La famille Dubé et la religion

02 décembre 1999
05m 11s
Réf. 00625

Notice

Résumé :
Comme le constatent les membres de la famille Dubé, la disparition des traditionalistes, l'éloignement de la jeunesse des pratiques religieuses et la rupture avec les générations passées est notable en Vendée. Selon le prêtre Pierre Hervouet, on observe en effet une désaffection pour la religion, comme partout ailleurs, même si elle est de moindre importance dans le département.
Type de média :
Date de diffusion :
02 décembre 1999
Source :
FR3 (Collection: 12-13 Ouest )

Éclairage

La famille Dubé illustre parfaitement le basculement qui s’est opéré dans les attitudes vendéennes, au cœur des bastions catholiques du Bocage. Dans la génération du patriarche, la pratique religieuse va de soi, expression d’une foi qui n’est pas mise en doute. S’il a cherché à éduquer ses enfants dans le respect des croyances et traditions auxquelles il était attaché, la transmission s’est imparfaitement opérée. Certains continuent d’aller à la messe mais peut-être pas très régulièrement. D’autres ne fréquentent plus l’église qu’exceptionnellement (baptêmes, mariages et funérailles) mais semblent souvent vouloir s’en excuser, non sans un certain embarras. L’un des enfants qui ne va plus du tout à la messe affirme néanmoins son souci de la prière. Presque tous affichent, avec plus ou moins de vigueur, une certaine continuité dans la Foi. La même diversification des attitudes se repère au niveau des petits-enfants, avec un éloignement plus marqué encore par rapport à la tradition.
Toujours croyants mais moins pratiquants ? La baisse de la pratique religieuse est un phénomène facilement mesurable tandis que l’intensité ou le contenu de la croyance sont beaucoup plus insaisissables. Du point de vue du rapport à la politique, cette distinction n’est pas sans importance. La chute de la pratique dominicale, étroitement articulée au tarissement du recrutement des prêtres, signale surtout le recul, sinon l’effondrement de l’influence de l’Eglise en tant qu’institution. En d’autres termes, la quasi disparition du cléricalisme. Les partis de gauche y perdent un ciment : l’anticléricalisme de combat, mais ils en tirent également bénéfice puisque disparaît un élément qui dissuadait souvent les croyants de les rejoindre. En Vendée comme ailleurs, le PS surtout, mais également des formations plus radicales, se sont ouverts à une nouvelle sensibilité : les chrétiens de gauche. Inversement, des électeurs anticléricaux mais socialement conservateurs ont moins d’objections à rejoindre désormais ouvertement un parti de droite.

