second tour en 1965 et 1974, alors que la gauche est dans l’opposition depuis la fondation de la Ve République en 1958, François Mitterrand est élu président de la République. Dans sa première déclaration après l’annonce des résultats, le nouveau chef de l’Etat souhaite d’abord se montrer rassembleur.
Type de média :
Date de diffusion :
10 mai 1981
Personnalité(s) :

Éclairage

Le 10 mai 1981, pour sa troisième candidature élyséenne, François Mitterrand est élu (51,8 %) président de la République face au sortant Valéry Giscard d’Estaing. Avec lui, quelles que soient les relations entre PS et PCF, l’ensemble de la gauche triomphe.

L’événement, qui déclenche des manifestations de joie qui débordent largement de l’épicentre nivernais, est considérable. En effet, si nombre de ses dirigeants – à commencer par François Mitterrand, onze fois ministre – ont occupé des responsabilités gouvernementales durant la IVe République (1946-1958), jamais la gauche n’avait plus remporté de claire victoire nationale depuis celle du Front populaire en mai 1936. Surtout, depuis la fondation de la Ve République en 1958, elle a accumulé les déceptions, parfois cruelles.

D’abord affaiblie et divisée face au nouveau pouvoir gaulliste, elle a progressivement reconquis le terrain perdu et semblait devoir bientôt l’emporter quand la crainte du désordre, consécutive au mouvement de mai 1968, a momentanément renforcé ses adversaires. Ensuite, le 19 mai 1974, François Mitterrand échouait de peu (49,2 %) contre Valéry Giscard d’Estaing. Pour être frustrante, cette défaite était néanmoins prometteuse mais la victoire annoncée lors des législatives de mars 1978 se dérobait encore après la rupture de l’union de la gauche six mois plus tôt.

Aussi pour sa première déclaration après l’annonce des résultats, importe-t-il à François Mitterrand de souligner, en identifiant la gauche au « changement », le caractère historique du moment mais aussi, tout en remerciant électeurs et militants, de le dépasser pour ne pas apparaître comme l’homme d’un seul camp. Il est resté pour cela à Château-Chinon dont il est maire depuis 1959. Il affiche alors, comme l’exige sa nouvelle fonction, la figure rassembleuse du président de tous les Français.

Pour cet exercice de style, qui impose d’oublier le tumulte de la campagne et de donner à voir une mue – ou son achèvement –, il convoque sa propre histoire personnelle qui le renvoie non vers la gauche, mais par la transmission du « simple amour de [sa] patrie », vers la France. Il conclut ensuite, apaisant et solennel, en s’adressant aux vaincus, renvoyant leurs actes au jugement de l’histoire.
Antoine Rensonnet

Transcription

Jean-Pierre Elkabbach
Et de Château-Chinon, nous vous reprendrons après, mais une avons une grande envie de l'entendre. Bernard Pradinaud et Richard Arzt se trouvent dans cette salle de Château-Chinon, je sens qu’ils nous appellent, c’est dire que François Mitterrand va venir devant les micros pour commenter pour la première fois, au cours d’une déclaration publique, sa victoire. Voici Monsieur François Mitterrand, nouveau président de la République, depuis ce soir.
(Bruit)
Foule
Mitterrand, Mitterrand…
François Mitterrand
Les résultats qui me sont communiqués à l’heure où je m’exprime, annoncent que les Françaises et les Français ont choisi le changement que je leur proposais. Cette victoire est d’abord celle des forces de la jeunesse, des forces du travail, forces de création ; forces du renouveau qui se sont rassemblées dans un grand élan national pour l’emploi, la paix, la liberté, thèmes qui furent ceux de ma campagne présidentielle et qui demeureront ceux de mon septennat. Elle est aussi celle de ces femmes, de ces hommes, humbles militants pénétrés d’idéal, qui dans chaque commune de France, dans chaque ville, chaque village, toute leur vie ont espéré ce jour où leur pays viendrait enfin à leur rencontre. A tous, je dois, et l’honneur, et la charge des responsabilités qui désormais m’incombent. Je ne distingue pas entre eux, ils sont notre peuple et rien d’autre. Je n’aurai pas d’autre ambition que de justifier leur confiance. Ma pensée va, en cet instant, vers les miens aujourd’hui disparus, dont je tiens le simple amour de ma patrie, et la volonté sans faille de la servir. Je mesure le poids de l’histoire, sa rigueur, sa grandeur. Seule la communauté nationale entière pourra répondre aux exigences du temps présent. J’agirai avec résolution pour que dans la fidélité à mes engagements, elle trouve le chemin des réconciliations nécessaires. Nous avons tant à faire ensemble, et tant à dire aussi. Des centaines de millions d’hommes sur la Terre sauront ce soir que la France est prête à leur parler le langage qu’ils ont appris à aimer d’elle. Mesdames et Messieurs, j’ai une autre déclaration brève à faire. À Monsieur Giscard d’Estaing que je remercie de son message, j’adresse les vœux que je dois à l’homme qui pendant sept ans, a dirigé la France. Au-delà des luttes politiques, et de nos contradictions, c’est à l’histoire qu’il appartient maintenant de juger chacun de nos actes. Merci !
(Bruit)