La mer en héritage, la Vendée littorale
Un résumé des côtes atlantiques
L’identité rurale de la Vendée fait partie des lieux communs mais cette représentation justifiée dissimule d’importants liens avec la mer. En effet, terre et mer se confondent, du côté des vastes polders de Bouin, au nord, ou de l’Aiguillon, au sud du département.
A mi-chemin des deux baies de Bourgneuf et de l’Aiguillon, les falaises culminent du côté des Sables-d’Olonne, ville, port, station balnéaire et véritable capitale maritime de la Vendée. Sur l’estran, les affleurements du substrat rocheux ont enregistré les traces des dinosaures qui fréquentaient les côtes au Jurassique.
Paysage du marais vendéen
Sur les traces des dinosaures
De part et d’autre de ce secteur, la côte vendéenne offre les plages de la côte de Monts (au nord) ou de La Tranche-sur-Mer (au sud) séparées de vastes marais maritimes par leurs dunes.
Enfin, la Vendée est aussi riche de ses îles. Noirmoutier proche du continent est reliée depuis 1971 par un pont, qui a relayé un passage à gué très ancien, Le Gois. Enfin, l’île d’Yeu, située à une vingtaine de kilomètres des côtes, possède une identité marquée.
Les pêcheurs du passage du Gois
Des côtes façonnées par les paysans de la mer
De cette géographie littorale, les Vendéens ont toujours su tirer parti. Dès l’Antiquité, de nombreux ports assuraient le lien avec la Grande Bretagne ou l’Espagne.
Fouilles archéologiques sur un site gallo-romain
Au Moyen-âge, de grandes abbayes ont initié le mouvement de conquête des terres sur la mer. L’activité portuaire était alors très éloignée du trait de côte actuel, puisque Luçon ou Riez étaient des ports sur l’océan, et qu’ils sont aujourd’hui ceinturés de marais et de polders gagnés sur la mer.
Au sud du département, l’actuel Marais Poitevin était un vaste golfe. Il fut comblé par l’envasement naturel dont ont profité les communautés monastiques et les seigneuries pour le transformer en une zone humide dédiée au jardinage et à l’élevage, sur des parcelles seulement accessibles en barque.
L'agriculture dans le marais poitevin
Depuis La Tranche-sur-Mer jusqu’à l’estuaire de la Vie, en passant par le pays d’Olonne, à l’arrière des dunes, la paysannerie s’occupait de productions spécifiques, cultivées dans les sables engraissés par les algues marines (vignes, pommes de terre, oignons).
Le vignoble des Fiefs vendéens
L'écomusée du Daviaud avec Jean-Pierre Bertrand
Des côtes animées par les gens de mer
Isolés des plages par de véritables montagnes de sable, les marais maritimes étaient quant à eux le territoire des sauniers, producteurs de l’or blanc embarqué sur les flottes de pêche à la morue, aux Sables-d’Olonne, ainsi que dans les ports français et européens.
L'envers des Sables
La paysannerie littorale ne naviguait pas, mais tirait de nombreux avantages de la proximité de la mer, comme ces poissons piégés dans les écluses de pierre ou les coquillages pêchés à pied.
Les communautés de marins-pêcheurs se sont développées aux Sables-d’Olonne, à Saint-Gilles-Croix-de-Vie ou à l’île d’Yeu, les conchyliculteurs à l’Aiguillon-sur-Mer, à Noirmoutier ou à Bouin.
Toutes ces activités traditionnelles ont connu de fortes évolutions, mais il en reste aussi des traces et un patrimoine qui fait la fierté de ses défenseurs.
Pêcheries restaurées par l'association "Pierres Plates"
La sardine à Saint-Gilles-Croix-de-Vie
Le Vieux copain à L'Ile d'Yeu
L’ivresse des Trente Glorieuses maritimes
Après la Seconde Guerre mondiale, ceux que l’on appelait les gens de mer (pêcheurs et conchyliculteurs) ont été confrontés aux changements de leurs pratiques professionnelles.
Les premiers progrès ont touché la distribution de la marée, avec l’amélioration des marchés de gros : les criées.
Centre de marées des Sables-d'Olonne
La criée de L'ile d'Yeu
A compter des années 1960, la montée en puissance du marché commun européen a soumis la filière pêche à un triple mouvement de spécialisation, de gain de productivité et de concentration des entreprises.
En 1969, l’entrée de l’ensemble de la filière dans une zone de turbulences, en Vendée tout comme au niveau national, était constatée par le congrès national du Crédit Maritime qui se tenait cette année-là, aux Sables-d’Olonne.