Transcription

Présentateur
L’intégration, on vient de le voir, est un des enjeux de notre époque et du siècle qui se termine, un siècle qui a transformé par ailleurs l’histoire des familles. C’est ce que nous découvrons depuis le début de la semaine avec les Dubé, originaires de Vendée. La religion catholique a façonné l’Ouest. Mais si en 1899, 99 % des Bretons et des Ligériens allaient à la messe, cette proportion est tombée à 15 % aujourd’hui, c’est-à-dire 100 ans après. Même si la Vendée reste une terre très catholique, elle n’a pas été épargnée par ce mouvement. Une évolution qu’illustre parfaitement la famille Dubé, qu’Aline Mortamet et les équipe de France 3 Ouest ont rencontré sur leur terre, à Fontenay-le-Comte.
(Bruit)
Aline Mortamet
Philippe est d’origine vendéenne, mais il vit à Pornichet. Il va à la messe tous les dimanches, il a voulu transmettre à ses quatre enfants la religion et le sens des traditions.
Philippe Dubé
Autrefois, on trouvait plutôt, par ici comme chez nous, des traditionnalistes, donc, et puis maintenant, on évolue vers une pratique différente.
Aline Mortamet
Vous, vous êtes pratiquant, par exemple, ou pas ?
Philippe Dubé
Oui, oui.
Aline Mortamet
Comme vos parents, en l'occurrence.
Philippe Dubé
Comme mes parents.
Aline Mortamet
Et vos enfants ?
Philippe Dubé
Mes enfants, certains pratiquent, d’autres non. Ils ont pris une, je dirais, un certain, une certaine distance avec les pratiques religieuses.
Aline Mortamet
Construite au XIXe siècle, cette église du Grand-Fougeray était destinée à accueillir des milliers de fidèles en son temps. Mais elle s’est progressivement vidée, comme partout dans la région. Aujourd’hui, 15 % des gens de l’Ouest se disent pratiquants contre 100 % il y a 100 ans, là encore, une révolution culturelle s’est opérée au coeur des années 60.
Michel Lagrée
Les années 60, c’est le rejet de toute autorité, et s’il y a quelque chose qui était perçu comme une autorité, c’est justement le clergé catholique. Et le rejet de l’autorité, en particulier par l’élément féminin qui constituait souvent le noyau dur des pratiquants, est probablement à l’origine de cette chute de la pratique. Ce qui ne signifie pas que les croyances disparaissent, c’est, ce qu’on peut mesurer, c’est la pratique.
Aline Mortamet
Autre représentant de la famille Dubé, Françoise, installée à Menomblet dans le Bocage vendéen. La période de Toussaint est pour elle un moment important de sa vie religieuse, elle est animatrice dans sa paroisse et militante pour une église plus ouverte.
Françoise Dubé
Catholique, oui, mais je dirais plutôt croyante, c’est plutôt, c’est ce qui donne le sens à ma vie. La religion, jusqu’à présent, c’était plutôt un enseignement, un héritage, ça se transmettait, c’était une tradition et c’était un enseignement. Personnellement, c’est comme ça qu’on a été un petit peu éduqués, et je pense que j’ai évolué dans ce domaine-là. Je pense que si les 25-40 ans ont déserté nos pratiques religieuses, je crois que ça ne correspond plus à ce qu’ils attendent. Donc, je pense qu’il faudra qu’on se remette en cause.
Aline Mortamet
L’église s’est donc éloignée de ses fidèles et la société est devenue plus autonome face aux consignes de la paroisse, et les dernières générations confirment la désaffection des offices.
Myriam Dubé
Jusqu’à la majorité, j’allais à la messe tous les dimanches, on va dire ça comme ça, et aujourd’hui, je suis croyante, c’est sûr, mais moins pratiquante. Enfin, le fait d’aller à la messe, je préfère autant prier toute seule plutôt que d’aller à la messe. Surtout que la messe, dans les petites communes, d’emblée, c’est surtout pour voir qui va à la messe et qui ne va pas à la messe.
Stéphane Arnaud
J’ai été baptisé, j’ai baptisé ma fille, je me suis marié à l’église, mais de là à dire que je pratique, que je vais à la messe le dimanche, non, je n’y vais pas souvent mais je suis croyant.
Aline Mortamet
Jean-Jacques, encore un Dubé, est, quant à lui, directeur d’un collège catholique à Fontenay-le-Comte, mais même lui prend certaines libertés par rapport à la pratique religieuse. Jean-Jacques avait 18 ans en 1968.
Jean-Jacques Dubé
Très certainement, c’est que je ne me situe pas dans la même ligne que mes parents, pour qui, encore aujourd’hui, manquer une messe du dimanche, c’est épouvantable, ça n’existe pas, ça ne se fait pas. J’ai pris un petit peu de recul par rapport à la pratique, c’est-à-dire que je pratique relativement régulièrement, on va dire relativement régulièrement, euh, mais je n’en fais pas une priorité absolue. C’est-à-dire que même si dimanche, je ne vais pas à l’office religieux, je n’irais pas pour autant chez le prêtre pour m’en accuser ou m’en confesser.
Aline Mortamet
Fontenay-le-Comte, la paroisse de Jean-Jacques, Pornichet, celle de Philippe, Menomblet, celle de Françoise, la Vendée, malgré tout, a su conserver ses particularités.
Pierre Hervouet
On a été peut-être un peu préservé plus longtemps que d’autres, mais on connaît un phénomène analogue, avec peut-être moins d’ampleur, parce que des racines chrétiennes étaient plus profondes et plus solides, mais on connaît le même phénomène d’une certaine désaffection par rapport à la pratique religieuse.
Michel Lagrée
On est passé d’une société où, pratiquement, la paroisse se confondait avec la société globale, ça se superposait parfaitement, à une société d’aujourd’hui où les pratiquants sont minoritaires et du coup, la Bretagne et l’Ouest rejoignent en fait la situation de la France et du reste de l’Europe.