Restructuration chez Fagor-Brandt

30 juin 2006
02m 22s
Réf. 00534

Notice

Résumé :
Le comité central de Fagor-Brandt annonce la suppression de 119 emplois, en Vendée, à Aizenay et La Roche-sur-Yon. Les licenciements concernent uniquement la partie structure, c'est-à-dire les bureaux, la recherche et développement, la qualité et les finances, mais pas les chaînes de montage. Les salariés sont donc relativement soulagés, ils craignaient la fermeture du site.
Date de diffusion :
30 juin 2006
Personnalité(s) :

Éclairage

Entre la fin des années 1990 et les années 2010, la lente agonie de l’ancienne usine Esswein, entrée successivement dans le giron de Thomson-Brandt, Elco puis Fagor-Brandt, a émaillé la chronique sociale de la Vendée et plongé des centaines de familles dans l’incertitude du lendemain. Cependant, il serait dommage de ne retenir que la page la plus douloureuse de l’histoire d’une épopée industrielle hors-normes qui semble actuellement se conclure par une reconversion réussie, confirmant sans doute la capacité d’adaptation et de rebond du tissu économique vendéen.
L’aventure de l’électroménager vendéen débute à La Roche-sur-Yon en 1948 lorsque Jean Esswein, déjà âgé de 47 ans, fils d’un Alsacien ayant choisi de déménager en Vendée après avoir opté pour la France en 1871, décide de fonder une petite société spécialisée dans l’électricité automobile. Jean Esswein a davantage l’esprit commercial que l’âme d’un ingénieur et l’entrepreneur comprend rapidement que sa fabrication de bobines et têtes d‘allumage de voitures ne peut pas rivaliser avec de grands concurrents qui ont noué de longue date des relations exclusives avec les constructeurs.
Au hasard de ses activités, Jean Esswein fait une rencontre décisive avec George Henry, un passionné de technologie. A l’aube des années 1950, les deux hommes considèrent avec un grand intérêt les nombreux brevets américains qui accompagnent la diffusion de l’American way of life, en particulier la modernité domestique incarnée par les appareils électroménagers qui font rêver toutes les ménagères de l’après-guerre. Parmi les tâches domestiques les plus ingrates, la corvée de la lessive est sans doute l’une des plus pénibles et dévoreuse de temps. S’il existe des lessiveuses chauffantes à charbon depuis la fin du XIXe siècle et des lessiveuses électriques depuis l’entre-deux-guerres, un progrès décisif est accompli en 1937 avec John W. Chamberlin et le Rex Earl Bassett Jr qui inventent un système de lavage complet par chauffage, brassage et essorage centrifugé du linge commercialisé par le conglomérat américain Bendix Home Appliances. Cependant, le démarrage industriel dans cette invention n’a lieu qu’à la fin de la décennie 1940. Chaque fabricant opte alors pour des solutions techniques propres ou acquiert le droit d’exploiter le brevet d’un concurrent européen ou américain. C’est ainsi que Bendix et Laden lancent des modèles de machines à laver automatiques en 1949, suivis par Vedette en 1953 ou encore Thomson en 1954. Cette émulation technique s’explique par les profits considérables promis aux industriels qui sauront offrir aux acheteurs des machines fiables et efficaces.
Cette motivation explique la création de la société Esswein en 1955 et le lancement de la première machine semi-automatique (c’est-à-dire à essorage séparé) Atlantic en 1956 après deux ans de recherches. Le succès est fulgurant et impose de créer de toutes pièces une usine flambant neuve au lieu-dit les Ajoncs, un peu à l’extérieur de La Roche-sur-Yon, en 1958. Après onze années d’une prodigieuse ascension, Jean Esswein décide de vendre son entreprise à Thomson en 1969. Esswein devient alors partie intégrante de la partie électro-ménager du nouveau conglomérat Thomson et est intégrée au sein de la branche Thomson-Brandt. Les deux ingénieurs en chef de l’usine de La Roche, Paul Radat et Pierre Lamour, décident également de voler de leurs propres ailes et fondent la société d’appareils de chauffage Atlantic en 1968 qui va connaître jusqu’à nos jours une belle réussite de manière indépendante.
A son apogée au cours des décennies 1970 et 1980, l’usine Thomson de La Roche-sur-Yon compte 2000 ouvriers, elle est complétée par un second site à Aizenay. Pendant plus d’une génération, les ouvriers apprécient les conditions de travail et la qualité du dialogue social au sein de l’entreprise, les avantages et activités proposés par le comité d’entreprise et les salaires tout à fait convenables. En 1982, les sociétés Thomson-Brandt et Thomson-CSF sont nationalisées pour devenir Thomson SA. La division grand public devient Thomson consumer electronic company en 1987 et est vendue au numéro 3 italien de l’électro-ménager, El.Fi Spa, en 1992 qui regroupe toutes ses marques françaises sous l’appellation Brandt SA. La société italienne est fortement incitée par le gouvernement français à reprendre Moulinex, qui connaît de graves difficultés, en 2000, ce qui contribue grandement à sa faillite en 2001. La division Brandt est reprise par la société israélienne Elco qui la revend dès 2005 à l’entreprise basque espagnole d’électro-ménager Fagor. Au cours de toutes ces péripéties capitalistiques, les usines vendéennes perdent régulièrement des emplois ainsi qu’en témoigne le reportage tourné en 2006. Las, le 7 novembre 2013, Fagor-Brandt est mis en redressement judiciaire et est repris en 2014 par Cevital, premier groupe privé algérien qui s’apprête à relancer la production des appareils électro-ménager Brandt en 2016 en Algérie.
Fin 2016, l’usine de La Roche-sur-Yon, désormais propriété de la société S20 industrie, achève de produire des lave-linge et lave-vaisselle pour Cevital et s’apprête à tourner la page de l’électro-ménager des produits « blancs » en passant à d’autres types de productions. Ses fabrications les plus connues sont d’ores et déjà la machine à café Malongo et le thermostat intelligent Qivivo. Pour sa part, la reconversion est également en passe de réussir à Aizenay.
Eric Kocher-Marboeuf

