L'industrie de la chaussure à Romans

28 octobre 1964
05m 24s
Réf. 00225

Notice

Résumé :

Romans fabrique des chaussures depuis fort longtemps, elle en est la capitale. Le reportage présente la fabrication de ces chaussures prisées pour leur qualité, du dessin en passant par la peausserie jusqu'au produit fini.

Date de diffusion :
28 octobre 1964
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Éclairage

La fabrication des chaussures à Romans remonte au XVe siècle. Installés à l'ouest de la ville près de la rivière et du canal, les tanneurs et mégissiers préparaient les peaux des ovins et des bovins de la région et les tannaient avec des écorces de chênes et de châtaigniers des forêts voisines. Il s'agissait alors d'une production artisanale. Le travail de la chaussure s'appuie donc, depuis plusieurs siècles, sur des savoir-faire et un travail qui s'est industrialisé dans la seconde moitié du XIXe siècle après l'arrivée du chemin de fer, la mécanisation pour une production de masse et l'exportation des produits fabriqués. De grandes maisons comme les entreprises Fenestrier et Jourdan prennent leur essor à la Belle Époque en exportant à l'étranger, du Japon aux États-Unis. Les périodes de crise alternent cependant avec des périodes de prospérité. En 1921, on compte 6000 actifs dans le cuir sur l'agglomération et en 1964 encore 5000.

1964, date à laquelle est effectué le reportage télévisé dans une entreprise moyenne de fabrication de chaussures de Romans, est un moment clé de la transformation de la structure des entreprises romanaises de la chaussure, avec d'une part, une progression de la productivité et une diminution du temps nécessaire à la fabrication d'une chaussure et, d'autre part, l'introduction des premiers capitaux étrangers, américains d'abord et ensuite allemands (Salamander). En effet, le nombre d'entreprises est passé de 200 au début des années 1950 à 80 en 1964, les moyennes et grandes entreprises se maintenant, mais pas les petites structures familiales. L'orientation est toujours définie vers une chaussure de luxe et de qualité (l'entreprise Kelian est fondée en 1960) qui demande plus de main d‘œuvre.

Le reportage montre avec précision tous les stades de la fabrication : de la création dans les bureaux d'étude (avec des salariés en blouse blanche), à la mise sur pièce de carton puis au découpage de la peausserie (à la main ou à l'emporte-pièce) qui est ensuite piquée - par des ouvrières surtout – à la machine. Le directeur ou le patron d'une entreprise de chaussures, interviewé à son bureau de façon très statique, est encadré par des modèles de chaussures de femmes et par des formes en bois sur lesquelles sont montées, pièce par pièce, les chaussures. Celles destinées aux hommes sont plus simples à réaliser et moins sensibles aux aléas de la mode. À Romans est implanté depuis de longues années un centre d'apprentissage devenu lycée des métiers du cuir de la région Rhône-Alpes qui propose des formations en maroquinerie et chaussure.

De 1964 à 1970, dix entreprises moyennes fermeront leurs portes avec une diminution de 1000 ouvriers dans cette période et le déclin s'accentuera à partir de 1970. La création du musée international de la chaussure enclenche un processus de patrimonialisation qui s'efforce de conserver la mémoire de la tradition manufacturière.

