L'usine Mathieu

01 septembre 2005
03m 12s
Réf. 00041

Notice

Résumé :
Inaugurée en 1972, l'usine Mathieu, à Fontenay-le-Comte, en forme d'étoile et au nom de l'artiste prolifique, symbolise la conciliation entre l'industrie et l'art. Aujourd'hui y siège une entreprise de services, contrainte d'aménager l'intérieur d'une oeuvre sensationnelle qui reste inachevée, sans son portail et son escalier-éclair, trop coûteux.
Date de diffusion :
01 septembre 2005

Éclairage

C’est à Levallois-Perret, loin de la Vendée, qu’en 1947 le Fontenaisien de naissance Guy Biraud s’associe avec M. Croquez pour fonder BC transformateurs, entreprise spécialisée dans la fabrication de chargeurs de batterie, régulateurs de tension et autres postes à souder. Dès 1950, après la disparition précoce de son associé, Guy Biraud se retrouve seul aux commandes de la jeune société qui diversifie son offre en proposant de petits transformateurs répondant à la forte demande impulsée par la reconstruction d’après-guerre. En 1957, Guy Biraud choisit de faire profiter sa ville natale de la croissance de son entreprise en y installant un atelier de montage de transformateurs et faute de bâtiment industriel adapté, il choisit d’installer ses machines et ses ouvriers dans le décor certes majestueux mais inadapté d’un hôtel particulier d’époque XVIIIe siècle du centre ville de Fontenay-le-Comte. 
En 1967, alors que BC transformateurs s’est pour un temps mué en France transformateurs, Guy Biraud, qui apprécie l’art moderne, confie à Georges Mathieu la réalisation du catalogue publicitaire de sa société car ce dernier s’est déjà fait remarquer pour ses interprétations artistiques de la modernité industrielle. Georges Mathieu va d’ailleurs incarner le style moderne des « Années Pompidou » en dessinant la première pièce de 10 francs lancée en 1974, le logo de la nouvelle chaîne de télévision Antenne 2 qui diffuse ses programmes à partir de 1975 et la sculpture du « 7 d’or » à l’occasion du prix du magazine TV Télé 7 jours remis à partir de 1985.
A l’aube de la décennie 1970, Guy Biraud décide de fermer son atelier de Levallois-Perret et de profiter de la politique d’aide à la décentralisation industrielle en vigueur depuis le milieu des années 1950 en regroupant toutes ses fabrications au sein d’un site unique à Fontenay-le-Comte. Afin que ce recentrage sur la Vendée corresponde à un nouveau départ pour l’entreprise, Guy Biraud se tourne une seconde fois vers Georges Mathieu pour concevoir les plans d’une usine résolument hors-normes qui va voir le jour en 1972-73. C’est ainsi que le peintre entreprend son unique réalisation architecturale en imaginant une usine en forme d’étoile, très éclairée et ne présentant pas les caractéristiques traditionnelles d’un atelier de montage. Malheureusement, la crise économique de 1974 va empêcher l’achèvement du projet puisque le portail d’entrée et l’escalier en forme d’éclair ne vont pas voir le jour mais l’usine fonctionne jusqu’à la revente par Guy Biraud de BC Transfo au groupe Schneider en 1983 au moment de son départ en retraite. L’activité migre alors vers une nouvelle usine située juste derrière l’usine-étoile dont les plans sont nettement plus conventionnels et dont la superficie actuelle atteint 6000 m². En 1999, BC Transfo devient BCV Technologies lors du rachat de l’usine de transformateurs et d’inductances Boige et Vignal située à Vaulx-en-Velin près de Lyon. En 2008, BCV Technologies emploie 150 personnes pour un chiffre d’affaires de près de 20 millions d’euros et s’affirme comme le leader français dans son domaine de composants électriques destinés aux industries du traitement de l’eau, de l’industrie lourde ou de la marine.
De son côté, l’usine Mathieu est revendue à Michel Poupaud et abrite depuis plus de trente ans les locaux d’Horoquartz, entreprise spécialisée dans la gestion des temps et des plannings, la sûreté et la sécurité des locaux et des personnels, et la gestion des identités. Horoquartz, filiale du groupe japonais Amano depuis 2008, emploie 450 collaborateurs et compte 5000 clients couvrant 3,7 millions de salariés dans 28 pays, son chiffre d’affaires est de 50 millions d’euros début 2016. Pour ses besoins, Horoquartz a reconverti les grands plateaux initialement destinés à la production industrielle en postes de travail destinés à accueillir les fonctions support de la société. Il est sans doute regrettable que l’esprit avant-gardiste de l’usine Mathieu ne soit pas davantage mis en avant par la communication patrimoniale et économique de Fontenay-le-Comte car elle demeure sans équivalent en France.
Eric Kocher-Marboeuf

