Un guide pour Gilles de Rais
13 juillet 1976
13m 01s
Réf. 00591
Notice
Résumé :
Marcel Brosset est le guide passionné du château de Tiffauges, fort qui appartenait à Gilles de Rais, alias Barbe-bleue et dont Charles Perrault fit une légende. Le guide relate avec exaltation l'histoire de chaque partie de l'édifice et les actes étranges et criminels, rites démoniaques et pratiques alchimiques, auxquels le grand seigneur se livrait dans son donjon.
Date de diffusion :
13 juillet 1976
Source :
FR3
(Collection:
Caractères
)
Personnalité(s) :
Thèmes :
Éclairage
Cette vidéo de 1976 permet de goûter le plaisir de l’archive en rendant palpable un temps révolu. La visite guidée est en elle-même un moment d’histoire. Sa présentation est devenue dorénavant pittoresque et la visite du château de Tiffauges, à cette date, donne une idée de ce qui était, à l’époque, l’état du bâtiment avant sa restauration.
Gilles de Montmorency-Laval, plus connu sous le nom de Gilles de Rais (ou, selon la graphie contemporaine, Gilles de Retz) né en 1405, exécuté le 26 octobre 1440 à Nantes, est un puissant seigneur de l’Ouest. Pendant la guerre de Cent Ans il se rallie au camp du roi Charles VII et combat les Anglais aux côtés de Jeanne d'Arc, en contribuant notamment à la levée du siège d'Orléans. Au cours de ces campagnes militaires, il est promu maréchal de France le jour du sacre royal de Reims (17 juillet 1429).
Après 1432 il se retire progressivement de la guerre contre les Anglais et se trouve en butte aux accusations de sa famille, qui lui reproche de dilapider son patrimoine. Il est mis sous interdit par le roi Charles VII en 1435, avant d’être poursuivi en 1440, par le tribunal ecclésiastique de Nantes pour hérésie, sodomie et meurtres de « cent quarante enfants, ou plus. » Simultanément, il est condamné à la pendaison et au bûcher par la cour séculière nantaise pour s'être emparé indûment du château de Saint-Étienne-de-Mer-Morte. Il est exécuté le 26 octobre 1640. Après sa mort édifiante, puisqu’il fait un repentir public, il est l’objet d’un culte local, puis confondu le personnage de « Barbe Bleue », avant de devenir au XIXe siècle l’archétype du criminel et du violeur au point d’être un personnage régulièrement employé dans les romans au XIXe et au XXe siècle. La renommée qui en découle mêle étonnamment condamnation et fascination pour cet individu assurément hors du commun.
Gilles de Montmorency-Laval, plus connu sous le nom de Gilles de Rais (ou, selon la graphie contemporaine, Gilles de Retz) né en 1405, exécuté le 26 octobre 1440 à Nantes, est un puissant seigneur de l’Ouest. Pendant la guerre de Cent Ans il se rallie au camp du roi Charles VII et combat les Anglais aux côtés de Jeanne d'Arc, en contribuant notamment à la levée du siège d'Orléans. Au cours de ces campagnes militaires, il est promu maréchal de France le jour du sacre royal de Reims (17 juillet 1429).
Après 1432 il se retire progressivement de la guerre contre les Anglais et se trouve en butte aux accusations de sa famille, qui lui reproche de dilapider son patrimoine. Il est mis sous interdit par le roi Charles VII en 1435, avant d’être poursuivi en 1440, par le tribunal ecclésiastique de Nantes pour hérésie, sodomie et meurtres de « cent quarante enfants, ou plus. » Simultanément, il est condamné à la pendaison et au bûcher par la cour séculière nantaise pour s'être emparé indûment du château de Saint-Étienne-de-Mer-Morte. Il est exécuté le 26 octobre 1640. Après sa mort édifiante, puisqu’il fait un repentir public, il est l’objet d’un culte local, puis confondu le personnage de « Barbe Bleue », avant de devenir au XIXe siècle l’archétype du criminel et du violeur au point d’être un personnage régulièrement employé dans les romans au XIXe et au XXe siècle. La renommée qui en découle mêle étonnamment condamnation et fascination pour cet individu assurément hors du commun.
