Retour en condition physique du nageur amiénois Roger-Philippe Menu
Notice
Portrait de Roger-Philippe Menu licencié à Amiens et un des meilleurs nageurs français. Arrivé très tard à la compétition (à 19 ans) il devient deux ans plus tard vice-champion d'Europe du 200 m brasse. Il consacre un grande partie de sa journée à l'entraînement. Recordman de France en brasse il revient en condition physique. Cependant, il regrette le manque d'équipements et de stages en France.
Éclairage
Roger-Philippe Menu, âgé de 23 ans en 1971, possède déjà un palmarès éloquent. Ce licencié de l'Amiens Sporting Club, venu à la natation quatre ans plus tôt, est multiple champion de France du 100m et du 200m brasse (titres conquis en 1969 et 1970) et médaillé d'argent du 100m brasse et du 4x100m 4 nages (aux côtés notamment de Michel Rousseau) lors des championnats d'Europe de Barcelone de 1970. Le nageur est, au moment du reportage, en pleine préparation pour les championnats de France d'été (il y remportera les épreuves du 100m et du 200m brasse) et a en ligne de mire les Jeux Olympiques de Munich de 1972.
Dans ce contexte, Roger-Philippe Menu évoque longuement ses conditions de préparation. Le style de nage en brasse, qui constitue l'apprentissage de base de tous les nageurs depuis la fin du dix-neuvième siècle, connaît en effet d'importantes évolutions après la Seconde Guerre mondiale. Évolutions réglementaires d'une part. Le retour aérien des bras, autorisé en course et utilisé par de nombreux compétiteurs, est interdit en 1953. La Fédération Internationale de Natation Association (FINA) officialise dès lors l'existence de deux styles de nage distincts: la brasse (qui impose un retour aquatique des bras) et le papillon (qui autorise le retour aérien et interdit pour sa part les mouvements de brasse avec les jambes). Mais les évolutions sont également d'ordre technique. Si la puissance et la force musculaire sont longtemps privilégiées pour améliorer les performances, l'hydrodynamique s'impose progressivement dans les années 1960. Il s'agit bien de chercher les moyens de diminuer les résistances à l'eau et de jouer avec l'équilibration du corps pour favoriser la propulsion. De même, le travail de jambes, privilégié par les entraîneurs jusque dans les années 1960, laisse place à une focalisation sur l'action des membres supérieurs. La "force de bras" de Roger-Philippe Menu est ainsi mise en exergue par le commentateur.
Les performances du nageur de l'Amiens Sporting Club sont il est vrai aussi liées à des conditions d'entraînements favorables. Roger-Philippe Menu s'exerce dans la piscine du complexe sportif Pierre de Coubertin, inaugurée en 1966 en présence du nouveau ministre des sports François Missoffe. Cette infrastructure récemment mise en service témoigne de l'implication de l'État dans le développement du sport de haut niveau. Suite à la déroute des Jeux Olympiques de Rome en 1960 (les sportifs français reviennent avec seulement 5 médailles, dont aucune en or), le pouvoir gaulliste entreprend en effet une action de planification et de stimulation du sport pour développer la pratique de masse et de haut niveau, et donc affirmer la "grandeur de la France" sur la scène sportive internationale. Menée par Maurice Herzog, haut-commissaire puis secrétaire d'état à la Jeunesse et aux Sports entre 1958 et 1966, cette politique porte notamment sur la construction d'équipements. 1500 piscines, dont celle d'Amiens, sont ainsi érigées en une dizaine d'années. Pour répondre aux exigences de la compétition, ces infrastructures répondent à des normes bien précises (piscines rectangulaires disposant d'un bassin d'initiation et d'un bassin olympique et implantées à proximité des écoles). Elles sont ainsi censées donner aux nageurs de clubs, mais aussi aux publics scolaires, les meilleures conditions de pratique possibles.
Il reste que Roger-Philippe Menu demeure un sportif amateur, obligé d'exercer la profession de comptable en marge de sa pratique de haut niveau. Pour faciliter ses conditions d'entraînement, le nageur est salarié au sein même du complexe sportif Pierre de Coubertin et son emploi du temps est aménagé. Cela ne lui permet cependant pas de rivaliser à cette période avec les autres nageurs européens (notamment soviétiques et est-allemands), qui peuvent se consacrer à plein temps à la pratique de la natation.