La repasseuse de coiffe

05 septembre 1970
04m 13s
Réf. 00415

Notice

Résumé :

A Squiffiec dans les Côtes du Nord, une vieille femme perpétue le métier de repasseuse de coiffe. Depuis l'âge de 13 ans, elle exerce ce vieux métier qui se transmet de mère en fille. Seule repasseuse de la région, elle évoque ses souvenirs.

Date de diffusion :
05 septembre 1970
Source :

Éclairage

Le métier de repasseuse de coiffe, en breton "ferourez", est un art qui consiste à préparer les coiffes bretonnes (les laver, les amidonner et les repasser). Il s'agit d'un ouvrage extrêmement minutieux, puisque chaque coiffe demande entre six et huit heures de travail. Ce métier ancien était exclusivement féminin, bien que certains hommes en aient acquis la maîtrise.

Au moment du reportage, en 1970, on s'interroge sur la possible disparition de ce métier, si répandu auparavant, mais inévitablement lié à la tradition du port de la coiffe. La coiffe bretonne marque à l'origine une appartenance à une classe sociale, à une communauté, une paroisse. Il s'agit donc d'un marqueur d'identité, signe d'élégance et de dignité, et qui revêt également un caractère religieux. Si les coiffes bretonnes ont toujours été en constante évolution, recherchant toujours plus de fluidité et de transparence, dès le XIXe siècle certains intellectuels s'inquiètent sur une possible disparition des costumes traditionnels. Et en effet, les coiffes sont portées jusqu'au début du XXe siècle, puis elles entrent peu à peu en concurrence avec les modes des villes, dont les exemples sont apportés par les trains et les journaux. De plus, pendant les guerres, les Bretons côtoient d'autres populations, ce qui est porteur d'évolutions. D'autre part, les coiffes, très coûteuses et fragiles deviennent inadaptées, en même temps que naît l'aspiration de chacun à être comme les autres, sans différences visibles. Ainsi, depuis la Seconde Guerre mondiale, ce sont presque exclusivement les femmes âgées qui continuent de porter des coiffes.

Toutefois, passé ce moment d'abandon, les coiffes suscitent l'intérêt des générations nouvelles. Des cercles celtiques sont créés au moment où les costumes sont encore en usage, ce qui a permis au patrimoine de se transmettre. Cependant, le port de la coiffe n'est plus aujourd'hui qu'un objet de loisirs, et le métier de repasseuse de coiffe a presque disparu. Il ne perdure que par l'intermédiaire des groupes folkloriques qui perpétuent ces traditions, surtout lors des festivals estivaux. Certaines femmes ayant appris le métier de repasseuse de coiffe organisent des stages pour des gens venus de toute la France afin de transmettre ce savoir-faire. Au début de l'année 2009, deux repasseuses de coiffes ont obtenu le statut de salariées dans le Finistère, après avoir menacé de faire grève avant les fêtes celtiques de l'été. Elles sont embauchées par le Conseil Général du Finistère, pour assurer la pérennité à ce savoir-faire qui n'est plus maîtrisé que par quelques personnes.

Bibliographie :

Revue Micheriou Koz - Les vieux métiers de Bretagne, "Les faiseuses et les repasseuses de coiffes", M. Bolzer et M. Gréval.

Jean-Pierre Gonidec, Coiffes et costumes des Bretons-Comprendre les évolutions, éditions Coop Breizh, 2005.

