La commercialisation du reblochon
Notice
Le reblochon vient de décrocher la 4ème place des ventes de fromages français. Un petit producteur artisanal d'Arbusigny tente d'expliquer l'engouement des consommateurs.
Éclairage
« Reblocher » c'est, en patois savoyard, pincer les pis de la vache une seconde fois. Mais d'où vient cette pratique, qui remonte au XIIIe siècle, dans les alpages de la vallée de Thônes en Haute-Savoie ? À l'époque, les propriétaires de terres possédaient un droit d'ociège sur les exploitants d'alpage, c'est-à-dire une redevance payée, une fois l'an, sur la quantité de lait produit en un jour par le troupeau. Au moment du contrôle, le fermier pratiquait une traite incomplète pour payer moins cher. Dès le départ du contrôleur, il procédait à une seconde traite. Le lait ainsi obtenu était très riche en crème, idéal pour en faire un fromage. Ainsi serait né, selon la tradition, le reblochon, un fromage à pâte pressée non cuite.
Au début du XXe siècle, la consommation est plutôt locale. Il faut attendre le développement des chemins de fer, du tourisme et des sports d'hiver pour que le reblochon connaisse un destin national. La reconnaissance suprême pour un produit du terroir, l'AOC (appellation d'origine contrôlée), le reblochon l'obtient grâce au décret du 7 août 1958 ; les producteurs de reblochon sont parmi les premiers, à obtenir l'appellation : elle protège la zone de production (une grande partie de la Haute-Savoie et le Val d'Arly en Savoie), et garantit des procédés traditionnels d'élevage (le lait doit être issu de vaches tarines, abondances et montbéliardes nourries de fourrages locaux), de fabrication, d'affinage et de conditionnement.
Deux types de reblochon sont ainsi reconnus par l'AOC : un reblochon de Savoie et un reblochon fermier. Du point de vue de l'aspect, ils sont identiques : un cylindre plat de 13 à 14 cm de diamètre et de 3,5 cm d'épaisseur environ, pour un poids compris entre 450 et 550 g et une teneur en matière grasse de 45 % de l'extrait sec du fromage. C'est la fabrication et l'affinage qui les distinguent. La mention « fermier » est réservée aux producteurs transformant, selon les techniques traditionnelles, le lait de leur seul troupeau sur le lieu de traite de celui-ci. Le lait est emprésuré aussitôt après la traite donc deux fois par jour pour obtenir le caillé. Il n'y a donc aucune réfrigération ni réchauffage. Ce caillé est ensuite découpé, puis réparti dans des moules recouverts d'une fine toile de lin. Quelques jours plus tard, le reblochon est apporté chez un affineur, qui continue de façonner le reblochon en lui prodiguant différents soins : retournements, remouillage... Le reblochon de Savoie est produit dans des fruitières, formes de coopératives, ou dans des PME, avec le lait de plusieurs agriculteurs, et des techniques de pasteurisation ou de stérilisation.
En 1997, est créée l'Association des fromages traditionnels des Alpes savoyardes (AFTAlp) qui regroupe les acteurs des filières des sept fromages de Savoie et Haute-Savoie bénéficiant de labels (AOC, AOP et IGP) et accompagne producteurs et fromagers dans la conduite de leur démarche qualité.
La même année, le reblochon devient le 4e fromage le plus vendu en France (15 000 tonnes vendues), comme s'en réjouit Laurent Capt, le jeune producteur interviewé dans ce reportage du journal télévisé du soir. Ce succès, le reblochon le doit aussi à l'engouement des Français pour les produits de terroir, un engouement qui semble être le fruit de la régionalisation mise en place à partir de 1982, expression d'une nostalgie pour une qualité alimentaire d'autrefois (qualité parfois fantasmée), mais aussi méfiance face aux produits alimentaires industrialisés et inquiétude devant les problèmes de sécurité alimentaire (crise de la vache folle, par exemple).
Un engouement qui s'accompagnera du développement du tourisme vert : goûters à la ferme, gîtes ruraux, ventes directes aux consommateurs.