Ceux du maquis

1944
07m 07s
Réf. 00101

Notice

Résumé :

Reportage sur des groupes de jeunes résistants, membres des Forces françaises de l'intérieur (FFI), à l'entraînement dans les camps de Cize et de Granges, dans le maquis de l'Ain. Ce reportage insiste sur la modestie des combattants, très jeunes, et sur leur grand dénuement et isolement dans les conditions difficiles de la vie en montagne.

Type de média :
Date de diffusion :
1944
Lieux :

Éclairage

Avant même la Seconde Guerre mondiale, la maîtrise de l'image apparaît comme un enjeu crucial. Au sein de l'armée, se constitue la Section cinématographique de l'armée (SCA). La SCA est l'héritière de la Section photographique et cinématographique de l'armée (SPCA) créée pendant la Première Guerre mondiale. La SCA produit des films d'instruction mais elle doit aussi veiller à disposer d'armes de propagande et de contre-propagande

Après l'armistice, l'armée de Vichy, maintient, non sans tensions, cette activité. Du côté de la France Libre, dès juillet 1940, un service cinématographique est constitué pour couvrir les voyages du général de Gaulle et, progressivement, pour filmer les combats dans lesquels sont engagées les Forces Françaises Libres. Parallèlement, un fait majeur intervient en matière de propagande filmée avec la création à Alger, en avril 1943, de l'Office français d'information cinématographique (OFIC) dépendant du commissariat à l'Information, chargé de « la production, la distribution et la présentation à titre onéreux ou gratuit de films d'intérêt national concernant les actualités, la propagande ou l'éducation, que l'initiative privée n'est pas en situation de produire, distribuer ou représenter dans les mêmes conditions pendant la guerre » selon les termes de l'ordonnance qui précède le décret de constitution. L'OFIC est créé pour faire pièce aux menées de Vichy et de l'Allemagne mais aussi pour échapper à la mainmise anglaise en matière d'information et de propagande filmée.

C'est dans ce contexte qu'est produit à la fin de 1943, ce film intitulé « Ceux du maquis » diffusé, en dehors de la France occupée, comme une émission spéciale de l'émission Ici la France. Aux accents martiaux de la musique militaire de l'ouverture, les premières mesures de la Ve symphonie de Ludwig van Beethoven confèrent la note dramatique et héroïque que les réalisateurs ont voulu donner à ces images tournées dans les maquis de l'Ain, plus particulièrement dans la ferme des Gorges, située dans le hameau de Résinand, aux camps de Cize et des Granges. Ces camps des maquis de l'Ain ont été installés sous la responsabilité du capitaine Romans-Petit. Avec d'autres camps situés à proximité d'Oyonnax, ils correspondent aux camps d'où sont partis des résistants qui ont défilé à Oyonnax le 11 novembre 1943 pour le 25e anniversaire de l'armistice de 1918. Ce coup d'éclat a incontestablement attiré l'attention sur les maquis et en ce début 1944, alors que la victoire contre l'Allemagne semble plus que probable. Il est urgent de renforcer les Forces Françaises de l'Intérieur qui devront appuyer l'effort des troupes alliées. Les images ont été tournées par les résistants eux-mêmes. Ont-ils reçu l'appui de l'OFIC, en techniciens ou en matériel ? Rien ne permet de répondre à cette question pour un film dont tout montre que sa réalisation même est une victoire du système D.

Le commentaire lyrique de Maurice Schumann est tout à fait dans le ton de la mission que le général de Gaulle lui a confiée : galvaniser les énergies résistantes par ses interventions à la radio de Londres.

Le commentaire insiste sur les moyens limités de cette armée, le terme est plusieurs fois répété, où n'existe ni parti ni province même si les différentes forces politiques et les différents mouvements de résistance qu'amalgament les Forces Françaises de l'Intérieur sont soigneusement cités.

Le film de l'OFIC est bien une réalisation de propagande qui doit enflammer la jeunesse française et l'inciter à prendre les armes contre l'occupant nazi et les « vingt polices » qui collaborent avec lui.

Bibliographie :

- Stéphane Launey , « Les services cinématographiques militaires français pendant la Seconde Guerre mondiale », Revue historique des armées, 2008, n°252.

- Sylvie Lindeperg, Les écrans de l'ombre. La Seconde Guerre mondiale dans le cinéma français (1944-1969), Paris, CNRS éditions, 2000.