Transcription

Présentateur
A l’époque elle avait fait sensation, il s’agit de l’usine réalisée dans les années 70 par l’artiste officiel Georges Mathieu. Ce peintre touche-à-tout estime qu’un artiste doit intervenir dans la société, que l’art doit aussi s’intéresser à l’industrie. Un chef d’entreprise vendéen va lui permettre de réaliser son rêve, une usine en forme d’étoile, elle se trouve donc en Vendée, à Fontenay-le-Comte, Christine Vilvoisin et Luc Prisset nous y emmènent.
musique
(musique)
Journaliste
C’est une usine unique en France, un bâtiment né dans l’imaginaire du peintre Georges Mathieu, sa seule réalisation architecturale rebaptisée Usine Etoile .
musique
(musique)
Journaliste
Artiste de renommée internationale, Mathieu est le symbole d’une époque, les années Pompidou. Un touche-à-tout qui avait le goût de la performance, qui a dessiné le sigle d’Antenne 2, des affiches publicitaires ou encore les Sept d’Or. Un peintre qui s’immisçait partout dans la société.
Dominique Amouroux
Il va créer du mobilier, il va créer un logo pour la télévision, il va intervenir sur des timbres, il va dessiner la pièce de 10 Francs ; et naturellement, dans son point ultime de son désir, c’est de s’occuper d’architecture.
Journaliste
Est-ce que c’est parce que cette usine est vétuste que vous avez eu l’idée de faire une usine ultra moderne créée par un artiste ?
Guy Biraud
Eh bien, en partie oui, mais pas…
Journaliste
Chef d’entreprise en Vendée, Guy Biraud est aussi très sensible à l’oeuvre de Mathieu, leur première collaboration, la voici, le catalogue des [inaudible] et l’ Usine étoile .
Dominique Amouroux
Il va prendre un dessin et il va avoir envie de transformer ce dessin en bâtiment, jardin, et il va faire un peu une synthèse des deux ; en demandant à Georges Mathieu de lui imaginer un jardin à la Mathieu autour de quelque chose, que Guy Biraud envisageait comme un rôle de production assez traditionnel, c'est-à-dire, sans parler de boîte à chaussure mais plutôt un bâtiment linéaire.
Journaliste
Dans cette usine inaugurée en 1972, il n’y a plus la grande chaîne de production mais une société de service, le nouveau PDG a dû revoir tout l’aménagement intérieur.
Jean-Michel Poupaud
Donc voilà, l’aménagement déjà de, d’une ligne de chaîne de production qui a été transformée en service, et une salle de contrôle, dans laquelle on a aménagé, on a aménagé complètement jusqu’à la pointe l'environnement. Très souvent, on se pose des questions, qu’est ce qu’on fait dans les pointes, eh bien voilà, nous l’avons aménagée jusqu’au bout.
Journaliste
Modifiée, cloisonnée mais toujours entretenue, cette usine unique de Georges Mathieu restera à jamais une oeuvre inachevée, le délire de l’artiste revenait un peu trop cher.
Marie-Gabrielle Girouard-Castric
La ligne très, très énergique de Georges Mathieu se, devait se retrouver également dans le portail qui n’avait jamais été posé. Euh, à l’intérieur, il y avait également un projet d’escalier, qui coûtait beaucoup trop cher dans sa réalisation alors qu’il était en adéquation parfaite avec le…
Journaliste
En forme d’éclair ?
Marie-Gabrielle Girouard-Castric
Voilà, avec cette forme très dynamique extérieure pour faire une correspondance entre l’intérieur et l’extérieur.
Journaliste
En 1972, l’ Usine Etoile avait créé l’évènement avec son allure futuriste, 40 ans après, elle détonne toujours dans ce paysage. L’art et l’industrie font rarement bon ménage.