La désertification : exemple de Saint-Antoine

En France, la seconde moitié du XXe siècle est marquée par une urbanisation croissante. À l’équilibre jusqu’à la fin de la Seconde guerre mondiale, la population urbaine progresse fortement pour devenir plus importante que la population rurale. Ce phénomène s’accélère durant les Trente Glorieuses.

On parle alors du « déclin des campagnes » pour qualifier ce phénomène d’exode rural, qui désigne l’abandon des communes rurales pour les centres urbains. Ce phénomène touche l’ensemble du territoire national mais les conséquences, économiques et sociales, ne seront combattues que plus tard. En effet, la politique d’aménagement du territoire a longtemps été dominée par l’idée que le développement et le progrès naissent d’abord dans les villes pour se diffuser ensuite aux espaces périphériques. Logiquement, la politique d’aménagement a d’abord cherché à aménager les territoires urbains tout en limitant l’extension de la région parisienne (politique des villes nouvelles, incitations à création d’emplois hors de la région parisienne, métropoles d’équilibre, etc.), pour répondre aux enjeux d’un monde en transition : enjeu économique, enjeu social et enjeu environnemental.

Dans le même temps, les petites et moyennes villes ainsi que les communes rurales sont affectées (de manière contrastée) par cette métropolisation croissante du territoire. Les espaces ruraux incarnent sur la période 1960-1990 « la crise rurale » en lien avec l’exode de sa population. Les conséquences économiques et sociales, comme la fermeture des services publics et des commerces de proximité, touchent de plein fouet les communes rurales. Les écoles ferment, comme les bureaux de poste ou les petits artisans et commerçants. Sur le plan économique, les transformations de l’espace productif sous l’effet de la mécanisation et de la mondialisation modifient considérablement le secteur agricole. Le sociologue Henri Mendras publie en 1967 La Fin des paysans qui étudie ce phénomène.

À partir des années 1980-1990, les lois de décentralisation permettent aux collectivités territoriales de mener des projets de revitalisation et de développement économique. 

Aujourd’hui, encouragée par la récente crise sanitaire, on assiste à une « renaissance des campagnes » même si l’espace rural s’envisage désormais au pluriel, dans toute sa diversité.

Consacré au phénomène de désertification de l’espace rural et aux moyens de le combattre, ce reportage a été diffusé dans le journal télévisé de France 3 Quercy-Rouergue Actualités le 10 janvier 1994. 

Il est tourné à Saint-Antoine, commune située dans le nord-est du département du Gers, limitrophe du Tarn-et-Garonne. 

Le sujet débute avec la rencontre d’Andrée Cizac et Christiane Laurins, deux habitantes de Saint-Antoine qui sont nées et ont toujours vécu au village. Filmées de dos, déambulant dans une rue du village, la première séquence donne à voir un village déserté : les volets sont fermés, il n’y aucune voiture et aucun bruit. Cette atmosphère morose est accentuée par le temps (ciel gris et pluie). C’est d’ailleurs la voix-off d’Andrée qui accompagne cette première séquence. D’une voix mélancolique, elle évoque ce qui a tout changé depuis la fin de la Seconde guerre mondiale.

La séquence suivante montre des images du village tandis que la voix-off de la journaliste évoque tout ce que le village a perdu : ses écoles, son boulanger, ses forgerons, son épicier, son curé… avant de terminer sur maintenant il ne reste rien de tout ça, seule une classe avec quatre enfants et le fait que Saint-Antoine aurait perdu 70% de sa population, taux qui n’est pas confirmé par les chiffres de l’INSEE. Les images appuient les commentaires de la journaliste en montrant des maisons inhabitées, à l’abandon, ainsi que des images filmées au sein de l’école primaire (fermée à la rentrée suivante).

Le reportage se poursuit par l’interview d’Andrée et Christiane qui évoquent, l’une après l’autre, le départ des jeunes et les raisons expliquant ce départ. L’exode rural serait lié à la transformation du secteur agricole.

La séquence suivante est centrée sur l’interview de Paul Tricaud, président de la Fédération Lomagne qui expose l’ambition collective (Fédération Lomagne, Chambre de commerce et des métiers, offices de tourisme) de stopper la désertification et relancer l’activité économique. Avant sa prise de parole, le reportage diffuse des images qui montrent, pour la première fois, la vie qui perdure dans le village : une voiture qui se gare, un homme et une femme qui s’occupent de leur foyer.

Le reportage s’achève d’ailleurs sur une note plus optimiste, avec une première séquence qui filme Andrée et Christiane qui marchent, face caméra, souriantes dans une rue, avant de filmer quatre enfants et un homme de dos, certainement l’instituteur du village et les quatre élèves qui étaient sortis de la classe.

• Henri Mendras, La fin des paysans, Paris, Acte sud, coll. « Babel », 1992 (1967)