Le fromage de Beaufort
Notice
Le fromage de Beaufort, variante du gruyère, ne se porte pas si bien. L'exode rural entraîne une diminution de sa production, or cette dernière ne peux se faire que dans un territoire très précis et avec une race de vache indigène.
Éclairage
En avril 1968, le beaufort obtient la précieuse AOC. L'appellation protège sa forme caractéristique (talon concave qui résulte de son moulage dans un cercle de hêtre) et sa zone de production (vallées du Beaufortain, de Maurienne, de Tarentaise et une partie du Val d'Arly) ; elle définit aussi le cheptel (essentiellement des tarines, vaches laitières indigènes particulièrement adaptées aux régions de montagne, mais aussi des abondances).
Ce fromage au lait cru fait partie de la famille des gruyères, un type de fromage mis au point, sans doute au Moyen Âge, en Suisse, dans la localité du même nom. Dans les zones de montagne, où les pelouses alpines ont été mises en valeur par les ordres monastiques, c'est le déplacement des troupeaux vers l'alpage, dès la fonte des neiges, qui oblige à la production sur place de fromages de garde et de grande taille, à pâte pressée cuite. Les premières traces de fromages en grandes roues, à Beaufort, remontent à 1630. Au XVIIIe siècle, on fait venir des maîtres-fruitiers helvétiques pour parfaire les techniques de fabrication. Au XIXe siècle, alors que le gruyère s'est répandu partout en Savoie, le beaufort, au célèbre goût de noisette, se voit qualifier de « Prince des gruyères » par Brillat-Savarin dans son célèbre traité Physiologie du goût.
Dans les années 1960, le Beaufortain connaît une période de profonds bouleversements socio-économiques. La construction des trois ouvrages hydroélectriques par EDF depuis l'après-guerre (la Girotte, achevé en 1949 ; Roselend construit de 1956 à 1961 ; La Gittaz, terminé en 1967) a entraîné la perte de quelques-uns des meilleurs alpages. L'arrêt du dernier chantier EDF vient de priver les agriculteurs d'un emploi complémentaire pendant l'hiver – le paysan du reportage est, lui, également « fonctionnaire des PTT », ce qui lui permet de continuer son activité de « cultivateur ouvrier paysan ». L'agriculture de montagne n'attire plus les jeunes, le pays Beaufortain connaît un exode rural massif. Et comme le dit le commentaire en voix off du reportage « sans paysan, plus de troupeaux, sans vache, plus de beaufort ».
Pour enrayer ce dépeuplement, on lance une station de sports d'hiver communale : la station du Planay. Mais cela entraîne du même coup une nouvelle réduction des alpages. Et les sports d'hiver n'offrent pas encore une deuxième source de revenu régulière aux agriculteurs.
La production de beaufort a beaucoup chuté : il ne reste alors que 10 des 200 ateliers de production d'avant-guerre, on produit moins de 500 tonnes par an. Pour faire face à ce déclin, certains agriculteurs réfléchissent à une nouvelle organisation pour sauver leurs exploitations. Deux sortes d'économie régissaient déjà les alpages beaufortains : l'alpage individuel et les « fruits communs » (mise en commun des animaux sur des alpages exploités de façon coopérative). Une politique de coopération (création d'ateliers qui assurent la fabrication, l'affinage et la commercialisation) est mise en place sous l'égide de l'Union des producteurs de beaufort et une coopérative laitière est créée dans laquelle sont introduites les techniques modernes (traite mécanique par exemple). En 1975, le Syndicat de défense du beaufort voit le jour : il regroupe l'ensemble des ateliers et des producteurs de lait et est chargé de la promotion collective et de la gestion de l'AOC.
Cette politique, associée à la politique agricole nationale de la montagne (instauration de l'ISM, l'indemnité spéciale montagne, en 1974, et la loi montagne en 2005), a permis à l'agriculture de subsister et à la production de beaufort d'atteindre près de 4 330 tonnes (chiffres 2007). Et l'on compte désormais 520 exploitations qui assurent la production du lait à Beaufort.