Pêcheurs et mareyeurs aux Sables-d'Olonne
Congrès des organismes de crédit maritime
La crise des pêches
Aux Sables ou à Saint-Gilles-Croix-de-Vie, à L’Herbaudière (Noirmoutier) ou Port-Joinville (île d’Yeu) et jusque chez les patrons pêcheurs de l’Aiguillon-sur-Mer, les flottes de pêche vendéennes ont ensuite subi une baisse drastique du nombre de navires et de marins.
La tendance a été accentuée par le recours à des modes de pêche (filets dérivants pour le thon) dénoncés comme destructeurs et qui ont dû être abandonnés.
La pêche à la coquille Saint-Jacques
L'Ile d'Yeu sous le choc
Ile d'Yeu île morte
Réunion aquaculture à Bouin
« Pêcher moins pour pêcher mieux » : un nouveau modèle ?
Dans les années 1990, un plan de réduction administrative des flottes de pêche a été lancé, dans le double souci de préserver la ressource, en pêchant mieux, et de soutenir les cours du poisson, quitte à pêcher moins. Sous l’égide de l’Europe, il convenait de défendre le niveau et la pérennité des revenus des pêcheurs.
Application du plan Mellick
Pêche au thon blanc à la ligne traînante
Reconversion du port des Sables
La conchyliculture elle aussi, après avoir augmenté ses tonnages de production, a finalement dû forger des labels et développer des productions de qualité, pour renouveler son image et assurer sa rentabilité.
Un essai d'ostréiculture industrielle
Les huîtres en casier
La vague balnéaire en ville
A partir des années 1950-1960, ce même vent de modernisme a soufflé sur le rivage. Depuis la côte de Monts jusqu’à Saint-Gilles-Croix-de-Vie, la mise en valeur touristique des plages passait par de grandes opérations planifiées d’urbanisme et d’aménagements côtiers.
Station balnéaire ancienne (1860), Les Sables-d’Olonne ont alors remplacé les villas du remblai par des immeubles collectifs de front de mer, et le casino bâti en 1876 par Eiffel a été reconstruit.
Equipement touristique côte de Monts
L'aménagement urbain des Sables-d'Olonne
Inauguration du Casino des Pins
Fermeture des Nouvelles Galeries des Sables-d'Olonne
La vague balnéaire aux champs
Plus au sud, à La Tranche ou La Faute-sur-Mer, le mouvement a été plus tardif et a pris la forme d’une vague de lotissements. Quel que soit le secteur du littoral, le paysage a été transformé, notamment les dunes qui n’avaient jamais été occupées.
Les sociétés rurales elles-mêmes ont alors adopté des comportements, des modes de travail et de consommation venus des villes. L’agriculture, pour se maintenir, s’est modernisée en sortant de sa routine, comme l’illustre l’adoption de la culture des tulipes, à La Tranche.
La saison à Saint-Jean-de-Monts
Une tulipière en Vendée
Sortir du tourisme de masse
C’est dans les années 1980 que sont apparues les conséquences de cette reconversion d’un littoral rural, vers le tourisme de masse. Il a fallu adapter les captages et réseaux d’eau potable pour faire face au pic de fréquentation estivale et aux besoins de l’agriculture intensive.
Restrictions d'eau
En outre, le vieillissement de la population est devenu une donnée fondamentale, alors que les villages sont déserts l’hiver, et doivent assumer les charges d’une exigeante, mais très courte, saison d’été.
La Tranche-sur-Mer avant l'été
La mobilisation de la main d’œuvre saisonnière qui ne réside plus sur place, faute d’emplois pérennes, pose le problème de son logement temporaire.
Le travail des saisonniers
Campeurs sur terrains privés
Diversifier l’offre touristique
On pourrait encore citer la propagation du camping sur les parcelles isolées, qui pose des problèmes esthétiques, sanitaires et de sécurité. A côté de cette tendance lourde, le tourisme vert, d’abord confidentiel, est venu diversifier l’offre, et mettre en valeur les atouts de l’arrière pays bocager.
Le camping modèle de La Garangeoire en Vendée
Le tourisme vert en Vendée
Enfin, une autre piste vise à attirer une clientèle haut de gamme, en lui offrant des services d’exception : thalassothérapie, golf, hôtellerie de luxe.
La thalassothérapie en Vendée
La mer, nouvelle frontière industrielle ?
Les paysans sont devenus rares, ils ont été remplacés par des estivants et des retraités aisés. Le recul très net des marins et des conchyliculteurs sur le littoral vendéen n’a pas rompu les liens de la Vendée avec la mer. Ces liens se sont plutôt renouvelés et de nouveaux usages ont peu à peu émergé.