Jean-Luc Pinol

Transcription

(Musique)
Journaliste
Ici la France.
(Musique)
Journaliste
Ici la France.
(Musique)
Journaliste
La levée des couleurs en plein maquis. Un drapeau, il y en a de plus grands. Un mât, il y en a de plus hauts. Mais ce mât, c’est une branche coupée vivante au tronc d’un arbre des sommets. Et parce que ce mât tordu est un prolongement de la terre, ce n’est plus un drapeau qu’il porte mais le drapeau. Les scènes que nous voyons ont été tournées par les jeunes gens du maquis en plein cœur du royaume de la gestapo. Qu’elles aient traversé les 20 polices qu’entretiennent Himmler et Darnand sur notre territoire, est en soi-seul un miracle de courage et d’audace. L’autre miracle, c’est que malgré les 20 polices et les troupes allemandes qui battent de leurs bottes nos villages, nos champs, nos chemins, les jeunes gens de France, chaque jour montent vers le maquis, volontaires, toujours plus nombreux pour une vie toujours plus rude, par un, par deux, par trois, ils sont aujourd’hui des dizaines de milliers. L’Allemagne a ses camps de concentration, la France a ses camps de liberté. Les nouveaux arrivants bâtissent leurs demeures eux-mêmes, demeures toujours provisoires car si l’ennemi, vous le sentez bien, arrive ici avec ses grenades et ses automitrailleuses, il ne doit plus trouver personne. C’est la loi du maquis, la menace permanente, et les bleus l’apprennent dès leur arrivée comme ils apprennent à tout faire. Car les maquis ne sont pas des refuges. Les maquis sont une armée régulière. Les maquis sont l’avant-garde des troupes de libération. Déjà en place sur le sol à libérer, une avant-garde au contact souvent attaqué, qui parfois attaque et qui s’entraîne à attaquer.
(Silence)
Journaliste
Comme il y a des unités motorisées, il y a des maquis motorisés. Oui, motorisés. Avec 3 camions et 5 motocyclettes et avec une arme pour 5 mais chacun avec du courage pour 10. Des officiers les commandent, qui ont l’honneur de se battre en France, en uniforme français. Mais regardons bien l’uniforme de leur garde-à-vous, et ceux-ci encore sont parmi les mieux équipés. Des culottes rapiécées et trouées, des chaussettes trop minces, des souliers sans graisse, aux cuirs brûlés prêts à se fendre, c’est avec ça qu’ils courent, qu’ils manœuvrent, qu’ils rient et qu’ils luttent. La résistance française avait déjà ses journaux comme elle avait ses héros, elle avait ses livres comme elle avait ses martyrs, elle a dit j’aurai mes films et elle les a eu. Et grâce à elle, vous les voyez. Tous, Armée Secrète, Francs-Tireurs et Partisans, corps francs des Mouvements unis de Résistance, Organisation de résistance de l’armée, maquis, tous forment les Forces Françaises de l’Intérieur. Les FFI qui comme les FFL, ont leur Mourzouk, leur Koufra, leur Bir Hakeim. "Ils ont repris possession de lambeaux de la terre natale", a dit d’eux le général de Gaulle, et devant ces soldats réguliers d’une armée régulière, militaires français soumis à des ordres français, avec lui, comment ne pas proclamer: "Nos armées n’ont qu’une âme, de même qu’elles n’ont qu’un drapeau."
(Silence)
Journaliste
Et cette armée elle-même va vous montrer comment elle se défend et comment elle entre dans l’hiver.
(Silence)
Journaliste
Car comme une armée, comme une armée toujours, les maquis de France ont leur état-major qui va le moins nombreux possible visiter l’un après l’autre, les centaines de groupes sans cesse mouvant dans la montagne.
(Silence)
Journaliste
Pas plus ces jeunes gens n’étaient habitués à cette vie sauvage, pas plus nos paysages paisibles n’étaient faits pour abriter des guérillas. Ni steppes, ni immenses espaces inhabités, si désert que paraisse ce bois, une ville est toujours proche donc l’ennemi est toujours proche. Ainsi nous les voyons. Nous les voyons pour la première fois ces fameux bandits. Les voilà ces soldats volontaires avec leurs visages sans province et sans parti parce qu’ils viennent de toutes les provinces et de tous les partis.
(Silence)
Journaliste
Lequel est l’étudiant, lequel est l’ouvrier, lequel sort du séminaire, lequel d’un chantier de jeunesse, lequel d’un stalag, lequel d’une prison de la gestapo ? Contre eux les 20 polices sont en armes. Contre eux les milices, contre eux les Waffen-SS, contre eux les régiments nazis sont sur le pied de guerre. Ils tiennent, ils veulent tenir. Grâce à la solidarité nationale, ils tiendront.
(Silence)
Journaliste
Ils n’ont pour se tenir chaud que la croix de Lorraine sur la poitrine. Ça ne serait rien si ce n’était qu’un symbole. Mais c’est beaucoup plus. C’est le signe de la complicité générale qui les entoure car si l’ennemi est partout, à les guetter, la terre et ses vrais fils sont aussi là qui les abritent et les nourrissent. Connaissez-vous le refrain du chant des réfractaires ? J’ai changé 100 fois de nom, j’ai perdu femme et maison, mais j’ai tant d’amis et j’ai la France entière. Voyez, ce n’est plus le maquis qui salue ses couleurs, c’est le drapeau qui salue son maquis.
(Musique)