Hommage aux harkis
Notice
La journée nationale d'hommage aux harkis aura lieu demain dans toute la région. Mohamed Fraine est l'un d'eux. Il raconte son arrivée en France en 1962 et son installation dans le village de Largentière en Ardèche.
Éclairage
Le nom Harkis vient du mot harka, un corps de supplétifs de l'armée française, créé dès 1956 au cours de la guerre en Algérie, sous le contrôle du commandement militaire, pour organiser les villages en autodéfense contre les nationalistes et convaincre les populations. Les Harkis sont des soldats recrutés - de gré ou de force - essentiellement dans les Aurès en en Kabylie. Leur nombre s'accroît pendant la Guerre : 10 000 à la fin de l'année 1957, ils sont 60 000 trois ans plus tard. Ce n'est pas le seul corps de supplétifs ; mais le mot harkis est devenu générique pour englober tous les Algériens enrôlés par l'armée française. A la fin de la Guerre, les harkis ont été abandonnés à leur sort par le gouvernement français argumentant que les accords d'Évian prévoyaient une amnistie pour tous les actes accomplis en temps de guerre. Les harkis restés en Algérie ont été traqués et parfois tués. Les historiens ont cependant revu à la baisse les chiffres des morts après l'indépendance. Alors que certains parlent de 150 000 victimes, l'historien Charles-Robert Ageron les évalue à environ 10-11 000.
Après l'indépendance en 1962, le mot prend un sens différent selon les lieux et les contextes : en Algérie ce sont des « traîtres » ou des « collaborateurs » ; ceux qui ont pu regagner le territoire français sont des « Français musulmans nord-africains », devenus ensuite « rapatriés » : ils sont 140 000 au recensement français de 1968 qui prend en compte – catégorie officielle – mais néanmoins surprenante - « les Français musulmans nés en Algérie ». En 1962, six centres d'accueil avaient mis en place : à Bias dans le Lot-et-Garonne, à Bourg-Lastic dans le Puy-de-Dôme, à La Rye dans la Vienne, au Larzac dans l'Aveyron, à Rivesaltes dans les Pyrénées-Orientales, à Saint-Maurice l'Ardoise dans le Gard. Mais le provisoire a duré, générant une forme de « ghetto » ; aujourd'hui encore, ces noms de camps font partie de la mémoire collective des anciens harkis et de leurs enfants. Les premières révoltes en 1974 de ces derniers dénoncent les « réserves d'indiens » et exigent la reconnaissance de la place de leurs pères dans les combats pour la France, ce qui sera obtenu seulement un quart de siècle plus tard.
Aux revendications des associations de harkis les pouvoirs publics français répondent, tardivement, par des gestes symboliques. Une loi du 11 juin 1994 signée par François Mitterrand avait déjà affirmé la reconnaissance de la dette morale de la nation à l'égard des hommes et des femmes qui ont directement souffert de leur engagement au service de notre pays à savoir « les rapatriés, anciens combattants des forces supplétives en Algérie » que la simplification mémorielle désigne tous sous le nom de « harkis ». C'est parce que certaines de leurs associations avaient déposé une plainte contre la France pour crime contre l'humanité qu'une journée d'hommage a été fixée finalement en 2001 par le président Chirac au 25 septembre.
C'est à cette occasion qu'est diffusé le reportage de FR3 région Rhône-Alpes introduit par la journaliste-présentatrice Isabelle Pham. Il se présente en deux parties : un entretien – enregistré en différé - avec Mohamed Fraine arrivé en métropole le 9 juin 1962 et envoyé en compagnie de 70 familles sur un plateau désolé au-dessus du bourg de l'Argentière. Il y construit sa maison et y élève ses sept enfants. Dans son intérieur modeste mais coquet, il raconte comment il demande le respect de la France à ses enfants, mais aussi pour ce qu'il a accompli pour la France ; il parle aussi de « ses racines différées » et de son pays natal qu'il n'a pas revu. Un autre entretien sur le plateau du studio de FR3 avec le responsable de l'association AJIR (Action, justice, information, réparations) du Rhône qui souligne les 40 ans d'oubli et l'abandon de la population dite à tort « rapatriée » et s'insurge contre la logique d'assistanat à l'égard des harkis parqués dans des camps ou des cités où il est difficile de construire une socialisation positive pour les enfants. Il se félicite de la journée nationale dédiée aux harkis.
Mais le terme harki employé encore aujourd'hui dans les cités et les écoles de l'hexagone, sert d'injure entre les plus jeunes qui, le plus souvent, ignorent tout de cette histoire.