Les touristes étrangers à Tignes
Notice
La station de Tignes reçoit en moyenne de 300 000 touristes chaque année. Parmi eux, 55% sont Français, 3% viennent du Benelux, 12% sont Suédois et 25% sont Allemands. Ces derniers sont de plus en plus nombreux et viennent plus tôt dans la saison, ce qui n'est pas pour déplaire aux commerçants. Le remplissage de la trentaine d'hôtels chaque saison est dû entre autres à la campagne de communication effectuée.
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Éclairage
« Par l'afflux des étrangers, il [le tourisme] contribuera au rétablissement de notre balance commerciale ». Ces propos du rapporteur de la troisième Commission du conseil général de Savoie au moment du lancement de la station de Courchevel en 1945 semblent encore d'actualité dans ce reportage de Gérard Moulinet du 19 décembre 1978 de l'édition régionale de FR3. Débutant par une fausse polémique lancée par un « quotidien » dont on tait le nom suggérant qu'il y aurait « trop d'Allemands à Tignes », le reportage centre rapidement son propos sur la manne financière que représente cette clientèle pour Tignes, « situation qu'envient bien d'autres stations voisines ». Il privilégie en effet un regard économique sur cette clientèle, qui, à l'exception du représentant d'un tour opérateur, n'est jamais interrogée. Cette « manne » allemande est d'abord appréhendée à travers le regard des différents acteurs économiques du secteur (gérants de magasins de sports, propriétaires de bar, représentants de l'office du tourisme) comme un segment de marché spécifique : clientèle nombreuse (25% des skieurs de Tignes), clientèle « d'avant-saison » - le reportage est d'ailleurs réalisé un 19 décembre - qui permet de combler un manque à gagner dans les moments de creux (novembre – décembre) au sein d'une station qui a l'avantage sur les autres domaines skiables d'avoir su équiper son glacier pour permettre un ski d'avant-saison mais aussi de fin de saison voire d'été. Seule une poignée d'autres stations parmi lesquelles les Deux Alpes peuvent se flatter de pouvoir accueillir toute l'année des skieurs. En effet, à la suite de la construction du barrage EDF en 1952 et de la submersion du chef- lieu, Tignes, dont les débuts dans les sports d'hiver datent des années 1930, se réorganise. Certains habitants décident de s'installer sur les alpages du lac de Tignes à 2100 mètres. En 1953, naît « Super Tignes » qui attire le promoteur Pierre Schnebelen. Il équipe Val Claret : des remontées économiques montent alors à l'assaut du glacier de la Grande Motte. Avantageuse, la clientèle allemande l'est aussi parce qu'elle rapporte beaucoup de « devises » et des « devises fortes » comme le rappelle le représentant de l'office du tourisme. La vision est conforme à celle des pouvoirs publics depuis 1945. Si une attention plus grande est réservée au client, le skieur étranger est d'abord vu à travers ses bénéfices économiques, au sein d'un modèle qui, malgré les critiques croissantes dont il fait l'objet dans les années 1970 (destruction de l'environnement notamment), continue de promouvoir « l'usine à skis » à travers « le remplissage de la trentaine d'hôtels ». Les caractéristiques réelles de cette clientèle ne sont pas examinées. Tout au plus passe-t-elle au crible d'une vision très stéréotypée de l'Allemagne et des Allemands affublés du même chapeau tyrolien que le tour opérateur sur lequel s'attarde longuement la caméra ou dont on « ne peut pas dire qu'ils soient plus méchants que cela ». Il faut dire que le point de départ du reportage est en soi un biais qui n'apparaît pas véritablement pertinent – et qui paraît avoir été rappelé aux témoins. Il donne la mesure encore dans la France des années 1970 des préjugés et des réserves à l'égard de nos voisins d'Outre-Rhin. Les bronzés font du ski en 1979 ne sont pas plus tendres avec la clientèle allemande.
Bibliographie :
- Knafou Rémy (1978) Les stations intégrées de sports d'hiver des Alpes françaises : l'aménagement de la montagne « à la française ». Paris : Masson.