Le défilé du 11 novembre 1943 à Oyonnax

11 novembre 1943
05m 12s
Réf. 00122

Notice

Résumé :

Des maquisards, dont Henri Petit dit Romans et André Jacquelin, se souviennent du défilé du 11 novembre 1943 à Oyonnax. Ils défilèrent dans cette ville de la France occupée pour commémorer l'armistice de 1918.

Date de diffusion :
12 novembre 1973
Date d'événement :
11 novembre 1943
Source :
Lieux :

Éclairage

Ce reportage est une véritable mise en abyme de l'armistice du 11 novembre 1918. Le 11 novembre 1943, pour son 25e anniversaire, l'armistice de 1918 est célébrée par les maquis de l'Ain lors d'un défilé militaire dans la ville d'Oyonnax alors que la France est occupée par l'Allemagne nazie. Le 11 novembre 1973, ce reportage est diffusé le jour où l'on commémore le 30e anniversaire de ce fait d'armes qui valut à la Résistance française une véritable prise en considération par les alliés de sa réalité militaire.

Le reportage alterne des photos du fait d'armes du 11 novembre 1943, un entretien avec celui qui l'a organisé, le capitaine Romans-Petit et un journaliste qui y a assisté. Le journaliste, André Jacquelin, mentionne brièvement la publication de son ouvrage, La juste colère du val d'Enfer. Le val d'Enfer, est le lieu où a été édifié, en 1951, le mémorial aux maquis de l'Ain. Il est situé sur la commune de Cerdon.

Le 11 novembre 1943, quelque 250 membres des maquis de l'Ain et du Haut-Jura ont organisé, sous les ordres du capitaine Romans-Petit, une prise d'armes, un défilé et le dépôt d'une gerbe en forme de croix-de-Lorraine dans la ville d'Oyonnax qui n'avait pas été choisie au hasard. Le capitaine Petit, qui est capitaine de réserve dans l'aviation n'arrive pas à rallier le général de Gaulle après l'armistice de juin 1940. Après un séjour à Saint-Étienne où il participe aux premiers réseaux de résistance sous le nom de Romans, il arrive dans le département de l'Ain et commence à organiser l'hébergement des réfractaires du Service du travail obligatoire (STO). Il créé une école des cadres pour les maquisards et réussit des coups de main qui permettent d'armer les maquis. En octobre 1943, il est le chef militaire de l'Armée secrète (AS) pour le département de l'Ain. C'est en tant que tel et sous le nom de Romans-Petit qu'il organise le défilé du 11 novembre 1943.

A l'écouter, on comprend l'importance du maillage que la Résistance a su constituer avec une partie des autorités qui dans différents services ne se reconnaissent pas dans la politique de collaboration prônée par le Maréchal Pétain. Romans-Petit et André Jacquelin expliquent l'impact que ce fait d'armes a eu sur les alliés qui reconnaissent que les maquis vont pouvoir jouer un rôle militaire après le débarquement et qu'il est donc nécessaire de les armer. On peut considérer que le reportage « Ceux du maquis », tourné dans les camps des maquis de l'Ain, est la conséquence directe de ce succès. On retrouve d'ailleurs des formules communes au commentaire lyrique de Maurice Schumann et à la parole toujours enthousiaste qui anime, trente ans après, l'ancien chef des maquis. Tous les deux martèlent une idée simple, les maquis sont une armée et cette armée a un rôle à jouer dans la libération de la France.

Dans la conclusion de l'entretien, Romans-Petit tisse des liens entre passé et présent afin de montrer à la jeunesse la nécessité de l'engagement.

Voir le site de l'Ordre de la libération.

