La récolte des semences de hêtre en forêt de Crécy
Notice
Reportage en forêt de Crécy où L'ONF récolte des graines de hêtre pour réensemencer les forêts. Jacques Cailleux (technicien forestier ONF) expose les conditions pour avoir de belles graines et un bois de qualité.
- Europe > France > Picardie > Somme > Crécy-en-Ponthieu
Éclairage
Les peuplements de la forêt de Crécy-en-Ponthieu font aujourd'hui partie des plus belles "hêtraies cathédrales" du nord-ouest de la France. Cette forêt domaniale possède des conditions idéales à la croissance du hêtre : un climat océanique avec des hivers doux et des étés frais, des précipitations abondantes supérieures à 750 mm par an, une bonne humidité atmosphérique d'été et des sols assez profonds établis sur des limons argilo-sableux (1).
La qualité exceptionnelle des hêtres de la forêt de Crécy a été reconnue depuis des siècles. Lors de la réformation de 1665, les commissaires du roi constataient déjà que de nombreux arbres présentaient une hauteur et une grosseur extraordinaires, leurs caractéristiques étant parfaites pour faire des quilles de navires. En 1866, le vérificateur général des aménagements observait aussi que les arbres de réserve étaient "des hêtres de belle venue, d'une élévation remarquable (jusqu'à 20 m de hauteur sans branches)". Espèce d'ombre, le hêtre était cependant encore défavorisé par le traitement en taillis sous futaie, qui conduisait à une mise en lumière trop fréquente et trop importante des peuplements. A partir de 1872, la part du hêtre s'est trouvée augmentée par la conversion en futaie d'une bonne partie du massif (2).
Dans la plupart des forêts du tiers nord de la France, où le hêtre tient une place essentielle, les régénérations naturelles sont souvent aléatoires. La rareté des semenciers, la médiocrité des semis naturels, les hivers trop doux, les dégâts de gibier peuvent les compromettre. Il faut alors recueillir des semences qui serviront à la régénération artificielle. Les semis directs aboutissant presque systématiquement à un échec, les graines servent à la production de plants en pépinière.
En forêt domaniale de Crécy, la récolte des semences de hêtre, les faînes, remonte aux années 1950. Les peuplements dits "classés" sont un peu plus tardifs. Depuis 1965, l'administration impose aux pépiniéristes forestiers d'utiliser des semences issus de peuplements sélectionnés pour leurs qualités technologiques (fût droit et élancé, élagage naturel, qualité du bois), ou physiologiques (croissance rapide, abondance de la fructification, débourrement tardif), regroupés par régions de provenance.
Mais la production de faînes est irrégulière. Les gelées tardives comme les pluies excessives de printemps peuvent réduire à néant toute fructification. Le hêtre ne fournit une bonne faînée qu'une année sur quatre ou cinq, l'année 1995 restant particulièrement exceptionnelle.
A l'automne, les semences sont récoltées sur bâches, triées pour éliminer les feuilles et les brindilles, stockées dans des sacs de jute puis étiquetées. Une partie des stocks est expédiée dans le Jura, à la sécherie de La Joux. Cette sécherie a été établie par l'administration des Eaux et Forêts en 1950, pour traiter et conserver les semences de grandes essences de résineux et de feuillus, destinées en priorité à l'approvisionnement des forêts publiques. Une nouvelle sécherie a été construite entre 1980 et 1982 pour les graines d'arbres feuillus. Cette sécherie dépendant du Service Graines et Plants de l'Office national des Forêts assure la commercialisation d'une partie de sa production auprès des pépiniéristes privés.
(1) Les accroissements annuels moyens varient selon les parcelles entre 3 et 9 m3 à l'hectare, et non 3 et 9 m² comme il est indiqué par erreur dans le documentaire.
(2) Jacques Lengagne, La forêt de Crécy-en-Ponthieu, 1400 ans d'histoire, Inval-Boiron : La vague verte, 2005.