L'ouverture du musée mauriennais de l'aluminium
Notice
Le tourisme industriel attire de plus en plus. A Saint Michel de Maurienne, le musée de l'aluminium, unique au monde, a ouvert ses portes en 2007. Auparavant, en 1992, des anciens employés de l'entreprise Péchiney et des passionnés fondent l'Association du musée mauriennais de l'aluminium. Ils collectent de nombreux objets afin de garder une trace de ce patrimoine. Ceux-ci sont aujourd'hui exposés au musée.
Éclairage
Cet extrait du journal des Alpes de 2007 évoque une forme de tourisme présentée comme en plein essor, le tourisme industriel, à travers l'inauguration du Musée Espace Alu, situé à Saint Michel de Maurienne (Savoie), « premier musée entièrement dédié à l'aluminium ». La vallée de la Maurienne a été un des premiers et des principaux sites de production d'aluminium en Europe, jusqu'à six usines d'électrolyse (1) y ont fonctionné entre 1892 et le milieu des années 1980. Ce territoire a donc été fortement marqué économiquement par cette industrie et socialement par l'entreprise Péchiney, propriétaire des usines et initiatrice d'une politique sociale de type paternaliste comme nombre de grandes entreprises à cette période. A la date du reportage, seule l'usine de Saint Jean de Maurienne était encore en activité, sous l'égide du groupe Rio Tinto Alcan. En 2014, cette usine fonctionne toujours, reprise par le groupe allemand Trimet.
Une première interview donne la parole à Louis Françon, ancien agent de maîtrise présenté comme issu d'une lignée d'ouvriers de l'aluminium, expliquant à son fils ce que fut son travail. Son accueil du musée est ambivalent : « joie » de voir son expérience reconnue « tristesse » au souvenir de la dureté et de la dangerosité des conditions de travail. Le musée est ici présenté comme support de mémoire, de transmission et de reconnaissance.
La parole passe ensuite à Gérard Rayrolles, président de l'association du musée de l'aluminium en Maurienne (AMMA) qui justifie l'existence du musée par la place de l'industrie de l'aluminium dans la vallée : « tout le monde a vécu ici directement ou indirectement de l'alu depuis un siècle ». Cette affirmation, si elle masque l'existence d'autres industries et d'activités non industrielles, agricoles et touristiques notamment, articulées dans des systèmes pluriactifs, illustre néanmoins l'ampleur des mutations économiques et sociales induites par cette activité et par l'entreprise Péchiney. Employant plus de 3000 ouvriers dans les années 1970, offrant logement, loisirs, et une forte intégration relayée par le comité d'entreprise, son impact a été considérable, et celui de sa dislocation également.
Mais si ce musée est bien le résultat d'une longue action associative pour garder trace de cette activité dans la vallée, il a aussi pour objectif de promouvoir les savoirs historiques, techniques, sociaux sur ce métal et ses applications. En effet, contrairement à ce que la première interview peut laisser croire, de même que la présentation de l'association comme regroupant des « anciens de Péchiney », le musée n'est pas centré sur le travail et les usines mais sur le métal lui-même. Installé dans un ancien presbytère dont on aperçoit quelques images (et non dans un ancien bâtiment industriel), le musée dispose d'une scénographie de qualité et d'une très belle collection d'objets en aluminium qui permet d'aborder la multiplicité de ses usages. Il répond donc aussi à des fonctions de découverte et connaissance qui inscrivent la vallée dans un contexte plus large. La conclusion du reportage relie industrie et tourisme, faisant du musée un pont « entre industrie à préserver et tourisme à développer ». Au-delà de la question du tourisme industriel, c'est celle de la cohabitation possible, et ici discrètement souhaitée, entre industrie et tourisme qui est posée.
(1) La fabrication de l'aluminium s'effectue en plusieurs étapes : extraction du minerai de bauxite, transformation de la bauxite en alumine, transformation de l'alumine en aluminium par électrolyse. Seule cette dernière étape, très consommatrice d'électricité, a été localisée en Maurienne, pour bénéficier du potentiel hydroélectrique de la vallée développé pour les usages industriels puis domestiques depuis la fin du XIXe siècle. Cette activité a été très polluante jusqu'aux années 1980, sujet qui n'est pas abordé.