Portrait de Suzanne Lenglen
Notice
Un spectacle consacré à la première championne de tennis Suzanne Lenglen Suzanne Lenglen la diva du tennis est donné au Carré Sylvia Montfort, mis en scène par Rachel Salik. Sur des images du spectacle et d'archives de l'époque, est évoquée la vie et la carrière de la tenniswoman picarde. A Wimbledon en 1919, elle bat Dorothy Lambert Chambers et devient championne du monde. Elle devient une star adulée, elle lance la mode sur les cours, habillée par Jean Patou, elle est la première à ne pas porter de corset. Dans ces Années folles, elle côtoie les plus grands artistes.
Éclairage
Suzanne Lenglen demeure l'une des figures les plus emblématiques du sport féminin français. Née en 1899 à Compiègne dans une famille de la haute société, elle se familiarise très tôt avec la pratique du tennis. Son aisance technique combinée à des qualités physiques peu communes vont lui permettre de mener une carrière exceptionnelle, dont l'apogée se situe dans les années 1920. Elle remporte à plusieurs reprises, en simple et en double, les Championnats du monde sur terre battue, les Internationaux de France, le tournoi de Wimbledon et conquiert par ailleurs l'or olympique à deux reprises. Elle surprend notamment ses adversaires par sa mobilité, ses fréquentes avancées au filet et son jeu de volée.
Accumulant les victoires dans les tournois les plus prestigieux, Suzanne Lenglen incarne aussi une certaine vision de la femme des années folles, qui refuse d'avoir un rôle secondaire dans la société française. Ce mouvement de revendications, initié dans les milieux culturels, a en effet une résonance particulière dans la sphère du tennis. D'une part, à l'instar d'autres activités élitistes comme le ski ou le patinage, pratiquants et pratiquantes se côtoient et s'exercent parfois ensemble. Dès lors, si l'univers tennistique n'échappe pas à la division sexuelle des rôles, il autorise le partage de goûts communs, comme le raffinement des gestes et l'élégance des tenues. D'autre part, les clubs de tennis sont des hauts lieux de la sociabilité mondaine: on y vient autant pour pratiquer que pour se montrer, converser et entretenir son réseau de relations. Les femmes prennent entièrement part à ces activités extra-sportives. Suzanne Lenglen côtoie ainsi la haute société au cours des nombreux diners et réceptions auxquels elle prend part.
En même temps, la joueuse compiégnoise, par ses extravagances, rompt avec les conceptions traditionnelles du corps féminin. En arborant des tenues audacieuses (bras et jambes dénudés, décolleté) dessinées par le couturier Jean Patou et en consommant de l'alcool, elle s'affranchit des "vieux tabous de la société guindée et corsetée" (selon l'expression de Jean-Jacques Becker et Serge Berstein). En se débarrassant de son corset, elle passe outre les préoccupations eugénistes qui hantent les décideurs politiques de l'entre-deux-guerres (préserver la femme de toute malformation afin qu'elle puisse procréer dans les meilleures conditions). Enfin, en ayant une activité physique soutenue, elle va à l'encontre des discours moralisateurs arguant de la nécessité de "protéger" les femmes des dangers physiques (la surmusculation qui nuirait à la reproduction) et moraux (la course à la performance qui serait nuisible) du sport .
Ainsi, par son attitude, Suzanne Lenglen va remettre en cause, tout au long de sa carrière, la posture traditionnelle de la femme d'apparat (caractérisée par la soumission et l'immobilité). Elle va servir de modèle à de nombreuses joueuses de tennis, aussi bien étrangères que françaises.