Transcription

Présentatrice
119 emplois supprimés en Vendée, c’est le chiffre annoncé par la direction de Fagor Brandt à l’issu d’un comité central d’entreprise hier. Une décision liée à un plan de réorganisation industrielle du groupe espagnol. Sur la sellette, 18 emplois à l’usine de La Roche-sur-Yon, 101 à Aizenay, où les réactions ont été mitigées ce matin. Entre amertume et soulagement, les syndicats craignaient la fermeture de ce site de fabrication de fours micro-onde. Reportage à l’embauche ce matin, Josée Saint-Paul et Jean-Marc Lalier.
Josée Saint-Paul
Ce matin, à l’embauche, les sentiments sont partagés. Les délégués syndicaux annoncent aux salariés les projets de la direction, personne n’est vraiment surpris. La restructuration du groupe Fagor Brandt, tout le monde la prévoyait. Difficile en effet en Europe de s’aligner sur les coûts de production des Chinois. Les commandes qui baissent, l’activité qui se réduit, et le plan de réorganisation interne attendu. Conséquence, 101 emplois supprimés sur le site d’Aizenay. Des suppressions qui ne concerneront pas ceux qui travaillent sur les quatre lignes de montage.
Nicolas Rouger
Les mesures touchent partout, notamment à Aizenay, donc le personnel des structures. Les structures, ce sont les gens des bureaux, donc la recherche et développement, la qualité, finances, et donc voilà. Donc, à Aizenay, on est à peu près 220 salariés, aujourd’hui il y a 100 suppressions d’emplois qui concernent le site d’Aizenay et notamment 60 personnes des structures. Et c’est pratiquement toutes les structures qui sont aujourd’hui menacées.
Josée Saint-Paul
Résignés, les salariés d’Aizenay, il y a de quoi. L’entreprise a été rachetée quatre fois en 13 ans, et le marché de l’électroménager en Europe ne se porte pas bien. Résignés, mais un peu soulagés aussi, le site ne fermera pas. L’activité se poursuit en privilégiant la fabrication de fours micro-onde haut-de-gamme, comme celui-ci. Mais personne ne peut parier sur l’avenir du site.
Inconnue 1
C’est, comme on dit, reculer pour mieux sauter, quoi. On a l’impression qu’ils nous font voir des choses et que d’ici quelques années, ce sera, ce sera la même chose, quoi.
Josée Saint-Paul
Ça fait combien de temps que vous travaillez ici ?
Inconnue 1
Ça va faire 19 ans cette année.
Josée Saint-Paul
Vous avez l’air assez fataliste.
Inconnue 2
Ben oui, on est, on est un peu préparés aussi, quoi, ça fait un petit moment que, qu’on en entend parler, qu’on attend. Voilà, il faut que j’aille travailler !
Josée Saint-Paul
Car aujourd’hui, 1000 fours à micro-onde doivent sortir des chaînes de production. Les cartes sont désormais entre les mains des partenaires sociaux, il s’agira au maximum de limiter les licenciements secs.