Transcription
(Musique)
Paul-André Picton
Esprit, es-tu là ? Il était une fois un homme qui avait de belles maisons à la ville et à la campagne, de la vaisselle d’or et d’argent, des meubles en broderie et des carrosses tout dorés. Mais par malheur, cet homme avait la barbe bleue, cela le rendait si laid et si terrible qu’il n’était ni femme, ni fille qui ne s’enfuie devant lui. Ainsi commençait l’histoire au temps de mon enfance. Cher Perrault, que votre joli conte était donc loin de la réalité, même si l’on vous laisse la part du poète. Et c’est pourtant vous que l’on évoque en entrant dans le château de Tiffauges, demeure préférée du connétable Gilles de Rais, alias Barbe-Bleue.(Musique)
Paul-André Picton
Il y a quelqu’un ?Marcel Brosset
Monsieur, bonjour !Paul-André Picton
Ah, Monsieur Brosset !Marcel Brosset
Oui, Monsieur.Paul-André Picton
Très heureux de vous connaître, on m’a dit de m’adresser à vous pour visiter le château, est-ce possible ?Marcel Brosset
Mais parfaitement, avec plaisir, au contraire.Paul-André Picton
Parce que je suis seul, alors...Marcel Brosset
Ah, il n’y a pas d’inconvénient, je suis là pour ça.Paul-André Picton
Et nous commençons par…Marcel Brosset
Commencer par l’histoire, oui. Nous irons aux tours ensuite, la visite se divise en deux parties, nous commencerons par les origines, l’histoire de Gilles de Rais qui…(Musique)
Marcel Brosset
Nous sommes devant le donjon côté cour, côté baille, la baille, vous savez, il n’y a pas eu un mur et 18 tours simplement pour une prairie, vous vous en doutez,Paul-André Picton
Oui !Marcel Brosset
Il y a eu toute une vie active, ces murs témoignent d’un passé. Donc, pont-levis intérieur pour le donjon, il y avait l’emplacement pour l’entraînement des soldats, que c’était spécifiquement ici, des soldats qui étaient entraînés pour aller même commander ailleurs. C’était un peu le Coëtquidan de la région pour toutes sortes de visiteurs. Depuis l’archéologue qui ne vient que par la muraille, d’autres pour Barbe-Bleue, ha, sacré Barbe-Bleue ! Où c’est-y qu'il mettait ses femmes, n’est-ce pas ? L’autre aile du donjon, côté levant, bien sûr, qui s’accouple dans cette direction. Les fameux derniers travaux de dégagement, n’oubliez pas que tout ça, c’était du lierre, et le suspens est toujours ici, qu’y a-t-il à l’intérieur. Oui, c’est un aggloméré, c’est-à-dire, n’oublions pas, ça a été démantelé au XVIIe par ordre de Richelieu, ça a été pillé ensuite, alors ça a été sauté, non pas à la dynamite, à la poudre noire quand même ! Alors, tout ça n’est qu’un amas.Paul-André Picton
Qu’est-ce qu’il y a à l’intérieur, peut-être…Marcel Brosset
Des mystères ! Et le dernier seigneur qui a habité Tiffauges, le donjon, n’oublions pas que c’était la maison d’habitation du chef, du seigneur, c’est Gilles de Rais lui-même. Et c’est dans ce donjon où il a commis ses crimes.(Bruit)
Paul-André Picton
Si je comprends bien, nous serions ici dans la chapelle ?Marcel Brosset
C’est la chapelle, enfin, ça a été la chapelle, puisqu’il n’en reste que quelques fragments.Paul-André Picton
Oui.Marcel Brosset
Enfin, vous avez quand même une arcade déjà brisée, mais quand même du roman qui est très joli,Paul-André Picton
Très joli, oui.Marcel Brosset
C’est la seule qui nous reste. Maintenant, là en fait, nous sommes dans le choeur de la chapelle. La chapelle rejoignait les douves, il y a des bases de piliers d’ailleurs qui restent très marquées et il y a quelques années, le niveau du sol arrivait à la hauteur de ma main. Vous voyez, tout ça était enterré depuis le démantèlement et le pillage sous la Révolution, c’était un amas de pierrailles. C’est pourtant un lieu vraiment très intéressant, c’est dans cette fameuse chapelle où Gilles de Rais avait sa collégiale. Vous savez qu’il était un grand artiste sur la musique, il avait d’ailleurs un choix particulier pour ramasser, c’est-à-dire regrouper ces petits chanteurs. Un jour, il a acheté, acheté un, le prix d’une ferme qu’il a donné à ses parents, il avait un nom prédestiné, Rossignol. Sous le choeur, il y a la crypte.(Silence)
Marcel Brosset
Donc, voici la crypte. Du très beau roman, vous pouvez juger, c’est très goûté d’ailleurs.Paul-André Picton
Et les chapiteaux sont tous différents.Marcel Brosset
