Grève aux usines Pennaroya

22 février 1972
02m 46s
Réf. 00245

Notice

Résumé :

Depuis février, les travailleurs immigrés de l'usine Pennaroya sont en grève suite à la mort d'un travailleur. Ils s'opposent à la direction au niveau des salaires, des conditions de travail et des logements.

Date de diffusion :
22 février 1972
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Éclairage

Le conflit de Pennaroya en mars 1972, mené pendant 33 jours à Lyon par 105 ouvriers spécialisés (OS) Algériens et Marocains contribue à constituer l'immigration en problème. Une série de rapports de l'Inspecteur du travail avait attiré précédemment l'attention de la direction de la Société minière et métallurgique de Pennaroya installée dans le quartier de Gerland à Lyon sur les dangers du saturnisme et l'état déplorable des baraques dans lesquelles étaient logés les ouvriers immigrés : pas de portes aux WC, douches sales, en nombre insuffisant et inégalement réparties pour les ouvriers « européens » et les « immigrés ». L'absence de réaction de la direction avait conduit l'Inspection du travail à communiquer des mises en demeure pour faire respecter la législation sur l'hygiène et la sécurité. A la suite d'un accident mortel du travail, survenu le 19 décembre 1971 à cause d'un appareillage défectueux, signalé auparavant dans des rapports, les ouvriers immigrés déposent un cahier de revendications le 27 décembre, puis un second le 25 janvier 1972. Avant même le début de la grève se constitue un comité de soutien, auquel participent médecins et juristes. Par ailleurs, avec l'aide des Cahiers de Mai (un journal et une association nés en 1968 qui se proposent de diffuser les paroles et les actions ouvrières, animé dans la région Rhône-Alpes par Bernard Fromentin), les grévistes envoient aux autres usines de Pennaroya (en particulier à Saint-Denis) cassettes et lettres ouvertes où sont exposées leurs revendications. A Lyon, des paysans du Centre national des Jeunes agriculteurs (CNJA) de Rhône-Alpes viennent apporter du ravitaillement aux immigrés en grève. Une section CFDT est créée dans l'usine avec les pratiques collectives mises en place par les OS : décisions en assemblée générale, élection des délégués atelier par atelier. Un film est tourné sur la grève par l'équipe des Cahiers de Mai. Des collectes sont réalisées un peu partout en France. La publicité donnée à la grève et les soutiens de tous ordres dont ceux des collectifs militants et de la CFDT explique sa présentation aux Actualités régionales.

A la fin de la grève le 11 mars, presque toutes les revendications sont satisfaites, sauf celles de l'augmentation des salaires égale pour tous dans les usines du groupe. Ces grèves ont contribué, avec les grèves de la faim pour les cartes de travail, à présenter à l'opinion publique la question de l'immigration avant que la crise économique ne devienne perceptible à la fin de l'année 1973. Par ailleurs, elles ont conduit à interroger les choix économiques et sociaux, faits pendant la période dite des Trente Glorieuses, notamment sur les conséquences de l'emploi d'une main d'oeuvre étrangère, abondante et mal payée, dans le bâtiment et les branches taylorisées de l'industrie.

Michelle Zancarini

Transcription

Journaliste
Penarroya, à Lyon Gerland est en grève depuis le 9 février. Une centaine de travailleurs immigrés originaires pour la plupart d’Afrique du Nord, occupent l’usine. Trois problèmes les opposent à la direction, les salaires, les conditions de travail et celles de logement. Et cela coûte cher à l’entreprise comme aux grévistes qui ont recueilli déjà 40000 francs de fonds de secours. L'un d'eux nous dit s’il croit que ce mouvement peut se poursuivre.
Inconnu 1
Et ben oui. Ça va, je crois que ça va durer.
Journaliste
Est-ce que vous avez l’impression que la direction va assouplir sa position, est-ce que vous allez arriver à un arrangement ?
Inconnu 1
J’espère oui.
Journaliste
Autre opinion, celle de Monsieur [Pages], de la CFDT, qui prend position sur les propositions des rencontres qui ont eu lieu avec la direction depuis le début du conflit.
Intervenant 1
Et bien, écoutez. La direction depuis le 9 février a refusé de négocier. Elle prend le prétexte qu’une trentaine d’agents de maîtrise et d’ouvriers d’entretien sont empêchés de rentrer pour rejeter les négociations. Et comme les travailleurs sont très déterminés, le conflit risque de durer.
Journaliste
En quittant le rue de Gerland, nous avons rencontré le Directeur du Personnel du groupe Penarroya, Monsieur [Gaspard]. La direction, d’après lui n’a pas voulu utiliser le jugement de référé qu’elle a obtenu. Elle a participé vendredi dernier à une réunion à l’inspection du travail en mettant comme préalable à la reprise des discussions la libération de l’usine. Les syndicats ont refusé. Alors que pense Monsieur [Gaspard] du triple problèmes, salaires, hygiène, logements ?
Intervenant 2
En fait, l’ensemble des délégués connaît clairement nos positions sur l’ensemble de ces problèmes. C’est-à dire que sur les salaires, nous leur avons fait dès le 19 décembre des propositions qui conduisent à une évolution des salaires 72, des salaires les plus bas en 1972 par rapport à 1971, de l’ordre de 17,20%, c’est-à dire que il n’y aura pas dans l’usine de salaire en 1972, de salaire inférieur à 13080 francs par an, c’est-à dire une moyenne de 1100 francs par mois. En ce qui concerne l’hygiène, puisque vous le disiez, en ce qui concerne l’hygiène, et bien c’est surtout le problème des analyses. Il est bien évident que les règles du secret médical interdisent que les résultats d’analyses soient communiqués à tout le monde mais il est non moins évident que chaque ouvrier qui en fait la demande au médecin du travail a toujours pu se voir communiquer le résultat de ses propres analyses.
Journaliste
Et pour le problème du logement ?
Intervenant 2
Il s’agit bien évidemment de solutions provisoires. Vous n’ignorez pas que notre usine doit être prochainement transférée à Villefranche, c’est-à dire d’ici deux ans, et nous adopterons là-bas des solutions satisfaisantes, de même type que celles qui sont adoptées dans nos autres usines, c’est-à dire à Saint-Denis et à Escaudoeuvres. Pour terminer, je tiens à préciser que notre politique sociale s’applique à l’ensemble des travailleurs immigrés comme il s’applique à l’ensemble de notre personnel.