La dendrochronologie date la charpente de la cathédrale d'Amiens
Notice
Reportage sur la dendrochronologie, une technique de datation de l'archéologie, a été utilisée pour évaluer la date de la charpente de la toiture et du chœur de la cathédrale d'Amiens. Patrick Hoffsummer, du laboratoire de dendrochronologie de l' université de Liège, explique que cette technique qui utilise et date les cernes de croissance des arbres, a permis de lever un doute sur la date d'origine de la toiture de la cathédrale d'Amiens après l'incendie de la flèche en 1527.
Éclairage
Les archéologues utilisent de multiples disciplines scientifiques, certaines pour dater les objets qu'ils recueillent. Citons par exemple la datation au carbone 14 qui consiste à mesurer ce qu'il reste de radiocarbone naturel à la suite de la désintégration et à en déduire son âge ou la thermoluminescence qui s'applique notamment aux matériaux en céramiques pour lesquels on peut calculer la date précise de la dernière chauffe.
La dendrochronologie est aussi l'une de ces disciplines. Elle s'est développée dans les années 1920 sous l'impulsion d'E. Douglass, un astronome américain. Elle permet de dater des pièces de bois à l'année près en comptant et en analysant la morphologie des anneaux de croissance annuels (ou cernes) des arbres. Ces cernes sont le résultat du cycle de végétation qui commence vers le mois de mars et s'achève vers la fin du mois d'août. L'épaisseur des cernes, qui n'est pas constante, est le reflet des changements climatiques et environnementaux. En prenant des échantillons dans différents sites d'une même région et ayant poussé à des époques différentes mais se recoupant, il est possible de recomposer une séquence sur plusieurs siècles et de créer une chronologie de référence. La comparaison du profil de croissance d'un morceau de bois d'une époque indéterminée avec cette chronologie de référence permet alors sa datation exacte.
L'apport de la dendrochronologie dans la datation des bâtiments est considérable, surtout pour les monuments du Moyen Age. Les phases de construction ou de réparations de nombreuses charpentes encore en élévation ont ainsi pu être datées. Les prélèvements conjoints des laboratoires de Liège et de Besançon, effectués en 1993 et 1994, à la cathédrale d'Amiens ont porté sur deux ensembles distincts : les charpentes des parties hautes et les restes des tirants insérés dans le haut des piliers et des murs gouttereaux des collatéraux, du transept et du déambulatoire. 52 échantillons ont été prélevés et 34 ont été intercorrélés, ce qui a permis de construire une séquence synthétique unique appelée "Amiens 21", qui couvre 97 ans. Les datations dendrochronologiques ont permis de corriger la chronologie établir par Viollet-le-Duc qui s'appuyait sur une hypothétique reconstruction de toutes les charpentes après l'incendie de la flèche en 1527. En réalité seule cette dernière a été reconstruite. La construction des charpentes actuelles du chœur, du transept et de la nef, correspond à la dernière étape de la construction de la cathédrale, à la fin du XIIIe et du début du XIVe siècle ont survécu en l'état : de 1284-1285 à 1300-1305.
Bibliographie
G.-N. Lambert. Datation chronologique des charpentes, crédibilité et précision (les tirants et les charpentes de la cathédrale Notre-Dame d'Amiens), dans Les charpentes du Xie au XIXe siècle. Typologie et évolution en France du Nord et en Belgique. Cahiers du Patrimoine, 2002, p. 122-135.