Jean-Luc Pinol

Transcription

Journaliste
Dans l’Ain comme partout en France, on a célébré hier le 55e anniversaire de l’armistice du 11 novembre 1918. A cette occasion, les anciens résistants de ce département se sont remémorés un certain 11 novembre 1943, une époque où, cachés dans les taillis et les bois, ils traquaient l’envahisseur.
Intervenant 1
Je me souviens, derrière ces montagnes-là, quand on a décidé du 11 novembre à Oyonnax, ça c’était formidable. Une époque inoubliable.
Intervenante
Ah oui. C’est vrai ça hein.
Journaliste
Au matin du 11 novembre 1943, en pleine guerre, les maquisards de l’Ain défilaient drapeau en tête dans les rues de la petite cité d’Oyonnax. Bravant l’ennemi, les résistants rendaient ainsi un vibrant hommage à ceux qui, 25 ans auparavant avaient triomphé du même ennemi. Ce défilé, les anciens du maquis de l’Ain ne l’oublieront jamais.
Henri Romans-Petit
Et bien, il fallait démontrer à tous que nous étions des soldats venus de tous les horizons politiques et qui n’avions qu’une seule ambition, libérer le pays par les armes et qu’il existait une armée réelle, une armée, l’armée des ombres et c’est ce que nous avons montré le 11 Novembre 1943.
Journaliste
Pourquoi avoir choisi la ville d’Oyonnax pour organiser ces…
Henri Romans-Petit
Nous avons choisi Oyonnax parce que nous disposions à l’intérieur de cette ville d’un noyau extrêmement solide. Nous avions toute cette équipe des Jeanjacquot, euh Jeanne Moirod qui a été maire d’Oyonnax par la suite. Nous avions le commissaire de police Thévenon, nous avions le receveur des postes, c’est très important car il contrôlait toutes les communications et nous disait l’essentiel, qui étaient nos chefs de l’Armée Secrète, Boudet Curty, nous avions par conséquent tous les éléments propres à assurer la sécurité le jour le la manifestation. Et nous nous sommes emparés alors de la ville.
Journaliste
L’accueil qu’a reçu cette manifestation de la part de la population d’Oyonnax a été quelque chose de merveilleux pour vous.
Henri Romans-Petit
Les mots me manquent car c’est absolument indicible au sens littéral, de dire l’accueil que nous avons reçu. Lorsque je suis arrivé en tenue de capitaine aviateur, car j’étais le capitaine Romans à l’époque, et que j’ai dit, Maquis de l’Ain, à mon commandement, ça a été une explosion invraisemblable de "Vive le maquis! Vive la France!" et nous avons même avancé, j’ai dû répéter mon commandement pour dire "En avant, marche", et nous avons suivi alors nos clairons, ah! Nos clairons… Ils étaient extraordinaires. Euh, les gens se précipitaient sur nous, nous serraient les mains alors que nous défilions. Nous serraient les mains. Et quand nous sommes arrivés au monument, alors que toute la ville était venue, que tout le monde était assemblé, ça a été une espèce de lueur, une espèce de lumière qui soudain jaillissait sur la ville. Nous avons été submergés, les uns et les autres. Non seulement par ce grand élan de pureté et d’enthousiasme, mais par aussi cet acte de foi que constituait notre démonstration. Nous apportions la démonstration que nous étions une armée nouvelle.
Journaliste
Est-ce qu’il y a eu des représailles ?
Henri Romans-Petit
Il n’y avait pas d’Allemands. Nous avions choisi Oyonnax justement aussi parce qu’il n’y avait pas d’Allemands. Ils étaient dans les environs mais dans la ville même, il n’y en avait pas. Il n’y a pas eu de représailles. Nous avions accrédité cette légende que nous étions très forts. Nous avons intoxiqué toute la population, nous avions avec nous, ce que j’ai oublié de vous dire, le capitaine de gendarmerie Verchère. Capitaine de gendarmerie qui est, s’est servi de ses gendarmes pour intoxiquer tout le monde, pour faire courir le bruit que le même jour, à la même heure, il y avait dans tout le département une manifestation.
Journaliste
André Jacquelin, vous étiez le seul journaliste des maquis de l’Ain, vous avez à ce titre assuré le reportage de cette manifestation.
André Jacquelin
Qui a été publié dans Bir Hakeim numéro de décembre 43. Et quelques temps plus tard, ce même reportage a été reproduit par l’ensemble de la presse anglaise et américaine. Il a eu, comme vous devez le comprendre un immense retentissement.
Journaliste
Tous ces souvenirs, vous les avez mentionné dans un livre,
André Jacquelin
Qui s’appelle La juste colère du Val d’Enfer . Qui a obtenu, livre qui a obtenu le prix du souvenir 70, avec une critique de presse extrêmement élogieuse et des témoignages, hauts témoignages extrêmement importants.
Journaliste
Une dernière question colonel Romans-Petit, Quel souvenir gardez-vous de ce défilé, de cette époque en général 30 ans après ?
Henri Romans-Petit
Le souvenir d’un acte de foi qui nous a transporté très haut, qui nous a élevé au-dessus du terre à terre, acte de foi qui doit servir de témoignage aux jeunes qui nous écoutent. A savoir que quelles que soient les difficultés, quelles que soient les embûches, si l’on croit en quelque chose, on doit réussir. Nous l’avons prouvé, nous sommes venus au combat les mains nues et nous avons gagné, nous avons apporté à la France la victoire.