La récolte du maïs

10 mars 1967
06m 46s
Réf. 00010

Notice

Résumé :
Une moissonneuse-batteuse équipée de chenilles et transformée pour l'occasion permet la récolte du maïs grain dans les terres humides du bocage vendéen jusque tard dans l'année. Des agriculteurs s'en sont emparés et ont créé le Syndicat de producteurs de maïs du Bocage vendéen. Grâce à des installations industrielles de stockage et de séchage, le volume de maïs produit est en nette hausse.
Type de média :
Date de diffusion :
10 mars 1967
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Éclairage

Ramené d’Amérique en Europe lors des Grandes Découvertes du XVIe siècle, le maïs commence à être cultivé en Bresse au XVIIe siècle et est déjà relativement bien implanté dans ses futures grandes régions de culture que sont le Sud-Ouest et les plaines du Centre-Est avant la Révolution. Le succès de sa diffusion s’explique par l’incitation fiscale dont il fait l’objet puisque sa récolte est exemptée de la dîme et par sa propension à pousser sur des sols inondables et lourds sur lesquels les autres céréales ne parviennent pas à s’épanouir. Le « blé d’Inde », comme il est parfois surnommé, a par ailleurs la faculté de nettoyer le terrain des mauvaises herbes lorsque la sole sur laquelle il a été récolté est replantée en plantes sarclées. La culture traditionnelle du maïs exigeant des soins constants ainsi qu’une main-d’œuvre abondante au moment de la récolte, cette double contrainte est économiquement surmontée tant qu’il existe une population agricole nombreuse et faiblement rémunérée. C’est ainsi qu’en France, la méthode culturale employée pour exploiter le maïs a globalement stagné au cours du XIXe siècle et durant la première moitié du XXe siècle en dépit des travaux menés par l’Association générale des producteurs de maïs d’Orthez créée dans les années 1930 pour améliorer la sélection des plants et les méthodes culturales. La Vendée, dont la situation géographique a de tous temps été excentrée par rapport au barycentre de la production nationale de maïs, se contente longtemps d’observer de loin cette recherche d’amélioration des rendements. La donne commence à changer avec l’introduction de plants de maïs hybrides importés des Etats-Unis dans le cadre du plan Marshall en 1948 et expérimentés dans onze stations pilotes à travers les différentes régions françaises productrices. Cette fois, le progrès agronomique est au rendez-vous, il est amplifié par les progrès du machinisme agricole et par l’impératif de moins recourir à une main-d’œuvre agricole dont le coût commence à augmenter avec l’amélioration générale des revenus à partir de la fin des années 1950.
En Vendée, un industriel local de machinisme agricole, Bernard Audureau, adapte au début des années 1960 un corn-picker du type de ceux utilisés aux Etats-Unis pour récolter le maïs à une moissonneuse-batteuse automotrice chenillée Massey Fergusson type 510. Cet attelage permet de travailler dans les terrains les plus humides du type de ceux que l’on trouve dans le marais du sud-Vendée et facilite du même coup l’essor de la productivité en dégageant une main-d’œuvre nombreuse jusque là accaparée par la récolte à la main des épis de maïs. Cette solution rappelle le réemploi dans la céréaliculture du Bassin Parisien des châssis de chars Renault FT 17 construits en surnombre à la