La langue picarde : situation après la signature de la Charte des langues régionales
Notice
La France a signé la Charte européenne qui reconnaît les langues régionales. La Charte prévoit une réhabilitation des langues régionales qui laisse présager d'une promotion du picard. Mais un rapport demande la compétence du Conseil régional en la matière, ce que refuse le conteur Laurent Devime qui souligne l'image négative qu'ont les institutions de la langue régionale. S'il est difficile d'évaluer le nombre de personnes qui parlent le picard dans l'ensemble du domaine linguistique, J M Eloy explique que ce qui fait la richesse d'une langue, c'est aussi sa littérature, et l'attachement des habitants. A suivre à l'Assemblée nationale, avec un débat sur les langues qui seront effectivement concernées.
Éclairage
Adoptée par la convention européenne de 1992 - sous les auspices du Conseil de l'Europe -, la "Charte européenne des langues régionales ou minoritaires" a été proposée pour protéger et promouvoir le pan du patrimoine culturel européen que représentent les langues régionales et les langues des minorités.
Ce reportage qui date de 1999 évoque la question de la ratification de cette charte par la France, alors que de nombreux pays européens comme l'Allemagne, l'Espagne, les Pays-Bas ou encore la Suisse l'ont déjà fait.
Alors qu'elle l'a signée le 7 mai 1999 et qu'elle s'est engagée à soumettre à la ratification 39 dispositions sur les 98 que compte la Charte, la France n'a, à ce jour, toujours pas ratifié celle-ci, visiblement en raison des nombreux enjeux soulevés par son adoption.
La ratification de cette charte doit en effet s'accompagner d'un certain nombre d'engagements et de mesures au rang desquels figurent une action de promotion explicite de chacune de ces langues – notamment d'un point de vue financier –, la mise en place de moyens appropriés pour garantir un enseignement à tous les niveaux dans ces variétés, ou encore l'utilisation et la représentation possible de ces langues dans les différents services publics.
En contradiction avec le principe d'une République "une et indivisible", la ratification de cette charte apparaît même, d'après le Conseil constitutionnel, comme contraire au deuxième article de la Constitution, lequel affirme que "la langue de la République est le français".
Promesse de campagne du Président François Hollande, le processus de ratification est engagé depuis le 28 janvier 2014 par un vote de l'Assemblée nationale (361 voix pour et 149 contre), mais il faudra un projet de loi constitutionnelle pour permettre son adoption par le Congrès et modifier ainsi la Constitution. Ce qui ne semble pas d'actualité aujourd'hui (1).
Jean-Michel Eloy, professeur de linguistique à l'Université de Picardie Jules Verne et directeur du Centre d'Etudes picardes, pointe dans ce reportage la problématique de la reconnaissance de la langue régionale. Face à une approche dominante de patrimonialisation qui figerait dans l'ambre la langue, l'universitaire plebiscite une réintroduction du picard dans les usages courants qui permettrait en plus de sa transmission, son enrichissement.
Cette actualisation qui maintient la langue picarde en mouvement est notammant assurée par les nombreux auteurs et conteurs comme Laurent Devîme, qui assurent publications, créations et ateliers pédagogiques.
En dépit de cette situation de blocage, la sauvegarde et la promotion de la langue et de la culture picardes continuent de bénéficier de l'activité de nombreux acteurs institutionnels (Conseil régional de Picardie, Agence pour le picard, Centre d'Études Picardes – notamment en charge de l'édition et de la diffusion d'ouvrages sur la langue et la littérature picarde, les activités de ce centre ont été confiées à Jean-Michel Eloy, Professeur de Linguistique à l'Université de Picardie Jules Verne –) et associatifs (Ch'Lanchron, Insanne, Tertous, etc.), démontrant ainsi l'attachement de toute une région à des valeurs qui peut-être seront un jour reconnues lors de la ratification de cette fameuse charte.
(1) Rédigé le 10 avril 2014. Voir le dossier de l'Assemblée (31/01/2014) : http://www.assemblee-nationale.fr/14/dossiers/ratifier_charte_langues_regionales_minoritaires.asp