Quel avenir pour les langues régionales ?
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Résumé
A l’occasion de la tenue des premières assises nationales des langues de France en 2003 à Paris, l’émission-débat s’intéresse aux perspectives de reconnaissance et de valorisation des langues régionales, tels le platt lorrain et le champenois.
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Date de publication du document :
05 mars 2025
Date de diffusion :
06 oct. 2003
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Contexte historique
ParProfesseure certifiée d'histoire-géographie au Lycée Marc Bloch de Bischheim
Le début du XXIᵉ siècle est une période d’espoir pour les langues régionales après une longue période de déclin et de remise en question. Nombreuses et largement pratiquées sur l’ensemble du territoire français jusqu’au XIXᵉ siècle, elles ont subi l’unification linguistique engagée par l’État français dès le Moyen Âge. Affaiblies par les politiques centralisatrices initiées lors de la Révolution française, interdites à l’école sous la Troisième République (1870-1940), elles n’ont pas pour autant disparu, et leur statut fait l’objet de nombreux débats dès les années 1950. À partir de 1951, certaines d’entre elles retrouvent droit de cité dans la politique linguistique française, avec l’adoption d’une nouvelle loi relative à « l’enseignement des langues et dialectes locaux », dite loi Deixonne, qui autorise leur enseignement sur une base facultative. Cette loi ne définit cependant pas de statut pour elles, comme en témoigne l’hésitation terminologique entre langues et dialectes locaux jusque dans les années 1970. Ce n’est qu’en 1975, avec la loi Haby relative à l’éducation, que s’impose durablement la terminologie « langues et cultures régionales ». L’adoption, en 1992, par le Conseil de l’Europe de la Charte des langues régionales et minoritaires a contribué à relancer le débat dans l’Hexagone. Un rapport est publié en 1999 en vue de sa signature la même année. Intitulé Les langues de France, il propose une liste de 75 langues et groupes de langues en France et dans les DOM-TOM, dont 16 en France métropolitaine, susceptibles d'être inscrites comme bénéficiaires de la Charte.
C’est dans ce contexte que se sont tenues les premières assises nationales des langues de France en 2003. Ces dernières rassemblèrent des acteurs régionaux, nationaux, issus des médias et du gouvernement, et marquèrent une nouvelle étape dans la légitimation des langues régionales, même si elles ne furent pas suivies de dispositions légales ou réglementaires. Dans le cadre de la politique générale de décentralisation, de nouveaux axes d’action sont définis pour permettre la mise en place de programmes linguistiques spécifiques sous la responsabilité des régions. Cependant, seules les langues régionales sont prises en considération puisque, par définition, les régions ne sont supposées agir que sur les langues de leur territoire. En outre, le financement des nouvelles politiques linguistiques n’est pas clarifié par l’État. L’un des aboutissements de ces assises fut, en 2008, l’ajout d’un nouvel article à la Constitution de la Cinquième République disposant que « les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France ». La Charte des langues régionales et minoritaires n’a toujours pas été ratifiée par le Parlement français à ce jour, même si l’acceptation de la diversité linguistique n’est désormais plus un tabou en France et que celle-ci est de plus en plus considérée comme un enrichissement de l’identité nationale.
Éclairage média
ParProfesseure certifiée d'histoire-géographie au Lycée Marc Bloch de Bischheim
L’émission témoigne du grand enthousiasme suscité par les premières assises nationales des langues de France, quelques jours avant le débat télévisé. Les invités, Hervé Atamaniuk, président de la fédération « Lothringer PLATT », et Dominique Richard, président de l'association « Lou Champaignat », semblent même euphoriques après les déclarations de Jean-Jacques Aillagon, alors ministre de la Culture et de la Communication. Pour appuyer cet engouement, ce sont des images du ministre s’exprimant dans sa langue maternelle, le platt, qui sont choisies, ainsi qu’un extrait d’une pièce de théâtre dans cette même langue. Il s’agit là, pour les réalisateurs, de montrer la vivacité des langues régionales, qui ne sont pas seulement cantonnées à la sphère privée, mais qui sont aussi des langues de culture.
Deux cartes sont proposées en début de séquence pour faciliter le repérage des langues régionales en France et dans le Grand Est. La première permet de souligner leur diversité sur l’ensemble du territoire national et au-delà. En effet, la seconde carte, centrée sur le francique et ses différentes variantes en Moselle, en Allemagne et au Luxembourg, vient confirmer les propos d’Hervé Atamaniuk, qui insiste sur le caractère transfrontalier de certaines langues. Cette carte, pertinente pour nommer et localiser les variantes du francique en Lorraine, l’est moins pour les deux autres langues voisines indiquées, l’alsacien et le lorrain, avec des risques de confusion pour les téléspectateurs. Il aurait été préférable de parler du lorrain roman, qui désigne l'ensemble des dialectes romans de Lorraine, aujourd’hui très peu usités. Le terme alsacien est également discutable dans la mesure où il désigne l’ensemble des dialectes parlés en Alsace, dont le francique rhénan en Alsace Bossue ou le francique méridional en Outre-Forêt. Indiquer ces dernières variantes, ainsi que l’alémanique pour le reste de l’Alsace, aurait été plus juste. En outre, relever que le francique et l’alémanique sont l’un et l’autre des langues germaniques aurait permis d’élargir la contextualisation.
