François Mitterrand et le PS d’Issy-les-Moulineaux

17 juillet 1969
02m 40s
Réf. 00109

Notice

Résumé :
Entretien de François Mitterrand avec Annie Desgratoulet. François Mitterrand s’exprime en tant que président de la Convention des institutions républicaines (CIR) au sujet du congrès d’Issy-les-Moulineaux qui a acté la stratégie du nouveau Parti socialiste.
Type de média :
Date de diffusion :
17 juillet 1969
Source :
ORTF (Collection: Panorama )

Éclairage

La nuit du 27 au 28 avril 1969 a vu la démission de Charles de Gaulle de la présidence de la République, après l’échec du référendum voulu par le Général sur un projet de réforme constitutionnelle qui visait notamment à renforcer le pouvoir des régions. Georges Pompidou, qui était son premier ministre jusqu’au mois de juillet 1968, l’emporte au second tour de l’élection présidentielle face à Alain Poher. La gauche ressort de cet épisode profondément affaiblie et divisée. Dès le 28 avril, François Mitterrand avait appelé à une candidature unique avec les communistes tout en étant conscient des difficultés d’une union de la gauche. Le Parti socialiste-SFIO et les radicaux sont en effet hostiles à une alliance avec le Parti communiste français (PCF), dont l’image est écornée après la répression du Printemps de Prague en août 1968.

Le 4 mai 1969, réuni à Alfortville, le congrès de la SFIO désigne dans la confusion Gaston Defferre. C’est l’échec des tentatives d’union des partis et clubs socialistes menées depuis 1965 au sein de la Fédération de la gauche démocrate et socialiste (FGDS) (voir ce document et celui-ci).

En juin 1969, la multiplication des candidatures à gauche - Alain Krivine pour la Ligue communiste, Jacques Duclos pour le PCF, Michel Rocard pour le Parti socialiste unifié (PSU) et Gaston Defferre pour la SFIO - se traduit le soir du premier tour par une lourde défaite pour la SFIO qui n’obtient que 5% des suffrages exprimés, contre plus de 21% pour le Parti communiste. La gauche est éliminée du second tour.

Le congrès d’Issy-les-Moulineaux se tient du 11 au 13 juillet. Cette réunion marque la création du nouveau Parti socialiste qui regroupe essentiellement les anciens de la SFIO mais aussi les membres de l’Union des clubs pour le renouveau de la gauche (UCRG) d’Alain Savary, de l’Union des groupes et clubs socialistes (UGCS) de Jean Poperen et des anciens de la CIR. Les discussions d’Issy-les-Moulineaux se structurent autour du refus de l’alliance avec le centre et se traduisent par une résolution finale définissant l’Union de la gauche comme « l’axe normal de la stratégie des socialistes ».

François Mitterrand est interrogé le 17 juillet, après Jacques Duclos (PCF) et Michel Rocard (PSU). Le jour suivant la diffusion de cet entretien, Alain Savary est élu Premier secrétaire du « nouveau Parti socialiste » face à Pierre Mauroy.

Les décisions du congrès d’Issy-les-Moulineaux vont donc dans le sens d’une unité des socialistes voulue par François Mitterrand depuis le début des années 1960. Ce dernier n’a cependant pas rejoint le mouvement qu’il considère comme une tentative factice d’unité dans Ma part de vérité, qui contient des charges violentes contre la SFIO et qu’il vient de publier à la fin du mois de juin. Il s’y met en scène, dans une forme de retrait de la vie politique qu’il observerait depuis sa circonscription de la Nièvre. Ces images d’une promenade dans le Morvan prolongent cet objectif.

François Mitterrand, acteur politique de premier plan, reste donc au milieu de l’année 1969 en marge d’un mouvement socialiste qui le considère avec méfiance.
Arthur Delaporte

Transcription

François Mitterrand
Si les Socialistes d’Issy-les-Moulineaux avaient pris à Alfortville les décisions qu’ils viennent de prendre, tout eut été changé. Voyons que il faut se remettre dans la situation de ces derniers mois, de ces dernières semaines. Une élection présidentielle, pour la Gauche, c’était l’occasion de faire valoir ses objectifs, de rassembler des millions de français à la condition d’avoir un candidat unique, et voilà que le congrès d'Alfortville décide le contraire. À partir de là a commencé une période extrêmement difficile avec cette décadence, division, cette désunion, cette… Bon, je me suis dressé contre cela. Mais je ne me suis pas dressé contre les hommes, qui sont des camarades avec lesquels j’ai beaucoup travaillé dans le passé et que nous retrouverons un jour. Je ne peux donc que me réjouir lorsque je constate qu’à Issy-les-Moulineaux, une majorité s’est formée pour adopter quoi donc, les objectifs que j’ai défendus sans arrêt depuis plusieurs années. À partir de là, je pense que le terrain est plus solide. Et si je regrette que cela n’ait pas été fait au moment où il le fallait, si je redoute parfois que ce soit des concessions plus verbales que réelles, je veux continuer d’espérer. Et dans ce cas-là, j’approuve tout ce qui va vers l’union et la réconciliation.
Annie Desgratoulet
Ce ne sont peut-être pas seulement des concessions verbales parce qu’enfin, le congrès a voté à une écrasante majorité une motion de politique générale qui reprend, on peut dire, la majeure partie des thèmes qui vous sont chers.
François Mitterrand
Je l’espère comme vous, je l’espère. Nous allons d’abord dans les heures qui viennent, peut-être savoir quelle sera la traduction politique, par le choix des hommes. Non seulement d’un Secrétaire Général mais d’une équipe à la tête de ce Parti Socialiste et ce sera déjà un élément de jugement. Ensuite, il y aura la vie quotidienne, les contacts qui seront pris avec, entre ce Parti Socialiste et la véritable Gauche nouvelle, c’est-à-dire le PSU et la convention des institutions républicaines. Et puis un peu plus tard, il y aura des échéances électorales, les élections municipales. Autant de tests qui nous permettrons de savoir où nous en sommes. Mais voyez-vous, pour moi l’essentiel, c’est de retrouver au sein de notre peuple, parmi les millions de Français qui ont suivi naguère la fédération, qui était une puissante formation politique ; où s’était retrouvés, eh bien, tous ceux qui participent de la Gauche, un peu plus socialistes, un peu moins socialistes, mais dont l’axe était celui de la reforme de notre société. Je voudrais que tout cela puisse repartir et c’est pourquoi, moi-même, je m’efforce, un peu partout dans la France, de développer cet idéal, cette volonté.