fin de la Première guerre mondiale au cours de l’entre-deux-guerres. Afin de rendre possible l’utilisation de ces engins agricoles particulièrement coûteux sur des modestes parcelles d’exploitations familiales, les agriculteurs vendéens créent une coopérative d’utilisation en commun de machines agricoles (CUMA) et se regroupent au sein du Syndicat de production du maïs du Bocage vendéen qui permet la constitution d’une filière intégrée avec construction de silos, séchoirs et ensachage. La partie commercialisation est en revanche assurée par un professionnel du marché des grains, en l’occurrence Michel Retailleau, dirigeant d’une graineterie familiale fondée par son père Lucien à Saint-Malo-du-Bois dans le canton de Mortagne-sur-Sèvre. La notabilité conférée par la profession de grainetier-semencier dans le monde agricole a d’ailleurs permis à Lucien Retailleau d’être élu maire de son village entre 1959 et 1965, mandat dans lequel lui a succédé son fils Michel lorsqu’est tourné le reportage de la télévision au silo de la CUMA en 1967, ce qui peut expliquer sa présence sur le tournage. Michel Retailleau va demeurer maire de Saint-Malo-des-Bois jusqu’en 1983, il est le père de Bruno Retailleau, élu président du Conseil régional des Pays-de-la-Loire en 2015 et président du groupe parlementaire des Républicains au Sénat en 2014 et président du Conseil général de Vendée de 2010 à 2015.
Le reportage de 1967 permet également d’évoquer la saga de la société Audureau devenue en 1993 une entité du groupe de machinisme agricole Kuhn fondé dans la région de Saverne par des forgerons de village en 1828 qui jouit d’une réputation internationale solidement établie. L’évolution de la société Audureau s’inscrit elle aussi dans cette trajectoire vertueuse à partir d’une initiative individuelle puisqu’elle remonte à l’installation comme forgeron d’Hyacinthe Audureau en 1890 qui fonde sa société en 1925 à La Copéchagnière pour commercialiser un système de pulvérisation par action d’un vérin accouplé à une lance. La société familiale se développe après la Seconde guerre mondiale avec son fils Bernard que l’on voit dans le reportage, puis avec Jacques Audureau qui refonde la société en 1971 à travers le groupe SERTA spécialiste du vérin hydraulique. Aujourd’hui, si Audureau-Kuhn a abandonné la fabrication des corn-pickers, l’entité vendéenne du constructeur de machines agricoles n’a cependant pas cependant pas cessé de se développer et compte parmi les entreprises-phares du département de la Vendée. Elle conçoit et produit depuis 1999 l’intégralité de la gamme des faucheuses et débroussailleuses Kuhn et le site historique atteint au début des années 2010 une superficie de près de 6 hectares dont 2,7 ha couverts dans lesquels sont produites les machines de conduite d’élevage (désileuses pailleuses, mélangeuses traînées, automotrices et en poste fixe) répondant aux nouvelles normes européennes. Depuis 2013, une seconde unité de production a été inaugurée sur la zone industrielle des Fourchettes de La Copéchagnière afin d’assembler les nouveau grands ensembles mécano-soudés (cuves de mélangeuses, châssis de mélangeuses automotrices,…) qui doivent suivre l’évolution constante de la taille des cheptels au niveau européen. Désormais, les 300 collaborateurs vendéens de Kuhn produisent 3500 machines par an.
Eric Kocher-Marboeuf

