Jean de La Fontaine et Château-Thierry
Notice
Jean Paul Delance se rend sur les traces de Jean de La Fontaine dans sa ville natale Château-Thierry dans l'Aisne : l'église où il fut baptisé, la maison de sa naissance. Celle-ci est devenue un musée. Brigida Verstraete, coordinatrice des visite évoque la vie de La Fontaine dans la période où il résida dans la ville. Ses première fables sont publiées en 1668 et il devient un homme lettré reconnu. Cependant il n'a jamais renié ses origines et en retour sa ville natale le met à l'honneur : sa maison musée est restaurée. Le maire Jacques Krabal explique les projets de la ville. On a retenu de son œuvre ses fables inspirées de textes de l'Antiquité qui sont, nous explique Jean Claude Belin, professeur de lettres classiques, un critique de la société de l'époque.
- Europe > France > Picardie > Aisne > Château-Thierry
Éclairage
La maison natale de Jean de la Fontaine est un splendide hôtel particulier de style Renaissance construit en 1559, acheté par Charles de la Fontaine le père du poète lors de son mariage avec Françoise Pidoux, en 1616, maison où leur jeune fils né en 1621 passera presque toute son enfance avant d'hériter de la demeure qu'il cédera finalement en 1676 à son cousin Antoine Pintrel, gentilhomme de la grande vénerie du Roi. Deux cents ans plus tard, en 1876, cette maison sera transformée en Musée La Fontaine avant d'être rénovée par la ville en 2008. Le document qui nous la fait visiter a été diffusé en avril 2011. Si la maison natale du poète mérite cet intérêt, outre le fait de constituer un Musée intéressant, c'est aussi et surtout parce qu'il est loisible à l'imagination du visiteur, amoureux des Fables, qui y flânerait, de mesurer l'influence qu'elle dut avoir sur la formation du fabuliste. C'est une maison de notable, au cœur d'une petite ville traversée par un grand fleuve (la Marne) et étagée sur une colline couronnée d'un château-forteresse médiéval datant des époques mérovingiennes et carolingiennes (Thierry IV aurait donné son nom à Château-Thierry). Ici la royauté est bien assise, à mi-chemin de Paris et de la Meuse, dans une région limitrophe entre Île-de-France, Picardie et Champagne. Que la ville soit aujourd'hui devenue picarde par la grâce de la régionalisation ne doit pas faire oublier sa position originale de Duché. Lorsque la nièce de Mazarin, Marie Mancini épouse le seigneur des lieux en 1662 elle devient ainsi Duchesse de Bouillon. Dominer la Marne à deux cents mètres de haut et à quatre-vingt kilomètres de Paris n'étant pas propre à divertir les journées d'une jeune femme, la Duchesse s'intéresse très vite aux talents locaux et donc à La Fontaine, dont elle facilitera l'entrée à la Cour. Ce dernier, alors âgé de 42 ans, semble encore très attaché à sa province et à sa ville où il a connu une enfance heureuse, une adolescence oisive à peine interrompue par un séjour à la maison de l'Oratoire, rue Saint Honoré à Paris en compagnie de son frère Claude, aux fins d'embrasser une vocation religieuse vite avortée. Il y a de toute évidence une nonchalance chez le poète, une lenteur qui n'exclut pas une ambition littéraire forte. La charge de Maître des Eaux et Forêts qu'il a acquise en 1652, à la suite de son père et d'études de droit, le maintient au contact de ses forêts natales et des contes entendus dans la petite enfance. Bref la Nature, le monde des fermes et des fermiers, la proximité aux animaux domestiques ou sauvages semblent bien plus imprégner sa curiosité et son imagination que le monde des courtisans. Ses Fables, qu'il publie en trois livraisons (1668,1678,1694) ne sont pas seulement un salut fait aux modèles latins ou grecs (Phèdre, Ésope, Térence, Ovide) ni un chef d'œuvre d'habileté prosodique et narrative, où prédomine la fluidité orale et la justesse d'oreille, ce sont surtout des témoignages de tendresse envers les humbles, les paysans, autant que des satires violentes des mœurs nobiliaires ou royales. S'il est vrai qu'en 1793 Château-Thierry deviendra brièvement Égalité-sur-Marne avant de reprendre son nom, cela ne se fera cependant pas pour saluer l'esprit pré-révolutionnaire du fabuliste. La Fontaine demeure en effet un esprit classique, candidat élu à l'Académie Française en 1683, quoique intronisé uniquement après l'élection de Boileau l'année suivante. Cet ancien ami de l'Intendant Fouquet, qu'il suivra à Limoges dans sa disgrâce en 1661, se tiendra toujours à distance de Versailles, préférant fréquenter les salons de sa protectrice Madame de la Sablière, dans le Marais (jusqu'à la mort de cette dernière en 1693) voire frayer avec les Libertins. Sensuel, licencieux et janséniste tout à la fois, telles sont les tendances contradictoires du personnage. Son génie est d'avoir su les dépasser pour traverser l'un des règnes les plus violents et les plus autoritaires de l'Histoire de France avec un calme moqueur, un épicurisme critique, une distance moqueuse qu'on pourra qualifier au choix de champenoise ou de picarde.