Des russes aux Sept Laux
Notice
1 client sur 2 dans les stations françaises de sports d'hiver est étranger. Les derniers en date sont les Russes, avec notamment l'arrivée de la classe moyenne russe dans les stations françaises. L'aéroport de Grenoble-Saint Geoirs a connu une croissance de 40% des passagers en un an. La clientèle russe représente 20% du trafic. La station familiale des Sept Laux a accueilli en janvier 2005 environ 220 clients russes pour des séjours allant de 10 à 15 jours.
- Europe > France > Rhône-Alpes > Isère > Les Sept Laux
Éclairage
On associe traditionnellement le tourisme russe à une élite d'oligarques fortunés comme le milliardaire du nickel Mikhaïl Prokhorov, venus dévaler les pentes de Courchevel dans les années 1990. Ce reportage du 18 janvier 2005 de l'édition Rhône Alpes soir de France 3 s'inscrit en faux contre cette image « bling bling » du tourisme de sports d'hiver russe en France – image rappelée opportunément par le journaliste Jacques Thiébault au début du document. Si ce reportage montre que les stations de sports d'hiver continuent d'être en quête de nouvelles opportunités recherchées au cœur des pays dits « émergents » comme la Russie depuis l'effondrement de l'empire soviétique, puisque « depuis des années, le nombre de skieurs européens stagne », il déjoue le fantasme du tourisme russe aisé susceptible de sauver une station. Il fait apparaître une nouvelle clientèle russe – et une nouvelle manne économique pour les stations de ski rhône-alpines : celle des classes moyennes. Les longs plans sur cette nouvelle clientèle contrastent avec les clichés sur le tourisme de sport d'hiver russe. Casque sur les oreilles, entassée dans l'aéroport, elle arrive dans le cadre d'un tourisme assuré par des tours-opérateurs (il y en a près d'une trentaine qui programment les stations alpines). Vêtue plutôt modestement, elle fréquente des établissements ordinaires pour y manger un banal steak-frites-salade. Débutante dans la pratique du ski, familiale, elle gâterait un peu trop ses enfants d'après le journaliste : cette image d'Epinal est fréquemment mobilisée dans le cas de la clientèle russe. « Moins fortunée », elle est « plus nombreuse » : 26 000 passagers en 2003-2004, selon l'aéroport de Grenoble, soit « 20% du trafic ». Elle a surtout l'avantage, comme son homologue richissime de Courchevel, d'occuper « les creux » des premières semaines de janvier. Nouveauté aussi, c'est la « station familiale du massif de Belledonne » qui accueille cette clientèle. La station des Sept Laux, en dépit d'un brouillard persistant une bonne partie du reportage, est montrée comme une station moderne, comme en témoignent les plans sur les remontées mécaniques et les pistes de ski, mais plutôt modeste. Nous sommes loin des fastes de Courchevel lorsque la caméra s'attarde longuement sur les panneaux du menu d'un restaurant dont les locaux vides, en dehors des quelques clients russes, ne donnent pas nécessairement envie de pénétrer dans les lieux. L'insistance sur les tarifs – 500 euros tout compris – rappelle que cette station, qui appartenait à la série des stations Merlin, du nom du promoteur immobilier des années 1970, est avant tout une station populaire de proximité, fréquentée le week-end par les Grenoblois et les Lyonnais et la semaine par les étudiants et les comités d'entreprises en raison de tarifs attractifs. Il s'agit ici d'utiliser cet argument des prix pour mobiliser une clientèle qui soit cette fois-ci à même d'occuper le parc immobilier existant. Enfin, le reportage, tout en dressant des perspectives optimistes, le fait que désormais certains clients russes soient capables pour venir de faire trois jours de voiture ou encore qu'ils soient dépensiers, aborde un sujet plus sombre. « Les compatriotes de Vladimir Poutine », le nom du président russe étant délibérément évocateur, sont « surveillés ». Jusqu'en 2007, la délivrance de visas aux citoyens russes en France ne s'opérait pas sans difficultés, ce qui limitait de facto l'arrivée des touristes russes. Le reportage ne nous dit cependant rien de la concurrence exercée par d'autres destinations comme l'Autriche et s'il chiffre le nombre de clients russes, il nous donne en réalité peu d'éléments sur cette classe moyenne.