L'hôtel de l'Ermitage
Notice
L'hôtel de l'Ermitage à Saint Nizier du Moucherotte a ouvert en 1959. Beaucoup d'artistes fréquentaient l'établissement, comme Brigitte Bardot, Luis Mariano ou Dalida. L'Ermitage était un hôtel de luxe, isolé de tout, avec vue sur les Alpes. Pour y accéder, une seule manière : la télécabine. Cette originalité a causé sa perte. Quand le vent souffle à plus de 60 kilomètres/heure, l'Ermitage est coupé du monde. Lassés, les clients désertent l'établissement qui ferme en 1975.
Éclairage
En juillet 2001, l'hôtel de l'Ermitage situé au sommet du Moucherotte dans le massif du Vercors (1901 mètres) est démoli. La destruction de l'édifice est l'occasion pour le magazine de Georges Pernoud, Faut pas rêver, de revenir sur « l'aventure » qu'a constitué cet « hôtel unique ». Après s'être attardés longuement sur la vue que l'on peut observer sur Grenoble et ses montagnes, caméras et journalistes suivent les pas des enfants et petits enfants du créateur Jean Zucchetta, ancien notaire à Aix-en-Provence, dans ce qui reste de la splendeur passée d'un hôtel fermé en 1975 et vandalisé depuis. On passe d'une pièce à l'autre au milieu des débris et des quelques meubles qui sont restés. Puis un plan sur ce qui reste du plafond nous replonge, grâce aux films de la famille, dans le passé, au Noël 1959 lorsque l'Ermitage ouvre ses portes, « après deux ans de travaux ». Multipliant clichés et films d'époque, le reportage s'attache à nous montrer le caractère luxueux d'un hôtel fort de « 26 chambres meublées chez des antiquaires (...) dotées de tout le confort moderne pour l'époque, téléphone, radio, moquette et même une salle de bain privée ». Luxueux, l'hôtel accueille des stars (Dalida, Luis Mariano, Charles Aznavour) et parfois les mêmes que celles qui font au même moment les belles heures de Saint Tropez. De multiples clichés indiquent ainsi que Brigitte Bardot et Roger Vadim sont venus tourner à l'hôtel de l'Ermitage en 1961, La bride sur le cou dont une partie de l'action se situe dans un palace aux sports d'hiver. Pour autant, d'après le fils du fondateur, Hubert Zucchetta, on viendrait ici chercher la « tranquillité », loin, semble-t-il, des lumières tropéziennes. Les photos de skieurs indiquent qu'on y pratiquait le ski – même s'il n'a jamais pu se monter une véritable station - mais d'autres clichés, plus nombreux, laissent aussi penser qu'il s'agit sans doute avant tout de privilégier « la réflexion ou la contemplation », voire le farniente sur une terrasse en s'extasiant sur la beauté du paysage. Ce luxe a été rendu possible par la construction d'une télécabine – à laquelle on donne le nom de « téléférique» (1) peut-être parce que ce moyen de transport plus ancien rassurait davantage les clients – qui financé sur des fonds personnels, s'inscrit dans un moment qui voit se faire jour les grands aménagements en montagne et dans un temps qui célèbre à l'envi l'innovation et le progrès technique. A ce titre, la réalisation d'un téléphérique et d'un hôtel n'est pas sans rappeler que le même type d'installations est réalisé en 1934 pour le Mont Veyrier dans le bassin annécien (1291 mètres d'altitude). Ce téléphérique abandonné depuis 1984 est démoli en 2001. C'est sur le compte de l'isolement provoqué par la montagne faute d'une véritable route d'accès que le reportage met l'échec de l'Ermitage. Mais s'agit-il d'une simple question de vent ? L'hôtel de l'Ermitage s'inscrit aussi dans un moment du tourisme, les années 1950-1960, qui en montagne, en hiver, est encore majoritairement le fait d'une clientèle aisée. Le plan sur la course de trail donne la mesure du changement. Dans les années 1970, le tourisme en montagne, en été comme en hiver, n'est plus un tourisme de luxe. Il s'est massifié. Il privilégie la pratique sportive et la performance, le culte du corps ou le plaisir de la découverte d'une nature qui ne serait plus « souillée » comme elle avait pu l'être dans les années 1960. Le reportage n'aborde pas cette question des changements du tourisme, pas plus qu'il n'aborde réellement la question environnementale. Sans doute s'agit-il davantage, à travers ces longs plans sur une famille qui regarde émue ces films sur son passé commun, de privilégier une perspective patrimoniale. En témoigne aussi l'insistance du commentaire comme des images pour dire que Grenoble va perdre « son phare ».
(1) Le mot est orthographié ainsi dans les images d'archives du reportage.