Sivem à Aizenay

27 novembre 1981
02m 45s
Réf. 00517

Notice

Résumé :
L'entreprise de textile Sivem risque de fermer, menaçant 680 emplois dans une commune, Aizenay, que la société fait vivre pour ainsi dire. Les salariés manifestent et envisagent d'occuper les locaux pour défendre leurs emplois et protéger le village de la catastrophe.
Date de diffusion :
27 novembre 1981
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Lieux :

Éclairage

L’usine textile d’Aizenay située route de Nantes a été créée en 1951 par une société choletaise afin de confectionner des uniformes pour l’armée. L’unité de fabrication est rapidement passée de 50 à 200 salariés mais connaît un premier dépôt de bilan en 1954, année de la fin de la guerre d’Indochine. L’entreprise redémarre et connaît une remarquable extension passant de 1 600 m² à plus d’un hectare en 1966. Elle est reprise par le groupe Armand Thiery en 1968 et va alors vivre sa période la plus faste produisant entre autres des costumes trois-pièces haut de gamme dans les années 1970 en employant un millier de salariés en 1974, en comptant le site de Poiré-sur-Vie.
Les difficultés économiques et sociales rencontrées par les salariés de la SIVEM à Ayzenay au début des années 1980 sont à resituer dans le contexte de la crise économique frappant la France après le second choc pétrolier de 1979-80 faisant suite à la Révolution islamique en Iran qui a porté le baril de pétrole de 20 à 40 $. Depuis les années 1960, l’industrie textile communautaire, et donc française, est soumise à la concurrence croissante de pays extra-européens. Après avoir été à nouveau concurrencées par les entreprises textiles japonaises, qui étaient déjà de grands acteurs de la production textile mondiale avant la Seconde guerre mondiale, les entreprises américaines et européennes ont été menacées par des pays à bas coût de main-d’œuvre en développement comme l’Inde, la Tunisie, le Maroc ou le Bengladesh. Cette situation a conduit les états à devoir adopter des dizaines d’accords dérogatoires bilatéraux aux règles de libéralisation des échanges négociées au cours des « rounds » du GATT dès les années 1950 et 1960. S’agissant des entreprises textiles européennes, les premiers Accords multifibres (AMF) censés protéger l’industrie textile européenne (coton, laine, fibres synthétiques) par des quotas d’importation en volume et répartitions par fibre et pays sont conclus en 1974 et renouvelés en 1977. En dépit de leur existence, ils ne permettent pas d’endiguer durablement les importations car les gouvernements cèdent aux pressions des groupes de la distribution et à la demande des consommateurs qui se tournent chaque année plus nombreux vers les articles textiles importés moins chers, d’autant que la conjoncture économique globale se dégrade, que les gains de pouvoir d’achat diminuent et que le chômage fait son apparition.
Cette spirale de facteurs négatifs explique la situation de la SIVEM qui est une filiale du groupe Armand Thiery et Sigrand qui dispose dans les années 1970 d’une chaîne de magasins de vêtements à travers la France. Le positionnement marketing du groupe dans les vêtements de qualité moyenne et haut de gamme devient un handicap et le management n’a pas vu venir la stagnation du pouvoir d’achat et les nouvelles habitudes de consommation en matière de vêtements. Les lignes de vêtements d’Armand Thiery commencent à être en décalage avec un renouvellement de clientèle qui porte moins le costume que la génération précédente, il en découle des difficultés dans l’usine du groupe de Mérignac, dans la banlieue de Bordeaux. A l’automne 1981, l’usine vendéenne de la SIVEM qui se porte pourtant encore bien est toutefois victime des difficultés financières du groupe et connaît un second dépôt de bilan entraînant 450 licenciements en 1982. A partir de février 1982, durant une année, une cinquantaine d’ouvrières occupent le site afin d’éviter le démantèlement de l’outil de production qui est finalement repris fin 1983 par la Société générale de vêtements de Limoges qui redémarre une ligne de fabrication jusqu’en 1987 avant de cesser à nouveau l’activité. Deux autres repreneurs se succèdent jusqu’en 1998, année où la société de mobilier métallique Resistub reprend les murs pour les dédier à une toute autre fabrication.
L’histoire de l’usine SIVEM d’Aizenay illustre le destin de trop nombreuses entreprises textiles françaises au cours des quarante dernières années.
Eric Kocher-Marboeuf

Transcription

(Bruit)
Journaliste
Aizenay, 5000 habitants, un village menacé par le chômage. Sa plus grosse entreprise, 680 salariés, risque en effet de fermer ses portes. Il s’agit de la CIVEM appartenant au groupe Armand Thiery et Sigrand. Pour le village, cette usine, c’est d’abord une patente qui représente 20 % des impôts locaux, et le quart de sa population active y travaille. Si les employés sont licenciés, le village entier sera touché.
(Bruit)
Intervenant
Il est bien évident que pour l’économie locale, ce serait un écroulement qui se produirait par réactions en chaîne puisque les personnes qui travaillent cesseraient de consommer ; et les problèmes se répercuteraient très rapidement au niveau des artisans, en particulier du bâtiment, qui connaît déjà des difficultés depuis un peu plus d’une année.
Journaliste
Et ça représenterait une population de chômeurs de combien à peu près ?
Intervenant
Eh bien, la commune a déjà 160 chômeurs, plus les 260, ça ferait un peu plus de 400, ce qui ferait entre 20 et 25 % de la population active ; ce qui est évidemment, bon, à la fois catastrophique et risquerait d’entraîner par réactions en chaîne un nombre de chômeurs encore plus important.
Journaliste
Comment en est-on arrivé là ? La SIVEM a deux usines, Aizenay et Mérignac. Aizenay fabrique des pantalons et surmonterait la crise du textile s’il ne devait pas éponger les déficits de Mérignac qui a davantage de difficultés avec la confection sur mesure. D’autre part, le PDG Nicolas Thiery a vendu la Somate, c’est-à-dire ses magasins au Groupe Printemps qui achète ses vêtements à l’étranger. La SIVEM a donc perdu ses débouchés commerciaux. Pour l’instant, la direction reste muette sur d’éventuels contacts pris avec des clients, si aucun acheteur ne se présente, l’usine fermera. De leur côté, les syndicats espèrent que le plan multifibre préparé par le Gouvernement maintiendra l’emploi dans le textile. Selon eux, l’entreprise d’Aizenay est viable.
Intervenante 1
La CFDT actuellement demande qu’il y ait continuité de l’activité au-delà du 31 décembre, jusqu’à ce qu’il y ait une reprise. Alors nous exigeons, et que ce soit dans les lois, qu’il n’y ait plus de contrat déterminé, qu’il y ait garantie d’emploi dans les entreprises à partir de maintenant.
Intervenante 2
Si l’usine est fermée au 31 décembre, nous avons l’intention d’occuper les locaux et nous, la CGT sera à côté des travailleurs et nous continuerons la lutte pour sauver notre emploi et nos avantages acquis. Il y a 15000 chômeurs en Vendée, nous ne voulons pas que les 680 de la SIVEM viennent s’ajouter à ce nombre.