Tous différents, ce qui est écrase aussi, je ne sais pas si vous le sentez, ces piliers très serrés.Paul-André Picton
Ce n’est pas un départ de souterrain, ça ?Marcel Brosset
Non, et d’ailleurs, il y avait de l’eau il y a encore quelques années. Les années sèches, il s’asséchait mais peut-être également un dérèglement ultérieur, extérieur, n’est-ce pas, on coupe la veine d’alimentation, il n’y a plus d’eau. Mais c’était une raison capitale, vous savez, on n’a pas bâti des grandes églises ou des cathédrales uniquement pour prier, c’était des lieux de refuge. Regardez, les ouvertures sont des meurtrières, alors il fallait de l’eau. Un lieu très sinistre au point de vue mémoire, c’est dans cette crypte et sur l’autel qui n’est plus, enfin, il a été détruit, où il a fait quelques incantations. Vous savez que l’histoire des femmes, c’est un conte, n’est-ce pas ?Paul-André Picton
Oui, oui.Marcel Brosset
Que c’est des enfants qu’il a tués et bien sûr, ce n’est pas ici où se passaient les crimes, c’était dans le donjon et le soir, n’est-ce pas, il venait ici avec son clerc italien Prelati, son mage, pour offrir une victime en hommage au démon, c’est-à-dire les restes. Il offrait le coeur, les yeux, la main gauche d’une de ses victimes en hommage. C’est-à-dire, voyez-vous, ne retrouvant pas de résultat positif par transmutation, puisqu'ils recherchaient la pierre philosophale, alors, ils invoquaient le diable à leur secours…Paul-André Picton
Oui, parce qu’il était ruiné à l’époque, alors il lui fallait de l’or par tous les moyens, c’est ça ?Marcel Brosset
C’est ça. C’est-à-dire en fait, c’est pour l’or qu’il s’avilit, et c’est l’or qui l’a écrasé, finalement. C’est en voulant faire de l’or qu’il s’est ruiné, tout simplement. Au procès, il a osé risquer plus de 200, donc…Paul-André Picton
Il y avait plus de 200 crimes ?Marcel Brosset
Il a osé risquer le chiffre plus de 200. Certains ouvrages vous chiffrent beaucoup plus. Bon, il faut se remettre un peu dans cette ambiance où, au milieu de ces quatre piliers, le cercle magique, il se saignait même le petit doigt en invoquant Belzébuth, Prince des démons, parraine-nous de toute ta puissance et ta grandeur ! Il a cru voir le diable. Remarquez, c’est possible qu’il ait eu une hallucination !Paul-André Picton
C’était un visionnaire au fond.Marcel Brosset
Oui, à force d’y croire et d’y penser, je suis certain qu’ils auront vu le diable ! Nous voyons ça avec des yeux du XXe siècle, il faut se remettre quand même au XVe, oui. Cette loi du traitre, du crime, du viol, du plus fort ! Et ensuite, il a eu quand même un orphelinat très tôt, sa maman à 10 ans, son papa à 11 ans, il a reçu une très mauvaise éducation par son grand-père, et ça a, je crois, engendré bien sûr, plus tard, un retour.Paul-André Picton
Et la guerre qu’il a faite avec Jeanne d’Arc, c’est ça !Marcel Brosset
C’est ça, ça l’a beaucoup marqué. Il a eu cette page d’honneur, de beauté, de grandeur, de grand chevalier, enfin, le premier Maréchal de France aux Archives Nationales !Paul-André Picton
Oui !Marcel Brosset
C’est quand même une personnalité et c’est peut-être cela qui lui a fait perdre la tête ensuite, il a voulu dominer le monde. Il était quand même un malade, il faut dire le mot, un déréglé naturel qui a tué certainement des enfants au départ sous l’impulsion de ce vice, sans doute, cette maladie, je dirais, de sodomie, c’est un sadique en fait. Et un accouplement d’alchimistes ensuite, c’est-à-dire, ça a été une basse parallèle, n’est-ce pas ? Je tiens quand même à préciser, il est seul qui a essayé de délivrer Jeanne d’Arc à Compiègne, il est arrivé trop tard ! Quand même, là, on peut lui donner cet acte, oui, tout est grand chez lui. Rien n’a été à moitié, le bien, le mal, comme d’ailleurs plus tard sera le repentir.(Bruit)
Marcel Brosset
Et là, deux tours, ensuite, beaucoup plus près de nous, Renaissance. Une tour d’ailleurs, qui, elle, remonte juste à l’époque de Gilles de Rais,Paul-André Picton
Et comment s’appelle-t-elle ?Marcel Brosset
La Tour Ronde, et l’autre, c’est la Tour du Vidame, la fameuse tour acoustique, nous irons tout à l’heure. Nous voici dans la salle de garde de la Tour Ronde.Paul-André Picton
Ah oui !Marcel Brosset
