Les lunetteries d'Oyonnax

13 juillet 1967
04m 59s
Réf. 00231

Notice

Résumé :

Oyonnax est spécialisé dans la lunetterie. Le secrétaire général de la Chambre syndicale explique que le secteur fonctionne car il suit les tendances de la mode et s'adapte, mais également parce qu'il crée continuellement de nouveaux modèles selon l'évolution du goût.

Date de diffusion :
13 juillet 1967
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Éclairage

Étrange introduction pour un reportage sur la lunetterie d'Oyonnax que ce plan de femme répondant de dos à l'intervieweur qui l'interroge sur les formes à la mode en cette année 1967. Depuis le XVIIIe siècle, la petite cité du Haut-Bugey était réputée pour sa fabrication de peignes en corne (matière première traditionnel du Jura), puis en celluloïd. Mais la mode des cheveux courts dans les années folles allait porter un coup d'arrêt à cette production et obliger les « peigneux » à se reconvertir. Quelques images du reportage, où l'on voit deux femmes se coiffer avec des peignes gigantesques, sont d'ailleurs un clin d'œil à cet ancestral savoir-faire.

Dans les années 1930, donc, Oyonnax a trouvé de nouveaux champs d'expérience avec l'invention du rhodoïd, puis dès l'après-guerre avec l'apparition des matières plastiques, qui permettent une « grammaire décorative » variée : gravage, strassage, peinture, dorure ou argenture. Longtemps cantonnée dans la gamme des écailles, la lunette, qui « n'est jamais que deux trous » – comme le déclare très sérieusement le secrétaire général de la chambre syndicale, M. Sibois, cadré en très gros plan sur ses lunettes – prend de nouvelles formes et de nouvelles couleurs.

D'autre part, les lunettiers comprennent qu'il faut resocialiser la lunette, notamment pour les femmes, pour qui elle était jusqu'alors synonyme de laideur ou de vieillesse. La lunette n'est plus une « prothèse », un objet thérapeutique et utile ; elle devient un objet à la mode.

Les artisans et industriels d'Oyonnax, qui avaient su faire preuve d'une grande faculté d'adaptation, s'illustrent par leur créativité ; les collections sont renouvelées chaque année, voire plusieurs fois dans l'année, qu'ils s'agissent de montures pour lunettes correctrices ou pour lunettes solaires. Ce qui plaît au marché américain, très demandeur, d'autant que les grands centres lunettiers d'Europe centrale ont peu à peu disparu dans l'après-guerre.

En 1955, à Oyonnax, on recense 212 artisans ou industriels produisant des lunettes ou parties de lunettes ; c'est la première activité de transformation de la ville.

Il faut donc former une main-d'œuvre spécialisée, devant faire preuve de « dextérité manuelle, bonne vue et goût », d'où la création du centre de formation professionnelle de Bourg-en-Bresse, auquel est consacré la deuxième partie du reportage. Une formation de 24 semaines qui réjouit à l'époque aussi bien le représentant des employeurs que celui des salariés : apport de main-d'œuvre spécialisée, pour le premier, qualification de la masse ouvrière et meilleurs salaires, pour le second. De quoi assurer encore les beaux jours de la lunetterie d'Oyonnax.

Michelle Zancarini

Transcription

Journaliste
Mademoiselle, la lunette suit la mode dit-on, est-ce que vous êtes d’accord avec la géométrie actuelle de ces lunettes ?
Inconnue
Oui, absolument d’accord. D’ailleurs à chaque toilette sa lunette.
Journaliste
Anis donc, Oyonnax peut être considéré comme la petite patrie de la lunette. Mais cette spécialisation fort ancienne a considérablement évolué, elle ne cesse d’évoluer d’ailleurs avec les matériaux utilisés et les caprices de la mode. Monsieur [Cibois], vous êtes Secrétaire Général de la Chambre Syndicale, je crois que la principale force de l’industrie lunetière d’Oyonnax réside justement dans sa faculté d’adaptation à cette mode, toujours renouvelée.
Intervenant 1
Oui, vous avez parfaitement raison de dire Monsieur que la principale force de notre industrie locale de la lunette est justement cette faculté d’adaptation. Adaptation au goût de la mode, au goût des tendances, puisque chaque année les fabricants de lunettes renouvellent entièrement leurs collections. Euh, le principe justement de nos entreprises locales veut que ces entreprises ont cette souplesse d’adaptation de fabrication. Mais il est évident que le principe majeur, c’est bien la création. Et ce qui fait réellement la force des fabricants d’Oyonnax, c’est leur esprit créateur puisqu’il faut trouver continuellement des modèles nouveaux, des modèles esthétiques, des modèles qui plaisent et il est évident que, après tout, une lunette n’est jamais que deux trous. Deux ronds, deux ovales, deux rectangles, deux carrés et tout ça, il faut l’amalgamer au goût du jour.
Journaliste
Cette évolution du goût, la qualité de l’objet, le tour de force qui consiste à mettre sur le marché des modèles présentés le mois précédent, nécessite la formation d’une main d’œuvre spécialisée. Monsieur Henri, vous êtes moniteur de ce centre de formation professionnelle accélérée, quelles sont les connaissances et les aptitudes requises ?
Intervenant 2
Ces connaissances bien sûr, les éléments doivent avoir une dextérité manuelle suffisante, doivent avoir bien sûr une bonne vue car ce sont des travaux assez minutieux, et en plus de ça, doivent avoir du goût. Car dans la lunetterie, il faut beaucoup de goût puisque nous travaillons disons à main levée. C’est-à dire des phases que l’on appelle plus couramment des passes. Ces passes sont d’abord le rognage, le cannelage, le ponçage, le polissage, le montage charnière, armage de branches, ensuite fabrication de la branche complète et le montage de verre et ensuite le polissage de finition.
Journaliste
Quelle est la durée de ce stage ?
Intervenant 2
La durée de ce stage est de 24 semaines.
Journaliste
Et ensuite, vous placez ces jeunes gens, ces jeunes filles ?
Intervenant 2
Ces jeunes gens sont placés par les, la main d’œuvre qui trouvent les employeurs qui les embauchent directement à leur sortie.
Journaliste
Monsieur [Norisque], vous représentez les employeurs, Monsieur [Janvion], vous représentez les salariés, pensez-vous que ce centre représente une promotion pour ces stagiaires ?
Intervenant 3
Il est très certain que l’activité du centre de Bourg nous a apporté à nous employeurs, un apport de main d’œuvre spécialisée qui nous a donné entière satisfaction jusqu’à ce jour.
Intervenant 4
Pour la masse salariale, ce centre de formation professionnelle apporte dans toutes les couches ouvrières une certaine qualification d’où il découle, il va de soi, de meilleurs salaires, et cette promotion professionnelle est ouverte évidemment à tous les horizons ouvriers.
Journaliste
Monsieur [Bévain], en qualité de Directeur Départemental de la main d’œuvre de ce département de l’Ain, je pense que vous pouvez nous apporter des conclusions. Et certainement, elles sont favorables.
Intervenant 5
Effectivement, la section de lunetterie-tabletterie de ce centre de Bourg-en-Bresse a été créée à la demande des organisations patronales et ouvrières d’Oyonnax pour apporter aux industries soit de [Maurais] soit d’Oyonnax la main d’œuvre qualifiée qui leur était nécessaire. La formation qui est donnée ici tend à former des ouvriers qui auront une polyvalence dans l’industrie considérée. Polyvalence qui est certainement très appréciable.