Le tour de l'Oise avec Eric Lalouette
Notice
Dans ce reportage où l'on parcourt les routes de l'Oise en compagnie du peloton, dans la traversée des villages et les arrivées, on suit Eric Lalouette un coureur picard. A la suite d'un sprint final à Creil, la victoire revient au picard Jean-Jacques Fussien.
Éclairage
Créé au cours des années 1930, le Tour de l'Oise (également dénommé un temps Tour de l'Oise et de la Somme) fait partie, dans les années 1970, des grandes courses cyclistes nationales. C'est également l'épreuve phare du calendrier régional depuis la disparition en 1966 du Grand Prix du Courrier Picard. Le public local, familier des passages du Tour de France et du Paris-Roubaix, a ainsi le privilège de suivre une course par étapes empruntant les routes de la région et réunissant les meilleurs coureurs français et étrangers. Les grandes équipes professionnelles sont en effet représentées, à l'instar de Lejeune-BP, Peugeot-Esso-Michelin, Gitane-Campagnolo ou encore Gan-Mercier. Cette dernière compte notamment dans ses rangs Raymond Poulidor qui, à l'âge de 40 ans, est dans son avant-dernière année professionnelle. "Poupou" jouit encore d'une grande notoriété. Il la doit notamment à l'"attendrissement nostalgique" (selon les termes de l'historien Michel Winock) de la France rurale et des milieux populaires, qui apprécient son abnégation, son humilité et son esprit de solidarité. Ces qualités ne suffiront pas à l'"éternel second" pour gagner, en 1976, le Tour de l'Oise; la victoire revenant au Belge de l'équipe IJsboerke, Emiel Gijsemans. Cette même année figure dans le peloton un coureur picard issu de l'Etoile Cycliste d'Abbeville, Eric Lalouette. Effectuant sa première année professionnelle au sein de la formation Lejeune-BP, il narre la dureté du métier de cycliste: se lever tôt, souffrir sur la selle, se mettre au service de ses coéquipiers, profiter d'un court repos entre les étapes. C'est au prix de ces sacrifices que les coureurs peuvent espérer participer au Tour de France à venir (Eric Lalouette y prendra part et se classera à la 85ème place), et, s'ils le terminent, acquérir une notoriété leur permettant d'engranger des primes lors des critériums d'après-Tour, très rémunérateurs.
Car, derrière les valeurs de dépouillement et de désintéressement, le Tour de l'Oise prend inévitablement le virage de la société de consommation. Si les groupes de presse et les industriels sont depuis la fin du dix-neuvième siècle les principaux promoteurs des courses cyclistes, les années 1970 semblent accélérer le mouvement. Les sponsors sont présents en plus grand nombre et animent les arrivées d'étapes, comme ici à Creil où la victoire revient au sprint à un cycliste picard, Jean-Jacques Fussien, coureur de l'équipe Gitane-Campagnolo (il décédera prématurément en 1978 des suites d'une chute à l'entraînement). Les courses cyclistes se révèlent en effet rémunératrices. Les journaux l'Equipe et Le Parisien Libéré, tous deux propriétés du groupe de presse fondé par Émilien Amaury (organisateur du Tour de France), s'assurent l'exclusivité de l'information sur le Tour de l'Oise. Pour susciter l'intérêt du lectorat, cette manifestation s'étale volontairement sur plusieurs jours: la longueur des étapes, les routes inconfortables et difficiles, lui donnent une dimension d'épopée et permettent de tenir en haleine et de fidéliser le public. La compétition cycliste, par ses accents dramaturgiques, sert donc efficacement les intérêts économiques. Cette situation assure en tout état de cause la pérennité du Tour de l'Oise qui, fort de son succès, deviendra au début des années 2000 le Tour de Picardie.