Les théâtres de cabotans
Notice
M Normand évoque l'histoire des cabotans : si on trouve une archive de 1797 dans le quartier Saint-Leu à Amiens, les théâtres de cabotins remontent certainement au XVIIIe siècle. Il raconte comment le picard a été employé par hasard lors d'une représentation ; ce fut un succès tel qu'il fut généralisé. M Domon de Chés Cabotans explique qu'il est amené à se déplacer hors d'Amiens pour les représentations. Si les enfants sont friands de Lafleur, les grandes personnes, elles, s'amusent avec les expressions en picard. Extrait de Lafleur et les pirates.
Éclairage
La tradition des spectacles de marionnettes constitue une manifestation artistique vieille de plusieurs siècles et présente dans plusieurs régions du monde, que ce soit en Asie, en Amérique du Sud ou encore en Afrique. Des traces de spectacles religieux de ce type se retrouvent par exemple en Égypte et en Inde plusieurs siècles avant notre ère.
Au fil du temps, cette tradition du théâtre des marionnettes va se décliner avec des finalités dépassant le simple cadre religieux, notamment avec l'affirmation d'une orientation davantage populaire.
La grande variété des traditions de théâtre de marionnettes s'accompagne d'une importante diversité des types de marionnettes eux-mêmes, lesquels se déclinent en marionnettes à manche, à gaine, à doigts, à fils, à tringles, à tiges, à baguettes, etc.
En France, c'est surtout à la fin du XVIIIe siècle que va se développer cette tradition du théâtre des marionnettes, avec notamment l'apparition de l'incontournable Guignol puis celle de personnages comme Barbizier – originaire de Besançon – et bien entendu Lafleur à Amiens.
Jouissant d'un grand succès dès le XIXe siècle, "Lafleur"est le personnage à tringles et à fils – les cabotans en picard – le plus célèbre des différents théâtres de marionnettes ( Chés Cabotans ) amiénois existant avant la première guerre mondiale. Ainsi,voisinent avant la Grande Guerre plus d'une vingtaine de théâtres populaires dans les différents faubourgs d'Amiens. Pour la plupart amateurs, ces théâtres font vivre un répertoire divers, transmis par la tradition orale, préservé au sein des familles par les histoires racontées aux enfants. Les pièces s'enrichissent alors par ce passage par le peuple de la langue picarde et d'un vocabulaire populaire.
En fondant, à la suite de l'Association des Amis de Lafleur, en 1933, le théâtre "Chés Cabotans d'Amiens", Maurice Domon met sur pied le véritable héritier de ces établissements et redonne au théâtre de marionnettes un succès significatif. Et à travers la création, de Chés Cabotans d'Amiens, Domon rassemble les divers traditions pour constituer, et affirmer par là-même, l'existence d'un véritable répertoire.
Tout en étant porteur des traditions picardes, ce théâtre est teinté de véritables revendications sociales dont la devise du personnage anti-cléricaliste et anarchiste Lafleur, bien manger, bien boire, et ne rien faire, fournit un aperçu ludique. À travers cette expression théâtrale, ce sont en effet toutes les aspirations d'une société à une vie meilleure qui s'affirment. C'est précisément ce qui explique que ce type de théâtre, même s'il s'adresse à un jeune public, connaît également le succès auprès de toutes les tranches d'âge.
Cet esprit frondeur est une constante des personnages du théâtre et de la littérature populaires picardes. C'est le cas par exemple de Jacques Croédur, personnage de maçon colérique créé par l'imprimeur Clément Paillart en 1845, a qui il fait signer des lettres moqueuses et satiriques dans son journal L'Abbevillois pour dénoncer l'actualité politique locale et nationale.
Malgré un succès indéniable, la vie de Chés Cabotans d'Amiens fut souvent agitée et parfois menacée. Un premier coup d'arrêt intervient en 1962. Faute de personnel et menant son aventure de façon trop solitaire Maurice Domon doit mettre un terme aux représentations. Le rideau restera alors clos durant 4 années. En 1965, Domon cède son théâtre à la ville d'Amiens et avec le soutien de la municipalité et du ministère de la la Culture, il parvient à reprendre pour le grand plaisir des amiénois les aventures de Lafleur. Et pour assurer la transmission de son savoir et du répertoire, Domon constitue une troupe de jeunes comédiens-marionnettistes dont Jean-Bernard Dupont et Françoise Rose, élèves de la classe d'Art Dramatique du Conservatoire d'Amiens.
Ayant pris la succession de Maurice Domon à la tête de ce théâtre de marionnettes en 1969, Françoise Rose-Auvet (titulaire du rôle de Sandrine), aidée de son frère Guislain Rose (Lafleur) et de Jaques Auvet (Tchot Blaise et papa Cucu), donne encore aujourd'hui vie à cette petite troupe et perpétue ainsi l'œuvre de son créateur. Une association,
En assurant la pérennité de cette forme artistique très ancienne, Chés Cabotans d'Amiens, désormais hébergés dans une salle communale permettant de recevoir un public nombreux, endossent avec succèsà travers l'association Le théâtre d'animation picard, créée en 1977, une mission de sauvegarde et de valorisation du patrimoine culturel et linguistique picard.