L'Etoile cycliste d'Abbeville : ses objectifs et ses ambitions
Notice
A l'orée de la saison cycliste, reportage sur l' Étoile cycliste d'Abbeville : ses objectifs et ses ambitions. La saison reprend autour d'Eric Lalouette, champion de France junior. M [Belvallée], son président, espère créer une école de cyclisme à Abbeville. Pendant l'entraînement, interview de l'équipe à partir de la voiture reportage. Les objectifs de la saison : gagner une classique nationale.
Éclairage
L'Etoile Cycliste d'Abbeville fait partie dans les années 1970 des grandes formations cyclistes picardes. Ses coureurs participent en effet aux principales épreuves régionales et nationales (classiques et courses à étapes). S'ils sont encore amateurs, ils se situent néanmoins pour la plupart dans l'antichambre du cyclisme professionnel. C'est le cas notamment d'Eric Lalouette, champion de France junior ayant déjà participé à de nombreuses courses internationales. Il fera carrière au sein de la formation Lejeune-BP et prendra part en 1976 au Tour de France.
Les objectifs des cyclistes abbevillois sont ainsi complétement tournés vers la performance et la compétition. Dans ce cadre, ils ont tous intériorisé les exigences de la pratique du cyclisme haut-niveau.
Etre cycliste de haut niveau, c'est d'une part procéder à une rationalisation de sa pratique. Les sociétaires de l'Etoile Cycliste d'Abbeville suivent un entraînement destiné à développer leurs capacités cardio-vasculaires mais aussi à les familiariser avec les techniques et les stratégies de course. Pour gagner, il convient en effet de travailler en équipes (" neutraliser" la course lorsque l'on a un coureur échappé devant par exemple) et de bien discerner les rôles de chacun (le leader, le sprinter, l'équipier modèle qui va protéger son leader).
Être cycliste de haut niveau, c'est aussi apprendre à gérer sa vie quotidienne, qui doit complétement être tournée vers la pratique du vélo. Les cyclistes abbevillois entretiennent leur matériel, suivent une alimentation adaptée (même si le suivi diététique n'en est qu'à ses balbutiements dans les années 1970), prennent des produits d'accompagnement pour la récupération. Ils préparent ainsi leur corps et leur machine à supporter l'intensité des courses.
Être cycliste de haut niveau, c'est enfin apprendre à domestiquer la douleur. Les pratiquants n'hésitent pas, au cours de leurs entraînements, à "prendre le vent bien en face" à "augmenter au maximum les difficultés", à "avaler les kilomètres", à "tremper le maillot" même s'ils ont chuté lors d'une précédente course. Autrement dit, ils apprennent à "se faire mal" mais aussi à être à l'écoute de leur corps, dont ils doivent maîtriser les souffrances pour tenter de les transformer en "sensations agréables". La fatigue et des efforts soutenus deviennent en ce sens les indicateurs d'une bonne sortie. L'expression de"forçats de la route", vulgarisée par le journaliste Albert Londres dans un article paru en 1924 dans le Petit Parisien, prend donc ici tout son sens. Si le cyclisme est un sport individuel, la souffrance se vit collectivement et témoigne d'une véritable solidarité entre coureurs, qui connaissent le prix à payer pour avoir la chance d'accéder un jour au statut de professionnel.