Michelle Zancarini

Transcription

Journaliste
Monsieur [Ledevin], Romans capitale de la chaussure, c’est une vocation que cette ville a vu naître voici quelques siècles déjà.
Intervenant 1
Oui, en effet puisque dès le 15e siècle, on retrouve la trace de corporations de cordouaniers, regrolleurs, sabatiers, qui sont incontestablement les ancêtres des fabricants de chaussures actuels de Romans.
Journaliste
On dit que Romans est la capitale de la chaussure. Je crois surtout que c’est la capitale de la qualité.
Intervenant 1
Oui, bien sûr car on ne peut pas prétendre que Romans produise un pourcentage extrêmement important des chaussures fabriquées en France. Mais, si la quantité est relativement peu importante, la qualité elle, est extrêmement soignée et a toujours fait l’objet des préoccupations des fabricants de chaussures romanais.
Journaliste
Pour la bonne fabrication de la chaussure romanaise, il y a une tradition. Cette tradition, bien sûr, se donne, se poursuit grâce aux écoles mais aussi je pense, grâce aux fabricants.
Intervenant 1
Oui incontestablement, nous avons, nous tenons à garder ce qui a fait le renom de nos articles, et nous sommes extrêmement attentifs au respect des traditions. Mais pour pouvoir avoir un personnel qui soit apte à les respecter, nous avons, de très bonne heure jugé nécessaire d’instaurer des cours dans des établissements d’enseignement tant pour former de la main d’œuvre ouvrière que pour former du personnel d’encadrement.
Journaliste
Combien d’ouvriers travaillent pour la chaussure à Roman ?
Intervenant 1
Il y a environ 5 000 ouvriers qui travaillent dans la chaussure à Romans.
Journaliste
Comment fabrique-t-on une belle paire de chaussures ?
Intervenant 1
Avec beaucoup de recherche et avec beaucoup de soin. Le, une recherche qui porte aussi bien sur la forme qui donne les qualités de chaussons nécessaires, que sur les lignes qui donnent l’élégance et le cachet qu’exige la mode, que sur les matières premières qui doivent être d’excellente qualité et d’un très bel aspect. Que sur les ornements qui donnent un cachet supplémentaire, que sur les teintes, bref tout ce qui constitue la chaussure fait l’objet d’une recherche permanente et je crois que c’est là justement une des caractéristiques essentielles de la fabrication de la chaussure à Romans.
Journaliste
Nous sommes ici dans le bureau d’étude d’une des plus importantes fabriques françaises de chaussures pour femme, Monsieur [Thévenas] quelles sont les différentes opérations que l’on effectue dans ce bureau d’étude ?
Intervenant 2
Dans ce bureau d’étude, il s’agit de créer les chaussures, et de les étudier de manière à ce que l’on puisse les exploiter industriellement.
Journaliste
C'est à dire qu’au départ il y a un croquis ?
Intervenant 2
Effectivement, il y a un croquis qui est réalisé sur, sur du papier dessin et ensuite ce croquis est retransposé sur une forme en bois appelée maquette. C’est à partir de cette maquette que l’on va réaliser les premiers patronages qui vont servir au, à établir le pied d'essai.
Journaliste
Il faut dire que les patronages sont des petits morceaux de carton qui servent à faire la forme de la chaussure ensuite.
Intervenant 2
Effectivement, ces petits cartons représentent toutes les parties de la chaussure. Et c’est à, en partant de ces cartons que l’on va pouvoir découper les différents éléments de la chaussure.
Journaliste
Donc, nous en arrivons maintenant à la réalisation proprement dite, comment se passent ces différentes opérations de peausseries ?
Intervenant 2
La première opération consiste dans la découpe de la peausserie. Ensuite nous avons la préparation au piquage et l’assemblage de la tige. La tige étant le dessus de la chaussure. Nous avons ensuite le montage qui est suivi du semellage et de la pose du talon. Nous terminons par la finition et bien entendu la mise en boite.
Journaliste
Monsieur [Ledevin], fabrique-t-on une chaussure d’homme différemment d’une chaussure de femme ?
Intervenant 1
Il est certain que la chaussure d’homme étant plus matérielle que la chaussure de femme, certaines opérations correspondantes diffèrent légèrement les unes des autres. Il y a des phases pratiquement identiques, celles de la conception des modèles et des études de modèles, sont pratiquement semblables. Il faut également découper la peausserie, mais bien souvent, la possibilité d’avoir de longues séries permet d’utiliser une découpe à l’emporte-pièce au lieu de la découpe à la main. L’assemblage des différentes parties de la tige se fait pratiquement de la même manière, un peu plus rapidement sans doute puisque, on a moins d’opérations de mode à effectuer sur un article d’homme que sur un article de femme.
Journaliste
Une question que vous poseraient toutes ces dames, quelle sera la forme future de la prochaine collection ?
Intervenant 2
La forme future de la prochaine collection. Certainement, ce sera l’affirmation des tendances que l’on a découvert ce, cet hiver dernier, et l’on peut penser que le petit talon sera toujours à la mode, le talon de 35 à 40 millimètres, talon bien entendu toujours très à l’arrière, côté de la chaussure rectiligne, le devant court et bien entendu le bout légèrement arrondi.