Transcription

bruit
(bruit)
Journaliste
Le Bocage vendéen comporte de nombreuses terres favorables à la culture du maïs. Mais ces terres sont humides et impraticables en période hivernale, c’est-à-dire au moment de la récolte. On a adapté une moissonneuse-batteuse qui a permis de, ce qui a permis de résoudre les problèmes de récolte. Monsieur [Haudureau], quelles sont les caractéristiques et les performances de cette machine ?
Intervenant 1
La moissonneuse-batteuse 510 du type que nous vous présentons est une moissonneuse-batteuse automotrice qui a les possibilités d’abord de récolter les récoltes de céréales, blé, et avoine et tout. Et ensuite, nous démontons le tablier de cette moissonneuse-batteuse et nous adaptons des cueilleurs ; ces cueilleurs sont à quatre rangs et permettent d’un seul passage de ramasser donc la, le maïs. Le maïs est convoyé aux batteurs par les, des systèmes de dépanouillage et seuls, les épis sont passés aux batteurs. Ensuite, les grains sont réceptionnés dans une trémie d’une capacité de 30 hectolitres. La décharge de cette trémie se fait hydrauliquement, commandée par vérin et la vidange s’effectue en deux ou trois minutes. Les terrains du bocage étant des terrains très humides, jusqu’à maintenant, la récolte se faisait soit à la main ou soit avec des corn-pickers, ce qui était pratiquement, étant donné l’humidité du sol, pratiquement impossible, nous avons adapté notre machine avec chenille. Ce qui permet de passer dans tous les terrains. Cette machine, naturellement, ne peut pas être achetée dans des petites fermes et aussi, cette machine convient à des entrepreneurs de travaux agricoles, des collectivités d’un ensemble de groupement de cultivateurs, ce qui permet de rentabiliser la machine.
Journaliste
Ce groupement d’exploitants existe, c’est le syndicat de producteurs de maïs du bocage vendéen. Monsieur [Godet], comment avez-vous été amené à le créer ?
Intervenant 2
Nous avions dans le bocage vendéen un problème de récolte de maïs à résoudre. Tous les producteurs de maïs ont connu depuis quelques années des progrès dans la culture du maïs. La potentialité de cette culture, de, des progrès techniques, des progrès chimiques nous ont permis de la maîtriser et d’obtenir des rendements très intéressants. Seule la récolte consistait un goulot d’étranglement. Le maïs est une céréale qui, dans cette région humide, dans cette région froide, mûrit tard, souvent en novembre, et il faut la récolter dans les sols détrempés. Parfois dans les bonnes conditions, le corn-picker assure la récolte mais souvent, de nombreuses parcelles sont encore récoltées à la main. Nous étions amenés à ce dilemme, nous étions amenés à ce choix : ou freiner l’expansion de la culture du maïs, ou trouver une solution mécanique qui puisse nous permettre de récolter en toute sécurité. Nous avons réfléchi, nous avons observé, nous avons vu des machines au travail, et nous avons pris une décision. Nous avons cru que la machine, que la moissonneuse-batteuse, équipée de chenilles, pour la récolte du riz type rizière de Camargue, pourrait nous donner satisfaction. Et nous avons fait ce pari, et nous avons fait ce, ce choix, nous avons cru que la machine pourrait nous donner satisfaction. Nous avons ensuite créé le syndicat avec 18 adhérents répartis sur trois cantons. Et ensuite, autour de cette assise juridique, nous avons, dans le cadre de l’interprofession, donné une structure à notre organisation. Nous avons passé un contrat avec un entrepreneur pour la récolte et un contrat avec un négociant pour le séchage du maïs.
Journaliste
Monsieur [Retailleau] ?
Intervenant 3
C’est au printemps 1966 que nous avons été contactés par le syndicat des producteurs de maïs du bocage. Leur problème de séchage était important et nous avons été amenés à monter cette installation à Mouchamps, qui semble être le centre de la production du maïs dans cette région. Comme vous le voyez, le maïs arrive par camion ou remorque en vrac, il est benné dans cette trémie. Des élévateurs entraînent le maïs dans une batterie de séchoir. Il faut dire que ce maïs arrive à une humidité de 40%, nous en faisons l’analyse à l’arrivée, et doit être ramené pour une bonne conservation à 15% d’humidité. Ce qui représente environ 30% d’eau à retirer. Nos séchoirs ont une contenance de 10 tonnes, vous voyez, c’est donc 3 tonnes d’eau qu’il nous faut, à chaque opération, évacuer. Une fois séché, le maïs est refroidi, il est nettoyé, pesé. Il faut signaler que le nettoyage se fait en une opération avec séparation d’une part des poussières et du grain cassé, ce qui permet de récupérer le grain cassé pour l’aliment du bétail. Après pesage, il est expédié dans des cellules d’une contenance totale d’environ 9000 quintaux.
Intervenant 2
Nous avons une année de fonctionnement, nous avons des résultats probants et nous pensons, l’an prochain, récolter autour de 300 hectares avec deux machines. C’est la preuve que la solution que nous avons adoptée était valable.