Les spectateurs du Tour de France à l'Alpe d'Huez
Notice
Les supporters du Tour de France se sont rendus à l'Alpe d'Huez afin de suivre l'étape de contre la montre de 15 km. Entre 800 000 et 1 million de personnes sont attendues, venant de différents pays. Certaines sont déjà installées depuis plusieurs jours sur les bords de la route afin d'être aux premières loges de cette étape, dont la montée est mythique.
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Éclairage
Les coureurs cyclistes et la caravane publicitaire ne sont pas les seuls à animer le Tour de France. La foule constitue son propre spectacle, elle se presse au bord des routes, transformant l'épreuve en une immense fête populaire. Avec le parti pris de centrer l'attention sur les comportements des spectateurs, le reportage présenté le 21 juillet lors du journal de 13 heures sur France 2 ne filme ni les coureurs ni la caravane mais insiste sur la dimension spectatorielle et supporteriste de la célèbre montée vers l'Alpe d'Huez au cours du 91e Tour de France qui s'est déroulé du 3 au 25 juillet 2004.
Le Tour de France est considéré comme l'épreuve cycliste la plus prestigieuse au monde. Au palmarès des étapes mythiques, la montée de l'Alpe d'Huez remporte le classement. Bien qu'elle ne soit pas la plus difficile, plusieurs aspects mettent en lumière sa renommée dans l'imaginaire collectif. Elle bénéficie depuis 1976 de passages réguliers qui ont permis de bâtir la notoriété internationale de la station où la course arrive chaque année entre 1976 et 1992 à l'exception de 1980 et 1985. Dans cette période, la légende de l'ascension s'est construite avec les multiples victoires hollandaises (1). Elle est aussi très prisée des milliers de cyclotouristes effectuant le parcours chaque année.
Le reportage est diffusé le jour de l'ascension en contre-la-montre individuel entre Bourg d'Oisans et l'Alpe d'Huez où se concentrent traditionnellement le plus de monde et qui promet d'être particulièrement spectaculaire ; la presse annonce un million de personnes, record de fréquentation inégalé en 2013 (2). En 2004, l'étape est une phase clé. C'est un moment décisif dans l'évolution du classement général de la course. La sagesse populaire reconnaît que le vainqueur à l'Alpe d'Huez est souvent le vainqueur du Tour. Ensuite un contre-la-montre en montagne est un fait rare dans l'histoire du Tour, l'ont précédé le Mont Ventoux et Chamrousse. Enfin le record de Marco Pantani détenu depuis 1995 en 36'40'' n'a pas été égalé alors que Lance Armstrong domine le Tour depuis 5 ans et vient de ravir le maillot jaune dans l'étape précédente. Tous les regards se tournent vers l'Alpe d'Huez et vers l'Américain. Sera-t-il en mesure de battre le record du champion italien et de remporter une 6e édition, ce qu'aucun avant lui n'a réussi ? Le suspens transforme la course en enjeu majeur et captive le public. Cette ferveur est entretenue par la presse qui sponsorise autant qu'elle couvre l'événement se gardant bien d'évoquer le sujet embarrassant du dopage. Réalisé avant le départ des coureurs, le reportage commence de nuit avec le bombage de la route aux limites de la légalité ; il dresse un portrait des spectateurs et de l'atmosphère qui règne parmi eux. Le Tour de France mais surtout l'attente de l'événement devient un projet de vacances. La manifestation crée chez les spectateurs une histoire commune et sert de vitrine au régionalisme et au chauvinisme. Les supporters du monde entier transposent leur territoire (publicité inscrite sur les véhicules ou sur les maillots, drapeaux régionalistes). Ils gravissent la pente durant la nuit afin de bénéficier d'un point d'observation privilégié et être les mieux placés pour voir les héros. Enfin, le reportage établit un parallèle entre la course et la religion et met en avant une « liturgie du Tour de France » . Cette rhétorique journalistique est au cœur même du processus de sacralisation et de construction du mythe du Tour au cours duquel les cyclistes deviennent des surhommes, les spectateurs des fidèles disposés à croire. L'Alpe d'Huez est devenue un lieu de pèlerinage où le dieu vélo est adulé.
(1) Joop Zoetemelk, Hennie Kuiper, Peter Winnen, Steven Rooks, Gert-Jan Theunisse.
(2) Fait sans précédent dans l'histoire du Tour, en 2013, l'ascension de l'Alpe d'Huez a été effectuée deux fois dans la même journée. Pourtant, la fréquentation n'a pas égalé 2004.
Pour aller plus loin :
- Fournier Jack, Moreau Bruno (2006) Le Grand Pèlerinage. Libris-Glénat. 63p.
- Sansot Pierre (1989) Le Tour de France, une forme de liturgie nationale. In Cahiers internationaux de Sociologie.
- Philippe Kohly et Pierre Laget (2013) Les grands cols du Tour de France : L'Alpe d'Huez