A la rencontre d’un patois lorrain : le francique rhénan ou platt
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Résumé
Reportage de France 3 Grand-Est qui évoque le platt, ou francique rhénan au travers de la Sarrgeminner Schriebschdubb, un atelier d'écriture du francique rhénan à Sarreguemines. On rencontre ses participants qui nous permettent de découvrir le francique lorrain dans toute sa diversité et sa complexité.
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Date de publication du document :
08 déc. 2021
Date de diffusion :
03 avr. 2017
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Contexte historique
ParProfesseure certifiée d’histoire-géographie au collège Paul Langevin à Hagondange
Lorsqu’on parle de langues régionales dans le Nord-Est de la France, on pense immédiatement à l’Alsacien. Or il en existe une autre, moins connue, mais qui mérite de l’être : le francique. Il s’agit d’une langue régionale parlée depuis des siècles dans les parties nord et est du département de la Moselle, en Alsace Bossue, mais également au-delà des frontières, en Allemagne, au Luxembourg et en Belgique, et plus étonnamment au Brésil. Pour désigner cette langue qu’ils parlent, les habitants emploient différents termes : platt, déìtsch, platt-lorrain, patois, dialecte. Le francique rhénan est pratiqué en Allemagne, dans les Länder de Hesse, de Rhénanie-Palatinat et de Sarre, mais également en France et plus précisément en Moselle Est et à l’Ouest du Bas-Rhin. Le francique rhénan se divise en 3 dialectes différents : le Hessois (le plus au Nord), le Palatin et le Lorrain. Celui dont il est fait mention dans ce reportage est le francique lorrain qui s’étend d’Ouest en Est, dans les secteurs de Forbach, du Steinart, de Sarreguemines, de Bitche et de l’Alsace bossue.
D’après Gérard Botz agrégé de mathématiques et passionné d’histoire locale, le platt n’est pas une déformation de l’allemand. Au contraire, le dialecte francique est l’une des sources de l’allemand classique. Le point de départ est l’ère celte, un siècle avant Jésus Christ. Dans les décennies qui ont suivi, la Lorraine s’est retrouvée à la croisée des mondes gallo-romain et germanique. « Les contacts sont nombreux. Dans le platt, il y a des mots d’origine gauloise ». Au fil des siècles, c’est le germanique qui s’est imposé, sous sa déclinaison du francique rhénan. Charlemagne ne maîtrisait pas vraiment le latin tardif en train de se transformer en français, et des pans entiers de la langue ont été germanisés. Avec la guerre de Trente ans, qui a décimé la région et rayé de nombreux villages, des Picards et Vermandois ont été envoyés dans pour repeupler le territoire. La frontière linguistique du francique a donc reculé. Puis, avec le rattachement du duché de Lorraine au royaume de France, le français a tenté de s’imposer petit à petit.
A l’époque contemporaine, avec les guerres, le dialecte est combattu. Lors de la première Annexion allemande (1870-1918) les Allemands privilégient le Hochdeutsch. A partir de 1918, et le retour à la France, on le combat car il rappelle trop l’allemand. Durant la deuxième Annexion, celle de 1940, on impose à nouveau le Hochdeutsch dans le cadre de la politique d’assimilation au Reich. Enfin, à l’issue de la Seconde Guerre mondiale, le platt est dénigré. Gérard Botz raconte « Il y avait même des punitions pour les élèves qui parlaient le platt dans les cours des écoles ». Dans les années 1960, le dialecte francique en net recul retrouve un nouveau souffle, en témoignent les efforts de la Sarrgeminner Schriebschdubb.
La toponymie locale montre également l’importance du francique lorrain dans la région. Ainsi, en platt, le nom de la ville de Forbach est Fuerboch et Fùrbach. D’un point de vue étymologique, le premier élément « for » viendrait du haut allemand « forst », peut-être issu lui-même du bas latin « forestis » désignant une forêt ; le second élément « bach » serait issu du vieux haut allemand « bak » ou « bah » et que l’on reconnaît dans l’allemand actuel « Bach » qui signifie « cours d'eau ». Prononcée « Saargemünd » en allemand et « Saargemìnn » en francique rhénan, le nom de Sarreguemines peut se découper en deux parties. Le premier élément est transparent, il s’agit du cours d’eau qu’est la Sarre. Le deuxième élément « ge-münd » signifie « embouchure ». La forme Sarreguemines est sans doute une francisation du platt « Saargemìnn ». Le nom de la ville de Bitche remonte au Haut-Moyen-Âge, son nom en latin était « Bidiscum » ou « Bichium », sa forme en ancien français est « Biche » et en allemand standard comme en francique lorrain : « Bitsch ». La ville, serrée autour de son imposante citadelle, est la capitale du pays de Bitche.
