Le décolletage dans la vallée de l'Arve

02 février 1971
06m 51s
Réf. 00244

Notice

Résumé :

Reportage consacré au décolletage. Cette activité s'est beaucoup développée en Haute-Savoie. De nombreuses entreprises familiales se sont implantées dans la vallée de l'Arve, haut lieu du décolletage.

Date de diffusion :
02 février 1971
Source :

Éclairage

Le décolletage, c'est, selon la définition même du dictionnaire, « le travail des pièces métalliques tournées à partir de barres métalliques et pouvant comporter des perçages, des filetages, des taraudages ». La première production de cette industrie était la vis, l'opération de décolletage consistant à enlever le collet à l'aide d'un tour pour obtenir le pas de vis. C'est par une définition que commence donc le reportage de Rhône-Alpes Actualités du 2 février 1971 sur le décolletage, une industrie-phare française, dont la vallée de l'Arve (Haute-Savoie) est le centre mondial.

Tout débute dans un petit village sur les hauteurs de Cluses, Saint-Sigismond, au début du XVIIIe siècle. Un certain Claude-Joseph Ballaloud, issu d'une famille d'horlogers, revient au pays après quelques années passées à Nuremberg pour se perfectionner dans l'art de l'horlogerie. Aux villageois paysans, qui cherchent à compléter leurs revenus pendant les longs hivers, il apprend alors à fabriquer de petites pièces d'horlogerie pour les fabriques de Genève. Bientôt, les ateliers se multiplient dans toute la vallée de l'Arve, entre Cluses et Annemasse. L'ouverture en 1848, de l'École royale d'horlogerie de Cluses marque le passage au stade industriel. La vallée se spécialise dans la production de roues et de pignons de montres et dès 1880, l'horlogerie s'impose comme la première activité de la région.

La crise de l'horlogerie, à la fin du XIXe siècle et l'apparition de nouveaux secteurs industriels vont obliger les ateliers locaux à s'orienter vers d'autres marchés : l'automobile, le cycle, l'électricité et surtout l'armement grâce aux commandes de l'État français lors de la Première Guerre mondiale.

À partir de 1955, le décolletage entre dans une période prospère, due en partie à l'accroissement du parc automobile. Pendant les Trente Glorieuses, l'activité industrielle connaît un développement considérable. En 1962, un Centre technique de l'industrie du décolletage est créé pour former de nouvelles générations. En 1971, sur les 35 km de la vallée de l'Arve, le décolletage occupe 8 000 personnes, réalisant 65 % de la production française. L'année suivante, les commandes enregistreront même une augmentation de 28 %. Pourtant, en 1974, le premier choc pétrolier portera un coup d'arrêt à l'industrie du décolletage. Et il faudra attendre la fin des années 1990 pour assister à la relance du décolletage haut-savoyard, qui travaille toujours pour l'automobile, mais aussi pour l'électroménager, l'électronique, l'aéronautique, les produits de haute technologie. Avec la création du pôle de compétitivité Arve-industries, Cluses occupe aujourd'hui la première place mondiale dans le décolletage, avec plus de 15 000 spécialistes.

Le Musée de l'Horlogerie et du Décolletage évoque près de 300 ans d'histoire de la vallée de l'Arve : de la naissance de l'activité horlogère à Cluses en 1720, à l'actuelle industrie du décolletage, mécanique de haute précision dont Cluses est aujourd'hui la capitale mondiale.

