Un troisième album d'Astérix traduit en picard

09 novembre 2009
02m 39s
Réf. 00016

Notice

Résumé :

Rencontre dans le Ponthieu avec deux des traducteurs du troisième album d'Astérix en langue picarde, Jean Luc Vigneux et Jacques Dulphy. Ils expliquent qu'au fur et à mesure des albums, la traduction s'est enrichie, en particulier pour les onomatopées.

Date de diffusion :
09 novembre 2009
Source :

Éclairage

La sortie du troisième album d'Astérix en Picard, constitue la meilleure illustration de l'important succès éditorial que connaissent les traductions en langues régionales – et plus particulièrement en picard - de plusieurs bandes dessinées bien connues du grand public.

Parmi les éditeurs de bandes dessinées ayant décidé de relever le pari de traductions dans plusieurs variétés linguistiques de France, les éditions Casterman sont pionnières. Les aventures de Tintin ont en effet été nombreuses à être traduites dans différentes langues régionales : alsacien, bourguignon, breton, catalan, gallo, provençal, vosgien, etc. En ce qui concerne le picard, cinq traductions ont été proposées à ce jour, à savoir Les Pinderleots de l'Castafiore (1980), El' Trésor du Rouche Rackham (2005), El' Sécrét d'la Licorne (2005), Ch'Cailleu d'étoéle (2007) et El Crape as Pinches d'Or (2013). Illustrant la grande variation que connaît la langue picarde sur l'ensemble de son aire linguistique, ces éditions ont été publiées dans différentes variétés (ex : picard du Vimeu-Ponthieu, picard tournaisien, etc.).

Le deuxième grand éditeur de bandes dessinées à se lancer lui aussi dans la traduction en langues régionales est Albert René. Depuis plusieurs années déjà, les lecteurs peuvent ainsi jouir de certaines des aventures d'Astérix en alsacien, en breton, en corse, en créole ou en gallo.

Les traductions en langue picarde sont quant à elles, à ce jour, au nombre de trois, puisqu'aprèsAstérix i rinte à l'école (2004), Ch'village copè in II (2007), l'album Astérix pi Obélix is ont leus ages – Ch'live in dor (2010) – auquel est consacré ce reportage – est le dernier sorti de la série.

Pour cet album, les auteurs des deux premières traductions, Alain Dawson, Jacques Dulphy et Jean-Luc Vigneux, se sont à nouveaux associés pour mettre à profit leur expertise de la langue picarde. L'histoire de ce trente-quatrième album de la bande dessinée réunissant une grande partie des personnages apparus dans l'ensemble de la collection, le travail linguistique des traducteurs a été à la fois difficile et stimulant. Pour ce numéro réalisé en quelques semaines seulement, les trois auteurs se sont ainsi attachés à fournir une traduction représentative de la plupart des pratiques linguistiques en picard, en répartissant notamment soigneusement les variétés en fonction des groupes de personnages. C'est ainsi qu'Astérix et Obélix s'expriment dans un picard du nord (artésien urbain de la région minière, ou "chti "), que les visiteurs belges parlent dans un picard tournaisien et que les romains et autres tribus gauloises communiquent dans une variété de picard du Sud (Amiénois, Ponthieu, Vimeu).

En plus d'assurer une réelle promotion pour la langue picarde, le travail de traduction d'Alain Dawson, de Jacques Dulphy et de Jean-Luc Vigneux constitue peut-être une initiative intéressante pour faire émerger une sorte de "langue commune" picarde.

Références bibliographiques des trois tomes d'Astérix traduits en picard :

- Goscinny René et Uderzo Albert. Astérix i tinte à l'école. Quatore tchots racontages à Astérix. Traduit en picard par Alain Dawson, Jacques Dulphy et Jean-Luc Vigneux. Paris, Les Éditions Albert René, 2004.

- Goscinny René et Uderzo Albert. Ch'village copè in II. Traduit en picard par Alain Dawson, Jacques Dulphyet Jean-Luc Vigneux. Paris, Les Éditions Albert René, 2007.