Éclairage média
ParProfesseure certifiée d’histoire-géographie au collège Paul Langevin à Hagondange
Cet extrait de Rund Um, littéralement « faire le tour de », diffusé sur France 3 Grand-Est est un magazine en alsacien (sous-titré français). Il fait une halte à la découverte du platt lorrain à ne pas confondre avec l’alsacien dérivé de l’alémanique et non du francique. Le reportage s’attarde sur de jeunes enfants, probablement de classes de maternelles, encadrés par 3 adultes et face à un petit public de parents, qui chantent une chanson en platt « De Hòns im Schnòògeloch » ou « Jean du Trou-aux-Moustiques » adaptation d’une chanson populaire alsacienne.
D’r Hans em Schnokeloch hät alles, was er well!
Und was er hät, des well er net,
und was er well, des hät er net.
D’r Hans em Schnokeloch hät alles, was er well!
Jean du trou-aux-moustiques a tout ce qu'il veut !
Et ce qu'il a, il n'en veut pas,
Et ce qu'il veut, il ne l'a pas.
Jean du trou-aux-moustiques a tout ce qu'il veut !
Dans les programmes de l’Éducation nationale, la « langue régionale d’Alsace et des Pays Mosellans » est structurée en référence à l’allemand. Mais on y ajoute un large volet de découverte de la richesse du patrimoine culturel régional intitulé « L’ici et l’ailleurs » qui constitue le cadre dans lequel s’organise l’enseignement de la langue. C’est dans cette partie du programme qu’est proposée l’étude d’œuvres telles que le « Hans em Schnokeloch ». Il est le plus connu des personnages folkloriques alsaciens, créé par un poète du XIXè siècle, il incarne l'Alsacien comblé mais jamais satisfait de son sort. Dans cet endroit infesté de moustiques, se trouvait au XVIè siècle une ferme-restaurant dont le patron fit fortune sans jamais cesser de se plaindre. La journaliste, Sabine Pfeiffer-Schiffer, annonce que la sonorité des paroles de cette chanson est inhabituelle, puisque pas chantée en alsacien, mais bel et bien en platt. Elle a été reprise à l’occasion du festival « Mir redde platt » organisé par la ville de Sarreguemines.
Lors d’une séance de la Sarrgeminner Schriebschdubb, un atelier d’écriture, une participante relit les paroles de la chanson en francique. Le but de cet atelier organisé par la médiathèque de Sarreguemines est de préserver la langue régionale. En effet, l’un des problèmes du platt est qu’il est très peu écrit et/ou lu du fait des difficultés que cette langue a rencontré, tour à tour combattue par les Allemands ou les Français. Depuis 2004, un groupe mené par le professeur Albert Hudlett, linguiste, a publié une « Charte de la graphie harmonisée des parlers franciques de la Moselle germanophone ». Elle n’uniformise pas les différentes nuances linguistiques, mais permet au contraire de pouvoir écrire en préservant la musicalité propre aux variantes du platt. C’est dans ce cadre que Marianne Haas-Heckel anime l’atelier d’écriture qui effectue un travail sur l’orthographe des mots dans les diverses variantes du dialecte. Depuis 2008, la Schriebschdubb diffuse une publication annuelle, qui résulte du travail commun de l’ensemble des participants. Cette diffusion existe à la fois sous format papier, mais également numérique et est libre de droits. La Médiathèque met d’ailleurs ces publications à disposition des enseignants qui souhaitent travailler sur le francique avec leurs élèves. Elles sont éditées avec le vocabulaire traité selon différents thèmes. Les mots sont systématiquement déclinés dans 7 versions : le français, l’allemand et chacune des 5 variantes de francique lorrain.
Plusieurs participants sont interviewés, un participant originaire d’Alsace Bossue, poète à ses heures qui participe à l’atelier pour trouver un cadre d’écriture, des originaires de Sarreguemines évoquant les localisations du parler platt et ses variantes. Et Lulu Hullar, chanteur qui écrit des chansons en platt, surtout du Rock, car pour lui, le dialecte sonne un peu comme l’anglais, très imagé, très nuancé. Il y a pour lui l’idée d’une langue en constante évolution : de vieux mots ont disparu, tandis que de nouveaux sont créés. Preuve de la vivacité du platt !
Transcription
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