Michelle Zancarini

Transcription

(Bruit)
Intervenant 2
Le décolletage tire son nom du mot collet. Il s’agit en fait, en partant d’une barre de métal soit ferreux soit non ferreux, soit même dans certains cas précieux tel que l’or et l’argent, d’enlever du métal à l’aide d’outils coupants de façon à obtenir la pièce désirée. Cette opération se faisant sur des tours fonctionnant comme des automates, d’où le mot de tour automatique.
(Musique)
Journaliste
Cette industrie représente pour la Haute Savoie une ressource économique des plus appréciable, mais si vous le permettez tout d’abord, un petit historique en compagnie de Madame Ducet, petite fille de Monsieur César Vuarchex.
(Musique)
Intervenante
Mon grand-père étant né à Paris aux alentours de 1845, il y vécut jusqu’à sa vingtième année, période durant laquelle il appris le métier de tourneur et il revint au pays aux alentours de 1865. Et il fonda le premier atelier de décolletage à l’aide de tours à pédales qui étaient à l’époque très nouveau, qui permettaient d’exécuter les petites pièces, enfin en particulier les vis de peigne, ce genre de petites pièces mécaniques, enfin qui étaient aux origines du décolletage en fait.
(Musique)
Journaliste
Au début du siècle, une grave crise dans l’horlogerie contraignit déjà les décolleteurs à la reconversion. Leur facilité d’adaptation et aussi et surtout leur volonté ont toujours permis aux savoyards de surmonter les plus graves embûches. Décolleteur de père en fils, cela peut paraître surprenant à notre époque, la continuité dans le développement de l’entreprise familiale, ce n’est pas un mythe, monsieur Gaillard nous en apporte la preuve.
(Musique)
Intervenant 1
L’affaire que vous allez voir a été créée par mon père en 1922. Euh, mon père a suivi l’école de Cluses, en est sorti brillant élève, il a été sûrement poussé par mon grand-père qui était professeur à ce moment-là à l’école. Au début, il était tout seul, il a pris un ouvrier, deux ouvriers, petit à petit, il a créé une petite affaire. Alors nous sommes environ maintenant 135 personnes. Ma sœur fait partie également du personnel, elle s’occupe de la partie administrative. Bien sûr, je suis aidé par des collaborateurs qui me sont très utiles, étant donné que les membres de la famille vont venir plus tard.
Journaliste
La même usine à paris, vous l’auriez montée ?
Intervenant 1
La même usine à Paris, euh je ne pense pas non. Parce que je suis très attaché à ma terre.
Journaliste
Le décolletage, cela représente 8000 personnes hautement qualifiées, réparties sur 35 kilomètres entre Cluses et à Annemasse. Petites, moyennes et déjà grosses entreprises s’y côtoient pour le plus grand bien de tous. Monsieur Portal, Secrétaire Général du Syndicat fait le point.
(Musique)
Intervenant 2
Le décolletage en général est une branche de la sous-traitance en France. Une branche importante de cette sous-traitance dans la partie transformation des métaux. Le décolletage en France, en général et plus particulièrement en Haute Savoie, où l’on trouve le décolletage de précision, de haute précision, pour pas dire parfois un décolletage qu’on pourrait appeler de la micromécanique, est utilisé par toutes les branches d’industries françaises. Il n’y a pratiquement pas d’objet que vous touchiez ou manipuliez dans la journée qui ne comporte pas de pièces décolletées. Une pièce disparaît, une autre naît. Il faut répondre à la demande de façon à ce que le décolletage puisse continuer à vivre. Et pour vivre, il doit d’abord investir sous forme de matériel moderne, de matériel neuf qui lui permet justement de faire face à ces nouvelles demandes.
Journaliste
5000 tonnes de métaux ferreux ou précieux traités en 1970, 65% de la production française, tel est le bilan du décolletage. Cela prouve le dynamisme d’entreprises toujours en prise directe avec les derniers progrès de la technique. L’automobile représente actuellement la principale source d’activité, mais de plus en plus, les bureaux d’étude entendent offrir au décolletage une plus large indépendance par rapport aux grands courants industriels. Monsieur Portal, les traditions familiales demeurent en Haute Savoie mais il y a quand même je pense un petit motif d’inquiétude, le recrutement.
Intervenant 2
A l’heure actuelle malheureusement, ça n’est pas d’ailleurs spécial à notre profession, il se trouve que se fait jour une certaine désaffection de la jeunesse pour tout ce qui est travail manuel. Je crois d’autre part que depuis pas mal d’années, on a eu à souffrir aussi d’une désaffection de l’enseignement technique. L’enseignement technique a souvent été considéré comme un parent pauvre. Je crois qu’actuellement d’ailleurs, on a tendance à revenir sur cette définition et qu’à tous les niveaux, on essaie de remettre en marche, cette branche technique qui est absolument indispensable, à tous les métiers bien sûr et en particulier dans notre région, à la jeunesse. Car cette jeunesse, où ira-t-elle ? Pourquoi aller chercher ailleurs ce qu’elle peut trouver ici ? Avec un métier intéressant, un métier hautement technique, et un métier dans lequel et jusqu’à présent, ils trouvent une sécurité de l’emploi qui est tout de même remarquable et que bien d’autres professions nous envient.
Journaliste
Reste le problème de l’exportation. Héritier de grande tradition, la modestie des décolleteurs leur joue peut-être un mauvais tour. Ne pas assez faire connaître la qualité de leur travail. Et pourtant, ils n’ont rien à envier sur le plan technique à leurs rivaux étrangers.
Intervenant 2
Nous sommes aussi allés chez eux, nous avons constaté qu’ils avaient effectivement un très beau matériel aussi, très souvent d’ailleurs, le même que le nôtre. Ils avaient des techniques tout à fait similaires, si peut-être nous avions quelque chose à prendre chez eux, ce serait plus dans le sens de l’organisation du réseau commercial que le sens de la technique.
Journaliste
Cette dernière remarque peut d’ailleurs s’appliquer à nombre de secteurs de l’industrie française. Les décolleteurs, habitués à prendre leurs responsabilités, sont conscients du problème et là, comme pour leurs activités professionnelles, le succès viendra couronner l’audace.
(Musique)