Présentation de l'Amiénoise par Chantal Langlacé
Notice
Karine Hallaf reçoit Chantal Langlacé championne de course à pied, recordwoman du marathon, elle a remporté le premier marathon de Paris ouvert aux femmes. Sportive "militante", elle crée en 1999 l'Amiénoise, une course destinée aux femmes qui accueille plus de 2000 participantes. Un reportage montre la nouveauté de 2012 avec un entraînement chaque lundi. Tout est mis en œuvre pour épauler ces femmes ; la coureuse de fond Saliha Rarbi se charge du coaching et une garderie est mise à disposition.
Éclairage
En 1999, Chantal Langlacé, plusieurs fois titrée dans les grandes compétitions nationales et internationales de marathon, prend l'initiative d'organiser une course pédestre, l'Amiénoise, ouverte tout spécialement aux femmes. Cette manifestation propose notamment des épreuves de 10 km (l'Amiénoise) et de 5 km (la Course des Licornes). Chantal Langlacé entend ainsi impulser le développement de la course à pied auprès d'un public féminin qui reste souvent en marge de la pratique sportive. En ce sens, aidée de la coureuse de fond Saliha Rarbi, elle propose, les mois qui précèdent la course, une préparation physique ouverte à toutes les participantes. La championne inscrit donc clairement l'Amiénoise dans un projet militant: transformer les représentations communes faisant du sport une "affaire d'hommes".
Les sociétés occidentales ont il est vrai opéré depuis des siècles une nette division sexuelle des rôles, attribuant aux femmes un intérêt "naturel" pour les activités douces et esthétisantes et aux hommes un penchant pour l'affrontement, la compétition, le culte de la force et du muscle. Cette vision masculine de ce que doit être la féminité est allée, dans un premier temps, à l'encontre d'une pratique féminine: le sport, considéré comme un lieu de dépassement de soi, d'opposition, de rapports physiques plutôt violents, était déconseillé aux organismes que les promoteurs (masculins) du sport considéraient comme "faibles" (les femmes, les enfants). Pierre de Coubertin, l'un des fondateurs des Jeux Olympiques modernes, affirmait ainsi en 1912 que: "[Les femmes] ne peuvent se hausser à la prétention de l'emporter sur les hommes en course à pied, en escrime, en équitation... Faire intervenir ici le principe de l'égalité théorique des sexes, ce serait donc se livrer à une manifestation platonique dépourvue de sens [...] Le véritable héros olympique est à mes yeux, l'adulte mâle individuel. Les Jeux Olympiques doivent être réservés aux hommes, le rôle des femmes devrait être avant tout, comme dans tous les concours antiques, de couronner les vainqueurs".
Néanmoins, certains facteurs vont progressivement contribuer au développement du sport féminin : l'évolution des rapports hommes-femmes dans la société française, les influences étrangères (notamment le modernisme américain), l'émergence de figures sportives telles Fanny Bullock-Workman en alpinisme ou la picarde Suzanne Lenglen en tennis.
L'accès à certaines activités va cependant relever d'un véritable parcours militant. C'est le cas notamment de la course à pied, pratique d'endurance dont les exigences (effort, souffrance, ténacité) transigent avec les représentations traditionnelles de la femme (douceur, modération). Passant outre ces normes, certaines pionnières s'engagent dans des courses de marathon alors qu'elles n'en ont officiellement pas le droit: c'est le cas de l'américaine Kathrine Switzer à Boston en 1967. En France, les performances sur cette distance (mais aussi sur l'épreuve de 100 km) de la fondatrice de l'Amiénoise, Chantal Langlacé, jouent un rôle prépondérant dans la vulgarisation de la course à pied auprès du public féminin.
Il reste que les femmes demeurent encore aujourd'hui moins nombreuses que les hommes à s'adonner au sport (notamment en compétition) et s'orientent principalement vers des activités privilégiant les valeurs esthétique et hygiénique (gymnastique, danse, fitness). En cela, l'Amiénoise joue un rôle essentiel d'ouverture vers de nouvelles manières de penser les pratiques corporelles féminines. Ce à quoi les Picardes répondent favorablement en participant par milliers à cette course.