- Goscinny René et Uderzo Albert. Astérix pi Obélix is ont leus ages. Ch'live in dor. Traduit en picard par Alain Dawson, Jacques Dulphy et Jean-Luc Vigneux. Paris, Les Éditions Albert René, 2009.

Christophe Rey

Transcription

Présentatrice
Eux, ce ne sont pas les loups qu’ils déciment mais les sangliers, et à coups de poings, encore. Astérix et Obélix sont de retour en langue picarde. La sortie du troisième album traduit est pour bientôt même si tout cela est encore tenu très secret. Sabine et Bernard Godard ont rencontré deux des traducteurs dans leur retraite du Ponthieu.
Dulphy§Jacques
Vlo Astérix ! Sans li, n’y o point d’avinture qu’al tiènche : ch’est un tchot guerrier…
Godard§Sabine
Jacques Dulphy et Jean-Luc Vigneux, traducteurs avec le lillois Alain Dawson, des albums d’Astérix en langue picarde. Pendant 6 semaines, le secret était sérieusement gardé. Ils ont travaillé d’arrache pieds sur la traduction d’un nouvel album, un troisième Astérix en picard. Mais cette fois-ci tout autant que les autres, ils ont planché avec le sentiment d’engager l’avenir de la langue.
Dulphy§Jacques
Jamais, jusque là, un livre en picard ne s’était distribué à autant d’exemplaires. Là, on est, avec le premier album, à plus de 100 000 ; avec le deuxième, à un chiffre qu’on ne connaît pas parce que l’éditeur ne nous l’a pas donné mais qui ne doit pas en être loin. Et le picard est confronté à quelque chose qu’il n’a jamais connu.
Godard§Sabine
Pour le premier, ils avaient travaillé plus d’un an. Le deuxième aussi. Et cette fois-ci, quelques semaines seulement. L’éditeur était pressé. Mais au fil des albums, la traduction s’est enrichie.
Vigneux§Jean-Luc
On avait été, sur le premier album, très timides, vraiment timorés sur l’approche des onomatopées. Il y en avait quelques-unes qui nous semblaient indispensables de traduire. Mais il y avait des petits passages, on n’osait pas, quoi, et maintenant on ose.
Godard§Sabine
C'est-à-dire quoi, par exemple ?
Vigneux§Jean-Luc
Par exemple, quand on frappe, c’est « tac tac tac » ou « toc toc toc » en français. Et nous, on a pris les racines du verbe picard donc [buquer] donc ça devient « buc buc buc ».
Dulphy§Jacques
Et cette onomatopée a fait florès. Il y a des bandes dessinées qui sont parues dans le Nord récemment , Biloute hein, et bien, il a repris nos onomatopées.
Godard§Sabine
Pas facile de traduire pour un bassin linguistique qui s’étend de la Belgique au Vimeu en passant par le picard des bassins miniers, d’utiliser les variantes de la langue sans la trahir. A trois voies, les appréhensions sont moins grandes.
Vigneux§Jean-Luc
C’est rassurant, quand même, d’avoir déjà deux lecteurs avant pour dire…
Dulphy§Jacques
Oui, et puis quand on s’attache à un mot, qu’on voit que les deux autres, ils ne sont pas… « Tu t’es bien défendu sur certains mots, même au final, je vois… » Ils ne vont pas y rester 6 semaines. Tu cminches à nos zz’écafloteu ! Finalement, il a tenu sur un mot. On ne dira pas lequel parce qu’on n’a pas le droit. Eh bien, il a gagné. Eh bien, je suis bien content qu’il ait gagné parce qu’en fait, c’était ce mot-là qu’il fallait prendre, quoi.
Godard§Sabine
Ce nouvel album, ça sera l’anniversaire d’Astérix et Obélix. Pour la traduction du titre, il faudra patienter encore. C’est aussi secret. Et puis Ch’est toute pour ech coeup-chi. Y o coér un molé à attinde.