Les lunetteries d'Oyonnax
Notice
Oyonnax est spécialisé dans la lunetterie. Le secrétaire général de la Chambre syndicale explique que le secteur fonctionne car il suit les tendances de la mode et s'adapte, mais également parce qu'il crée continuellement de nouveaux modèles selon l'évolution du goût.
- Rhône-Alpes > Ain > Oyonnax
Éclairage
Étrange introduction pour un reportage sur la lunetterie d'Oyonnax que ce plan de femme répondant de dos à l'intervieweur qui l'interroge sur les formes à la mode en cette année 1967. Depuis le XVIIIe siècle, la petite cité du Haut-Bugey était réputée pour sa fabrication de peignes en corne (matière première traditionnel du Jura), puis en celluloïd. Mais la mode des cheveux courts dans les années folles allait porter un coup d'arrêt à cette production et obliger les « peigneux » à se reconvertir. Quelques images du reportage, où l'on voit deux femmes se coiffer avec des peignes gigantesques, sont d'ailleurs un clin d'œil à cet ancestral savoir-faire.
Dans les années 1930, donc, Oyonnax a trouvé de nouveaux champs d'expérience avec l'invention du rhodoïd, puis dès l'après-guerre avec l'apparition des matières plastiques, qui permettent une « grammaire décorative » variée : gravage, strassage, peinture, dorure ou argenture. Longtemps cantonnée dans la gamme des écailles, la lunette, qui « n'est jamais que deux trous » – comme le déclare très sérieusement le secrétaire général de la chambre syndicale, M. Sibois, cadré en très gros plan sur ses lunettes – prend de nouvelles formes et de nouvelles couleurs.
D'autre part, les lunettiers comprennent qu'il faut resocialiser la lunette, notamment pour les femmes, pour qui elle était jusqu'alors synonyme de laideur ou de vieillesse. La lunette n'est plus une « prothèse », un objet thérapeutique et utile ; elle devient un objet à la mode.
Les artisans et industriels d'Oyonnax, qui avaient su faire preuve d'une grande faculté d'adaptation, s'illustrent par leur créativité ; les collections sont renouvelées chaque année, voire plusieurs fois dans l'année, qu'ils s'agissent de montures pour lunettes correctrices ou pour lunettes solaires. Ce qui plaît au marché américain, très demandeur, d'autant que les grands centres lunettiers d'Europe centrale ont peu à peu disparu dans l'après-guerre.
En 1955, à Oyonnax, on recense 212 artisans ou industriels produisant des lunettes ou parties de lunettes ; c'est la première activité de transformation de la ville.
Il faut donc former une main-d'œuvre spécialisée, devant faire preuve de « dextérité manuelle, bonne vue et goût », d'où la création du centre de formation professionnelle de Bourg-en-Bresse, auquel est consacré la deuxième partie du reportage. Une formation de 24 semaines qui réjouit à l'époque aussi bien le représentant des employeurs que celui des salariés : apport de main-d'œuvre spécialisée, pour le premier, qualification de la masse ouvrière et meilleurs salaires, pour le second. De quoi assurer encore les beaux jours de la lunetterie d'Oyonnax.