Au pays de d'Artagnan
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Résumé
Dans le Gers, département le plus agricole de France, le mécontentement des habitants s’exprime face à un contexte économique et politique inquiétant, traduit notamment par un aménagement hydraulique qui fait défaut. Des agriculteurs parlent de leurs difficultés et de l’exode rural. Toutefois la production d’armagnac s’organise et laisse planer l’espoir d’un redressement économique. Le directeur du Crédit agricole du Gers évoque des perspectives de développement d’une industrie reposant sur les produits agricoles du département.
Date de publication du document :
14 sept. 2021
Date de diffusion :
11 févr. 1966
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Contexte historique
ParEthnologue
Publication : 14 sept. 2021, modification : 17 déc. 2021
Après le deuxième conflit mondial, se posent la question de l’autosuffisance alimentaire des états. Dans un souci d’intensification de la production, le Plan Marshall invite à une motorisation et à une mécanisation massive des campagnes. Le « progrès » s’exprime alors à travers l’équipement des fermes et les avancées agronomiques. Le régime de croissance des systèmes productifs en place dans les années 1960 annonce un accroissement massif de la consommation : les ménages s’équipent, les territoires s’aménagent, et l’industrie agroalimentaire prend de la puissance. L’entrée en vigueur du Marché commun puis de la Politique agricole commune (PAC) en 1962, socle de l’institutionnalisation du modèle de développement alors promu, pointe la régulation des marchés et ouvre à une concurrence internationale. L’appareil politique et institutionnel incite alors la paysannerie « traditionnelle » à converger vers un modèle d’entreprise marchand qui prédispose ce que le sociologue Henri Mendras nomme La Fin des paysans.
Avec sa structure rurale composée d’un réseau dispersé de petites unités de production familiales où la polyculture garantit autonomie et diversité des ressources vendues lors de foires et marchés, le Gers, département le plus agricole de France alors en situation d’exode rural prononcé, semble entrer en contradiction avec les nouvelles stratégies technico-économiques et de normalisation de la production. Ces changements structurels vifs et accélérés engagent un bouleversement à la fois des systèmes de production et de commercialisation mais aussi des identités professionnelles. Un décalage se fait alors sentir entre les orientations données par les directives globales et la réalité des aménagements locaux pour y parvenir. Conflit au cœur duquel est plongé le monde paysan mais aussi le quotidien d’une vie rurale qui ne suit pas au même rythme la marche de la modernité et qui laisse voir un monde, agricole ou non, à deux vitesses concurrentes. Les rendements sont médiocres, de nouvelles cultures apparaissent (maïs, tournesol, fruitiers, tabac). L’eau manque sur les terres imperméables des coteaux gascons. Il faut aller la puiser dans les rivières pyrénéennes, aménager des rigoles de distribution, des stations de pompages et créer des lacs collinaires de rétention.
Pour rompre avec le labeur des champs et l’incertitude des récoltes, la majorité des jeunes, plus instruits que leurs parents, part trouver un emploi et plus de confort dans les villes. La reprise des exploitations reste un point d’interrogation face à l’instabilité des marchés quand ailleurs, on perçoit la sécurité d’un salaire. Si le phénomène de désertification est amorcé dès la seconde moitié du XIXe siècle avec un département qui perd près de la moitié de sa population entre 1850 (344 000 habitants) et 1950 (185 000 habitants), l’exode se poursuit. Les difficultés de la vie paysanne et le manque de capitaux pour réussir une industrialisation rationnelle de l’agriculture ne résistent pas à l’attrait des grandes villes. Un effort est cependant entrepris pour redonner vie aux campagnes par le tourisme.
Plus qu’une dépréciation des prix agricoles, ne peut-on pas comprendre en ce mécontentement manifesté au pouvoir central la dévalorisation d’un modèle rural en rupture, concurrencé par les modèles émergents, et son inquiétude face à ces transformations à la fois économiques, démographiques, sociologiques et culturelles ?
Éclairage média
ParProfesseure de lettres, histoire et géographie en lycée professionnel
Ce reportage de l’ORTF diffusé en 1966 se donne pour objectif d’étudier le mécontentement des Gersois lié au « sous-développement » du département, que le reportage se propose de décrire.
L’utilisation du concept géographique de sous-développement pour caractériser l’économie du Gers dans les années 1960 a de quoi surprendre aujourd’hui. Les images de survol du département en hélicoptère tendent à montrer l’isolement, le faible taux d’urbanisation et la faiblesse des voies de communication qui caractérisent le département.
Le reportage se poursuit avec une succession d’interviews dont celle d’un couple de paysans vivant de la polyculture. Seul le mari répond aux questions du journaliste tandis que son épouse désosse les oies confites.
La voix-off, accompagnée d’une musique de fond assez dramatique, rappelle ensuite que 47 % du département n’est toujours pas desservi par l’eau courante, alors que celle-ci est indispensable à la fois pour l’irrigation mais aussi le tourisme. Le reportage se termine, sur fond de musique angoissante, sur la question de la possible industrialisation du Gers.
Bibliographie
- Gilles Allaire, « Le modèle de développement agricole des années 1960 », Économie rurale, n° 184-186, 1988.
- « Armagnac, cœur de la Gascogne », Bibliothèque du Travail, n° 656, 15 décembre 1967.
- Bernard Bruneteau, Les paysans dans l’État. Le gaullisme et le syndicalisme agricole sous la Ve République, Paris, L’Harmattan, 1994.
- Marcel Drulhe, « Maisons et culture paysanne dans le Gers », Ethnologie française, tome 3, 1973.
- Bertrand Hervieu et François Purseigle, Sociologie des mondes agricoles, Paris, Armand-Colin, 2013.
- Henri Mendras, La fin des paysans, innovations et changement dans l’agriculture française, Paris, Armand-Colin, 1970.
- Andrew Moravcsik, « Le grain et la grandeur : les origines économiques de la politique européenne du général de Gaulle », Revue française de science politique, 49e année, n° 4-5, 1999.
Transcription
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