Congrès des organismes de crédit maritime

02 octobre 1969
05m 23s
Réf. 00506

Notice

Résumé :
Le congrès de la Confédération des organismes de crédit maritime mutuel a lieu aux Sables d'Olonne, dans un contexte de crise de la pêche. Son secrétaire général, son président ainsi que celui du Crédit coopératif (Pierre Lacour) expliquent la raison d'être de cette confédération qui regroupe la majorité des acteurs de tous les niveaux du secteur, et ils évoquent les enjeux de ce congrès.
Date de diffusion :
02 octobre 1969
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Éclairage

L’histoire des pêches maritimes en France est marquée par des cycles, relatifs à l’adoption de nouvelles techniques et associés à l’évolution des écosystèmes, des marchés et du goût des consommateurs. Jusqu’à la fin du XIXe siècle, ces mutations se sont auto financées, les entreprises de pêche trouvant dans leur environnement économique local l’argent dont elles avaient besoin pour se moderniser. Dans les années 1880, des formes nouvelles d’accès au crédit se sont organisées : les banques populaires, sous le contrôle et la garantie de l’Etat. Il s’agissait de concentrer l’argent des sociétaires/actionnaires et de gérer celui des professionnels/clients, en organisant sur le mode contractuel l’accès au crédit, à l’emprunt, pour les uns et la rémunération des prêts d’argent pour les autres. Le Crédit Maritime a été créé par une loi de 1906, ses missions en terme d’accompagnement de la filière pêche sous l’égide de l’Etat ont été précisées par une loi de 1913.
Dans les années 1960, la dernière mutation en date concernait la modernisation de la pêche au chalut, survenue dans les années 1950, dans le sillage d’une motorisation généralisée, et non plus seulement réservée aux navires de pêche industrielle. Associé aux progrès de la chaîne du froid, ce nouveau système de production avait abouti à une surexploitation, et à la chute des tonnages débarqués. La diminution consécutive des flottes de pêche intervenait en pleine ouverture européenne, juste après les mouvements sociaux de 1968, alors qu’on observait aussi une chute des tonnages de la production ostréicole : tout concourait à dessiner les contours d’une crise systémique. Cette crise avait des facteurs locaux et mondiaux, environnementaux et sociaux, ponctuels et généraux. Le Crédit Maritime, en raison de ses activités de banque mais aussi de coopérative d’avitaillement (fournisseur de matériel pour les flottes de pêche) ou de transformation et commercialisation de la « marée » sous toutes ses formes, se devait d’adopter une stratégie pour faire face aux difficultés. Le temps d’un Congrès national, Les Sables-d’Olonne devint la capitale éphémère de la filière pêche française, alors que celle-ci était à la croisée des chemins.
Annonciatrices de crises à venir (épizootie des huîtres portugaises en 1972, choc pétrolier de 1973) les difficultés n’étaient rien d’autre que les premiers effets d’une mondialisation dont on peinait à envisager les conséquences globales. Le groupement d’acteurs de la filière pêche française (30.000 marins-pêcheurs sur les 43.000 que comptait alors le pays) envisageait simplement de conserver ses objectifs initiaux : assurer aux producteurs la juste rémunération de leur travail. La crise économique des années 1970-1980 a finalement obligé le Crédit Maritime à se replier sur un cœur de métier, celui des services bancaires et du crédit à l’investissement (navires, entreprises de conchyliculture) ou au fonctionnement (prêts dit « campagne » qui constituent des avances sur trésorerie). Le congrès des Sables-d’Olonne marque en quelque sorte la première étape d’une restructuration que ses acteurs se refusaient encore à envisager. Ce mouvement a permis à l’établissement de conserver aujourd’hui son rang de financeur de la filière pêche et d’instrument exclusif de la politique sectorielle de l’Etat dans le domaine des pêches.
Thierry Sauzeau

