Rétrospective de la Transbaie
Notice
Rétrospective de la Transbaie, créée en 1989, 15 km aller retour en Baie de Somme entre Saint-Valery et Le Crotoy. Épreuve peu commune, c'est à la fois une ambiance et la course de la boue et de la vase.
- Europe > France > Picardie > Somme > Saint-Valery-sur-Somme
Éclairage
A partir des années 1980, des dizaines de courses à pied sont organisées en France par des promoteurs indépendants, qui cherchent à se démarquer des traditionnelles épreuves sur piste organisées par la Fédération Française d'Athlétisme. La Transbaie, née en 1989 à l'initiative d'un Valéricain, Denis Courtois, que l'on aperçoit aux côtés de la journaliste au début du reportage, s'inscrit dans ce mouvement tout en présentant des caractéristiques originales par rapport aux courses sur route et autres corridas pédestres promues à travers le territoire national. Cette épreuve, qui prend la forme d'une aller-retour long de 15 km entre Saint-Valery-sur-Somme (où sont jugés le départ et l'arrivée) et le Crotoy, amène les concurrents à traverser la Baie de Somme à marée basse. Le terrain, sablonneux et vaseux, ainsi que les différents obstacles naturels (eau, buttes, fossés), confèrent à cette course une difficulté particulière. Il reste que son succès ne se dément pas depuis sa création, si l'on en juge par le nombre croissant de participants (500 pour la première édition contre près de 6500 en 2013).
Les raisons de ce succès sont multiples.
D'une part, la Transbaie est une course ouverte à tous. Il en découle une forme d'égalité entre les participants : tous sont conviés à partir ensemble (indépendamment de leur âge, de leur sexe et de leur niveau de pratique) et tous sont récompensés à l'arrivée. Cette disposition va à contre courant de l'esprit compétitif classique, où les participants concourent par catégories et où seuls les vainqueurs sont honorés. Si un classement est bien établi à l'issue de la Transbaie, si par ailleurs les objectifs des pratiquants divergent (courir pour le résultat et la performance, se confronter aux difficultés d'un parcours sélectif, profiter de la beauté des paysages, partager un moment de convivialité), la course prend pour tous la forme d'une "épopée collective" où est mis en avant l'esprit de solidarité : les amitiés nouées pendant la course et qui se prolongent parfois après celle-ci, l'entraide des participants, le partage d'un effort intense.
D'autre part, les frontières entre finalités sportives et festives sont, dans le cadre de la Transbaie, beaucoup plus floues que dans les courses traditionnelles. Les organisateurs créent en effet autour de cette manifestation une ambiance de fête : défilés costumés, spectacles musicaux, possibilité donnée aux participants de porter un déguisement. Le départ, signifié par un coup de sifflet de la locomotive du petit train de la Baie de Somme, ajoute au pittoresque de l'épreuve. Ainsi, les coureurs, par-delà le résultat sportif, trouvent la possibilité de participer à une liesse collective, où rires et bonne humeur sont continuellement mis en exergue. Tout cela témoigne en même temps de l'ambiguïté des sensations éprouvées par les concurrents, entre la joie procurée par le partage d'un moment festif et la douleur liée à la difficulté de la course (dont témoignent les personnes interrogées, à l'instar de Bernard Kouchner).
Enfin, le succès de la Transbaie est caractéristique de l'intérêt montant pour les courses de pleine nature. Les pratiques sportives connaissent en effet, dans les années 1980, un mouvement d'"écologisation" : de nombreux coureurs recherchent de nouveaux cadres d'exercice, plus libres et situés à l'extérieur des villes. Le modèle de la "course en ligne", où les pratiquants s'affrontent dans le cadre artificiel du stade, est donc concurrencé par des épreuves "non balisées" - telles la Transbaie - qui se déroulent dans un cadre naturel et confrontent les coureurs à l'incertitude du milieu. En cela, la Transbaie préfigure le développement d'une modalité de course qui va connaître un succès grandissant à partir du milieu des années 1990, la course de trail.