Traduction d'un Tintin en picard : "Les Bijoux de la Castafiore"
Notice
Les éditions Casterman à Tournai ont édité un Tintin en picard tournaisien. Le succès a été immédiat : 10 000 exemplaires écoulés en trois jours. Lucien Jardez, président du Cabaret wallon de Tournai explique comment les noms des personnages ont été traduits. Son objectif a été d'être le plus picard possible tout en restant compréhensible au plus grand nombre.
Éclairage
Contredisant toutes les visions pessimistes qui envisagent une disparition prochaine de différentes langues régionales de France - faute de locuteurs et de scripteurs - le reportage présenté ici met à l'honneur l'engouement suscité par la traduction dans certaines variétés linguistiques de bandes dessinées bien connues du grand public.
Pour fêter ses deux cents ans, la maison d'édition belge Casterman a en effet choisi de livrer une traduction en picard de Tournai de l'une des aventures de son héros Tintin. L'album Les bijoux de la Castafiore est ainsi devenu, en 1980, Les Pinderleots de l'Castafiore. (1)
Le succès de cette traduction a été si important que pas moins de dix mille exemplaires de cette dernière se sont vendus en à peine trois jours et quinze mille numéros supplémentaires ont du être commandés pour répondre à une demande particulièrement forte.
Alors que les traductions en breton et en basque, seulement tirées à cinq mille exemplaires, n'ont pas connu le même succès, l'engouement sur le territoire picard a été formidable. Au-delà de la manifestation de l'attachement de toute une population à sa culture et à sa langue, ce succès peut également s'expliquer par la grande variation linguistique que connaît la langue picarde. Pratiqué au sein d'une aire linguistique s'étendant depuis le Hainaut belge jusqu'au fin fond du département de l'Aisne, le picard (tantôt appelé "picard" (tournaisien, amiénois, du Vimeu et du Ponthieu) ou encore "ch'ti ", "chtimi ", etc.), connaît en effet de multiples variations. Il est donc le patrimoine linguistique et culturel de plusieurs millions de personnes.
Le succès éditorial des bandes dessinées traduites en picard s'est poursuivi avec les années puisque quatre autres traductions des aventures de Tintin ont depuis vu le jour : El' Trésor du Rouche Rackham (2005), El' Sécrét d'la Licorne (2005), Ch'Cailleu d'étoéle (2007) et El Crape as Pinches d'Or (2013).
Les éditions Albert René se sont elles aussi lancées dans la traduction de bandes dessinées en langues régionales, en publiant certaines des aventures d'Astérix. Les traductions en langue picarde sont à ce jour au nombre de trois : Astérix i rinte à l'école (2004), Ch'village copè in II (2007), et Astérix pi Obélix is ont leus ages – Ch'live in dor (2010). Avec plus de cent mille exemplaires vendus pour le premier de ces albums, le succès est incontestablement encore une fois au rendez-vous.
(1) Hergé, Les avintures de Tintin. Les pinderleots de l'Castafiore, traduction de Lucien Jardez. Tournai, Éditions Casterman, 1980.