Transcription

Journaliste
Le congrès des organismes de crédit maritime mutuel qui se tient aux Sables-d’Olonne les 2, 3 et 4 octobre, permettra de mettre en relief les problèmes graves qui se posent maintenant à la pêche industrielle et à la pêche artisanale, au chalutage. Pour de multiples raisons, la situation dans ce secteur est loin d’être encourageante. Régression des apports de poissons frais et congelés, régression de leur valeur, diminution générale des navires de pêche tant en tonnage qu’en puissance, prévisions non tenues du cinquième plan, etc. Les raisons de cette situation, les grèves de 68, qui ont conduit à l’arrêt prolongé des navires, le renouvellement impératif de matériels en raison notamment de l’appauvrissement du banc de poissons et de la pression des importations. Les organismes de crédit maritime ont donc fort à faire et le congrès des Sables se révèle d’une extrême importance. Monsieur [Bonassies] est le secrétaire général de la confédération des organismes de crédit maritime mutuel. Alors Monsieur, pourriez-vous d’abord préciser la fonction de ces organismes et leur importance ?
Intervenant 1
Eh bien, la confédération des organismes de crédit maritime mutuel groupe dans un même ensemble tous les organismes coopératifs des pêcheurs artisans français. Vous trouvez dans cette confédération tout d’abord les caisses de crédit maritime mutuel qui, au nombre de dix, couvrent l’ensemble du littoral français. Vous avez ensuite des coopératives d'avitaillement qui sont plus d’une centaine, qui ont pour charge de fournir aux navires tout ce qui est nécessaire pour travailler, les filets, le gazole, etc. Vous trouvez enfin, depuis une date un peu plus récente, la coopérative de fabrication de conserves, et il ne faut pas oublier que les pêcheurs de France ont quand même une coopérative travaillant environ 10 % du poisson français. Vous trouvez ensuite les coopératives d’armement, armement de navires. C’est-à-dire que les marins ont mis en commun leurs bateaux pour avoir au moins une part sur les gros bateaux ; et pour pouvoir également développer la pêche artisanale d’une façon moderne, avec des méthodes de gestion modernes. Vous avez ensuite les coopératives de mariage qui vendent les poissons et qui sont elles-mêmes groupées en une union qui exploite à l’heure actuelle, et nous sommes les seuls à le faire, un poste de mandataire à Rungis, ainsi qu’un poste de mandataire sur le marché d’intérêt national de Toulouse.
Journaliste
Et représente-t-il, justement, l’ensemble des marins pêcheurs français ?
Intervenant 1
Non, on ne peut pas dire ça exactement, ce que nous pouvons dire alors en cela, en toute logique, c’est qu’au sein de nos organismes de coopératives sont groupés 30000 marins pêcheurs artisans sur un total de 43000 dont 6000 pour la pêche. C’est-à-dire que nous groupons environ 99 % des marins, mais nous ne groupons pas la totalité.
Journaliste
Maintenant, quels sont les points essentiels de l’ordre du jour du congrès auquel vous assistez ?
Intervenant 1
Eh bien, les points essentiels de l’ordre du jour seront les points qui nous préoccupent le plus, à savoir à l’heure actuelle les problèmes de commercialisation des produits. Comme vous l’avez dit justement, la pêche française a des difficultés certaines et nous affectons tous nos efforts à les améliorer en prenant nous-mêmes en main notre destinée, à savoir en essayant nous-mêmes de commercialiser, de connaître, de comprendre, de voir pourquoi et comment nous pourrons arriver à avoir des meilleurs prix pour nos produits, pour nos producteurs.
Journaliste
Monsieur Calvez, en tant que président de la confédération, vous représentez bien sûr les bénéficiaires du crédit maritime. Qu’est-ce que la coopération maritime en fait ?
Intervenant 2
Les coopératives maritimes ont été créées par nos anciens pour pouvoir profiter des prix meilleurs qu’ils avaient. Avant leur création, ils étaient exploités par des commerçants. Maintenant, la caisse régionale de crédit maritime qui fait des prêts à nos jeunes marins pour devenir propriétaires ou copropriétaires de leurs navires, leur permet, n’est-ce pas, tout de même, leur donne un avantage social très grand, et à des taux défiants toute concurrence.
Journaliste
Selon vous, Monsieur le Président, alors, que pouvez-vous attendre de ce congrès des Sables-d’Olonne sur un plan pratique ?
Intervenant 2
Nous essayons, n’est-ce pas, de rassembler, c’est-à-dire tous les pêcheurs du littoral français, tous les pêcheurs artisans du littoral français, groupés dans le même sein, de manière à se donner à se comprendre, essayer de se comprendre, les difficultés que chacun a dans sa région et les régler ensemble.
Journaliste
Monsieur Lacour, Président Directeur Général de la Caisse Centrale de Crédit Coopératif, représente, quant à lui, la gestion financière du crédit maritime avec ses impératifs, ses contraintes, ses possibilités. Que représente, Monsieur le Président, le mouvement coopératif dans l’activité des pêches maritimes ?
Pierre Lacour
Le mouvement coopératif représente en chiffres, comme a dit Monsieur [Bonassies] tout à l’heure, un des groupements les plus importants parce qu’il groupe à la fois l’acte de vente des poissons, l’acte de vente des bateaux, l’acte d’approvisionnement. Et ainsi, faisant toutes les fonctions d’un ensemble commercial intégré, il est parvenu à avoir un chiffre total qui le met en tête de la profession des pêches. Je crois aussi qu’en se préoccupant davantage des structures modernes, il a pu donner à nos jeunes artisans un espoir dans la vie, un espoir dans l’avenir que n’ont pas et que pourraient leur envier beaucoup d’autres professions.