Ainsi les progrès techniques autour des pêches ont-ils permis le développement d’entreprises de production d’hameçons et de filets, tandis que les chantiers navals élaboraient les navires de travail dont la réputation a fini par dépasser les frontières de l’hexagone, avec des exportations à la clé. La présence d’un arrière-pays rural, à la main d’œuvre abondante et faiblement syndicalisée, s’est révélée un atout décisif pour toutes ces entreprises.
Les filets de pêche
La reine de l'hameçon
Construction de crevettiers par le chantier Gendron
Reprise du chantier Union et Travail
La plaisance, fleuron de l’industrie maritime
C’est dans ce contexte que l’épopée de la marine de plaisance a pris racine, quand la réduction des flottes de pêche a croisé l’engouement pour la navigation de loisir.
Après avoir cru aux solutions offertes par l’aluminium, les chantiers navals ont connu un essor sans précédent en adoptant le polyester.
Les navires aluminium Neptune
La saga familiale des Bénéteau, passés en trois générations du statut de bâtisseurs de thoniers en bois, à la place de leader sur le marché des navires « pêche promenade » est emblématique de cette reconversion réussie de la pêche vers la plaisance, pour tout un territoire.
Le chantier Bénéteau
Exposition nautique
Beneteau reprend Jeanneau
Le nouveau visage de la Vendée maritime
En 1989, la création du Vendée Globe donnait une vitrine supplémentaire au renouveau des liens terre-mer en Vendée.
Les conditions mêmes du développement touristique littoral en ont été modifiées, avec des créations portuaires dédiées à la plaisance (Port Bourgenay près de Talmont ou Le Morin à Noirmoutier) ou bien la réhabilitation de friches industrielles et portuaires (la Conserverie, à Saint-Gilles) autour de ports de plaisance implantés sur les lieux même qui autrefois résonnaient des bruits de la criée ou des usines de conserves.
L'aménagement du littoral vendéen
Un port de plaisance à Talmont
Saint-Gilles-Croix-de-Vie
Rivages inconstants et changements climatiques
En ce début de XXIe siècle, la mer est devenue la raison d’être de toute la population du littoral, ce qui n’était pas le cas avant les années 1950.
Cette évolution a été rapide. Elle aboutit aujourd’hui à une consommation de l’espace et des ressources côtières sans commune mesure avec ce que les sociétés anciennes pouvaient connaître. Le foncier a été dévoré par une urbanisation galopante.
On a pourtant oublié que le rivage est par nature inconstant et se révèle vulnérable aux changements climatiques.
Construction de la nouvelle digue à Bouin
Noirmoutier se défend contre la mer
Hausse du niveau de la mer
Reboisement des dunes de Noirmoutier
Une côte face aux colères océanes
Les zones endiguées, à Bouin ou à Noirmoutier, ont fait la preuve historique de leur fragilité et des travaux d’entretien incessants qu’elles nécessitent.
Les dunes connaissent les mêmes problèmes, confrontées aux effets de l’élévation du niveau des océans qui aggravent leur érosion, et mettent en péril un demi-siècle d’urbanisation avec vue sur la mer.
La tempête Xynthia (2010) a été un cruel signal d’alerte lancé par la nature aux habitants, aux promoteurs et aux élus du littoral.
Tempête en Vendée
Inondations à Noirmoutier
Les victimes de la tempête en Vendée
Les dégats à la Gachère
Accidents maritimes contre image de marque
Le littoral densément peuplé et occupé est donc devenu une valeur à défendre. Les naufrages de l’Erika (1999), de sinistre mémoire, ou de l’Artémis (2008), plus anecdotique, soulignent les risques liés aux pollutions.
Le plan polmar à l'Ile d'yeu
Un cargo échoué aux Sables-d'Olonne
Les concentrations estivales de toxines dans l’eau de mer sont un autre sujet de préoccupation. Les conséquences en termes d’image et de pertes économiques sont telles qu’il faut pouvoir rassurer les populations.
Algue toxique à Noirmoutier
Tenir compte des risques, pour profiter de la mer
Le label Pavillon Bleu est un gage de qualité, côté plage, et les réserves naturelles, comme celle de la baie de l’Aiguillon, côté marais, renvoient le même signal.
Ces instruments font partie de la politique de gestion et de communication de la Vendée littorale.
Les pavillons bleus des plages vendéennes
Cette tendance à vouloir préserver le patrimoine et l’environnement est souple, comme le souligne l’installation sans heurt des éoliennes de Bouin.
Finalement, la prise de conscience de la fragilité du littoral et de la nécessité de sa protection sont devenues essentielles, en Vendée comme ailleurs, en ce début de XXIe siècle.