Transcription
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Samuel Peltier
Et tout de suite, ça vous regarde.Ce soir, on parle des langues régionales.Le platt ou le champenois ont-ils un avenir ?Doit-on l'apprendre à l'école ?Faut-il relancer ces langues bien de chez nous ?Avec nous pour en parler, deux invités.En direct de Metz, un défenseur du platt, parler couramment en Moselle, le président de l'association Lothringer Platt, Hervé Atamaniuk.Et en direct de Reims, Dominique Richard, qui est président de l'association Lou Champaignat, les amis de la langue champenoise.Samedi ont eu lieu à Paris les premières assises nationales des langues de France.Une idée du ministre de la Culture Jean-Jacques Aillagon qui souhaite promouvoir les langues régionales.Le ministre qui d'ailleurs n'a pas hésité à dire quelques mots de platt.
Evelyne Billaud
Pour fonder une république une et indivisible, l'abbé Grégoire s'attaque en 1792 aux nombreux patois, langues, dialectes régionaux que l'on parle en France.Une France qui semble alors découpée en deux, langue d'oïl, comme le lorrain en Champenois au nord, langue d'oc au sud.Interdites à l'école, oubliées à la maison, très peu vont rester réellement vivantes.C'est le cas pour le francique, langue régionale en France, langue nationale au Luxembourg.On estime que 350 000 personnes le parlent et le défendent encore.Une défense des langues régionales qui se fait de plus en plus présente et qui devrait encore s'accentuer.Jean-Jacques Aillagon a ainsi proposé à l'occasion des Assises nationales des langues de France de relancer le Conseil national des langues et cultures régionales.Le ministre a même prononcé le début de son discours en platt, une langue qu'il a parlé dans sa jeunesse.
Jacques Aillagon
Jo, ich han gesaat das ich Platt geschwätzt han wie ich Jung war !
Samuel Peltier
Un ministre qui parle en platt, ce n'est pas courant.Ça doit vous faire plaisir, Hervé Atamaniuk, que vous, qui présidez en Moselle l'association Lettringer Platt ?
Hervé Atamaniuk
Oui, écoutez, ça me fait bien entendu plaisir d'entendre un homme politique qui parle plate.Ils sont nombreux.Il y a beaucoup de gens qui sont dialectophones.Je crois qu'au fond, la première chose qu'il convient de dire, c'est que les langues de France partent quand même d'une souffrance, c'est-à-dire qu'il y a eu au fond assez peu de reconnaissance dans le passé de cette question des langues.Et je crois qu'aujourd'hui, en effet, une nouvelle voie s'ouvre à nous, d'autres possibilités s'ouvrent à nous, puisqu'effectivement, on va dire qu'avec ces premières assises, avec la volonté réelle de se recoudre avec le passé et de se fixer un but, un avenir vers les langues de France, je crois qu'on peut effectivement être très satisfaits.
Samuel Peltier
Et vous, Dominique Richard, de votre côté, vous qui êtes en direct de race, je rappelle que vous présidez l'association Lou champainat, les amis de la langue champenoise.D'abord, pas trop déçu que le ministre n'ait pas parlé champenois ?
Dominique Richard
Non, mais il ne pouvait pas parler toutes les langues.Il se trouve qu'il a des origines platt.Non, bien sûr.Non, moi, je suis très content de ces premières assises des langues régionales.Et je rejoins tout à fait l'ami Hervé que j'ai croisé samedi.Effectivement, au départ, il y avait une souffrance et même un problème de reconnaissance.Et je crois que maintenant, les locuteurs de nos langues régionalesn'en ont plus honte, ce n'est plus un vulgaire patois, voire même du français déformé, comme je l'ai parfois entendu, mais une vraie langue régionale avec sa richesse.
Samuel Peltier
Parlons de la langue champenoise.Pour la promouvoir, ça va être un petit peu plus difficile pour vous que le platt, parce que très peu de gens aujourd'hui la parlent.Qui l'utilise encore et où précisément ?
Dominique Richard
Alors, très peu de gens la parlent, oui et non.Oui, si c'est en langage continu, encore que dans certaines régions, par exemple les Ardennes.Il faut savoir que les trois quarts des Ardennes parlent le champenois, seule la pointe de Givet est de langue wallonne.en Argonne également, dans le Bassigny en Haute-Marne, du côté du Der.Donc c'est sans doute beaucoup plus répandu qu'on ne le pense.Par ailleurs, là où ça l'est sans doute moins dans les zones urbaines, autour de Reims, autour de Troyes, beaucoup de gens ont encore dans leur vocabulaire des mots champenois qu'ils ne connaissent peut-être pas.À Reims, par exemple, on va s'empierger, on va parler des ordons de vignes...On va parler aussi des pétios.Les pétios de vigne, c'est un nom connu à Troyes et ailleurs dès le Moyen-Âge avec le rachis au XIe siècle.
Samuel Peltier
Vous êtes pour l'apprentissage du champenois à l'école ?
Dominique Richard
Oui, tout à fait, bien sûr.En tant que langue à option, on ne revendique pas plus.Mais ce serait bien qu'effectivement, une option de langue régionale avec un examen pour motiver les élèves soit prévue, bien évidemment.
Samuel Peltier
Hervé Atamaniuk, le platt en Moselle est enseigné dans certaines écoles.Quel est l'intérêt d'apprendre une langue régionale, en l'occurrence le platt ?C'est vraiment un plus ?
Hervé Atamaniuk
Évidemment, d'abord parce qu'il n'y a pas de langue régionale.Je crois qu'il faut revenir un peu sur ce sujet parce que région, c'était un peu étriqué, au fond.On s'aperçoit que les langues passent les frontières.Elles passent les frontières des départements, souvent.C'est surtout vrai en Moselle.Oui, en Moselle, elles passent les frontières nationales.On la parle au Luxembourg.Et on sait combien les gens qui sont à la recherche d'emploi aujourd'hui, et bien cette capacité linguistiqueLe francique, bien entendu, mais au-delà, l'envie de parler des langues, j'allais dire, avec la pluralité de langues, est une dynamique aussi dans l'économie et bien entendu dans la culture.
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