Marine Guida

Transcription

(Musique)
Journaliste
Mme Le Louet, vous êtes repasseuse de coiffe. Est-ce que vous exercez ce métier depuis longtemps ?
Madame Le Louet
Depuis l'âge de 13 ans, que je fais ça.
Journaliste
Et votre maman était repasseuse aussi ?
Madame Le Louet
Oui, ma grand-mère, mon arrière grand-mère, ma mère et moi après oui. On repassait tous les jours de ce temps là. De ce temps là, il y avait des coiffes à repasser tous les jours. Moi, je porte la coiffe tous les jours mais, sitôt que je fais mon ménage, je fais ma toilette et je mets ma coiffe tous les jours, tous les jours. Lorsque j'avais été à une noce à Evreux, là on m'a dit tu prends ton chapeau comme les autres. Oui, parce que les enfants ne voulaient pas que je sois remarquée comme ça. On va te prendre enfin pour je ne sais pas quoi ce qu'on m'a dit. A Paris, on voit des coiffes mais à Evreux on ne voit pas. On est à trois quand même, qui portent la coiffe tous les jours, à Squiffiec. J'ai une cousine, et puis y'a madame [incompris] qui porte la coiffe aussi mais autrement, les autres non.
Journaliste
Mais alors d'où viennent toutes ces coiffes que vous repassez ici ? Elles ne sont pas de Squiffiec puisque vous dites qu'il n'y a ...
Madame Le Louet
Mais non, mais non, il n'y a pas que Squiffiec pour ainsi dire, c'est ailleurs, de loin, de, de Paimpol, de, de [incompris], de [incompris], enfin, de Plouec, et voilà.
Journaliste
Mais vous être très connue alors ?
Madame Le Louet
Oui, mais oui, bien sûr. Depuis cet âge là n'est-ce pas, puisque je n'ai jamais quitté Squiffiec.
Journaliste
Et il y a encore beaucoup de repasseuse dans la région ?
Madame Le Louet
Non, il n'y a aucune, aucune, aucune, aucune, je repasse pour quelques unes comme ça pour rendre service mais ça ne me dit rien puisque je ne fais plus.
Journaliste
Comment vous procédez pour repasser vos coiffes ?
Madame Le Louet
Je ne comprends pas.
Journaliste
Comment est ce que vous faites pour repasser vos coiffes ?
Madame Le Louet
Eh ben, vous voyez, on fait comme ça, les amidonner quoi, comme ça.
Journaliste
Vous préparez un amidon. Alors, expliquez nous un petit peu, comment vous préparez votre amidon.
Madame Le Louet
Eh ben l'amidon, c'est de l'amidon, n'est-ce-pas, qu'on cuit, délayé avec de l'eau froide. L'amidon de froment parce que ce n'est pas l'amidon de riz non plus. Celui là ne peut pas être cuit, on ne peut pas repasser avec ça. On le bout pendant 5, 10 minutes quoi. Et puis, voilà, on le laisse refroidir. [incompris], et puis on met les coiffes à sécher. On les amidonne deux fois à l'amidon cuit, et puis on les amidonne après à l'amidon cru pour le mouiller alors, pour repasser. Il faut du borax encore avec ça.
Journaliste
Vous m'aviez parlé tout à l'heure d'un fer à repasser. Vous repassiez avec quel fer lorsque vous aviez l'âge de 13 ans ?
Madame Le Louet
Avec un fer comme celui là, un grand fer quoi, à charbon. Des fois, je le prends encore, quand il y a panne ou quelque chose, enfin quand j'ai besoin, mais principalement avec ceci, je peux rester assise tandis qu'avec l'autre je suis obligée de faire debout.
Journaliste
Et il pesait combien de kilo ?
Madame Le Louet
7,500 Kg. Rendez vous compte, il était grand, il a presque 1 Kg de charbon dedans, à la fois. Alors, il fallait bien que je reste debout comme ça puisque je n'avais pas la force de faire assise. Quand ma mère et moi on travaillait, eh ben, le travail ne diminuait jamais. Ça changeait de rue, mais ça ne diminuait jamais, tout le temps, tout le temps, tout le temps, tout le temps, plein, plein. Puisque tout le monde portait la coiffe. Des chemises, des rideaux, je vous dis, enfin formidable le travail. Ça a diminué petit à petit et surtout depuis la dernière guerre là. On n'a pas besoin de dire ça aux jeunes maintenant. Si, pour les fêtes, pour les fêtes, comme on fait là, folkloriques, n'est ce pas ? Alors là, on met la coiffe, la grande coiffe [incompris] parce que pour le mardi gras, il a fallu que je repasse ça, pour se déguiser quoi. Enfin, mais je vous dis ce n'est plus la mode.