Là, c’est Renaissance,Paul-André Picton
Ah, la cheminée !Marcel Brosset
Très belle cheminée. Cette trappe attire les personnes. Est-ce des oubliettes, c’est peut-être là où il lançait ses victimes. Bon, Gilles de Rais, pour ne pas qu’il reste des traces gênantes, il les fait disparaître par le feu. C’est la tour militaire, c’est là où étaient les soldats, c’est la salle de garde.(Bruit)
Marcel Brosset
Alors, la salle d’honneur de la Tour du Vidame. Et il y avait quand même, ici, n’oublions pas une personnalité qu’il défendait, c’est elle, et une cheminée d’ailleurs très jolie aussi, mais avec des armoiries, patinées, bien sûr, ça a été martelé sous la Révolution. Comme sur cette voûte qui est très jolie, voûte en berceau, reliée d’un cordon, c’est un cordon qui est très fin comme une nervure. Et il avait également des écussons aux carrefours.Paul-André Picton
Alors, qu’est-ce que c’est ?Marcel Brosset
Nos trésors, les petits objets que nous trouvons dans les fouilles.(Musique)
Marcel Brosset
Nous avons des latrines à tous les étages, et une particularité quand même, c’était fréquent mais ici, au lieu de descendre en chute libre à l’extérieur des tours, où par lequel l’ennemi pouvait monter, ici, ça descend par un plan incliné sous la tour, dans les douves, alors par un plan incliné par lequel l’ennemi ne peut pas passer, et l’eau des pluies des cours intérieures passent là dans les latrines. En fait, c’est le tout à l’égout. Deux personnes placées aux deux extrémités, même en communiquant à voix basse, s’entendent exactement comme si elles étaient l’une près de l’autre. Ça, c’est extraordinaire. Vous m’entendez bien ?Paul-André Picton
Oui !Marcel Brosset
Si vous êtes où je pense, nous sommes à plus de 35 mètres l’un de l’autre, et on a l’impression qu’on est tout à côté. D’ailleurs, je vous parle beaucoup plus bas comme si je vous parlais à l’oreille. M’entendez-vous encore ?Paul-André Picton
Oui.Marcel Brosset
Écoutez-moi approcher. Je pars vers vous, vous avez toujours l’impression que j’arrive sur vous.(Bruit)
Marcel Brosset
C’est extraordinaire !(Bruit)
Marcel Brosset
Ici, l’interphone, et nous sommes dans le pilier creux qui servait aux gardes de la Tour du Vidame de communiquer entre eux et d’un étage à l’autre. Je suis ici au deuxième étage, vous me recevez au premier. Tous les mètres, il y a un trou d’aération pour ne pas que la voix puisse s’étouffer. Ici, l’interphone, nous sommes dans le pilier creux qui servait aux gardes de la Tour du Vidame de communiquer entre eux d’un étage à l’autre. Je suis ici au deuxième étage, vous me recevez au premier, au cas où il y aurait des canonnades ou des mitrailles, cela donnait la possibilité de s’entendre sans avoir à se déplacer.(Bruit)
Paul-André Picton
Monsieur Brosset, j’ai oublié de vous demander, comment êtes-vous devenu guide ?Marcel Brosset
Ah, ah, ah, ah, eh bien, c’est assez simple. J’ai essayé de rentrer sur cette branche, j’étais cultivateur, j’avais été passionné quand même un peu par la vie de Gilles de Rais que j’avais étudiée sans savoir que j’y viendrais un jour, je connaissais quand même un peu Tiffauges. Et quand Tiffauges a été, bien sûr, à la ville, a été donné à la ville par Monsieur le Marquis de La Bretesche, ils ont cherché un guide. J’ai posé ma candidature comme d’autres et j’avais beaucoup d’espoir mais il n’était pas certain. Je crois que je les ai satisfaits dans l’ensemble.Paul-André Picton
Mais vous étiez déjà un enfant du pays, vous connaissiez le château déjà étant jeune, je crois ?Marcel Brosset
Pas du pays, mais enfin, je connaissais Tiffauges, j’étais déjà passé visiter la Tour du Vidame surtout, qu’on visitait autrefois. C’était l’écho qui nous attirait.Paul-André Picton
Et maintenant, en dehors de vos activités de guide ?Marcel Brosset
Ah, ben le jardin, le jardin, les petits moutons, la pêche aussi, et puis les promenades dans les châteaux-forts, l’histoire, je suis passionné là-dessus.Paul-André Picton
Passionné d’histoire ?Marcel Brosset
Oui.Paul-André Picton
Oui, je crois que c’est surtout Gilles de Rais qui vous tient à coeur.Marcel Brosset
Maintenant, c’est, c’est un peu mon ami, si vous voulez, je le côtoie tous les jours, par la parole, la pensée, et j’y repense, même hors visite !(Bruit)