Les foyers de travailleurs étrangers de l'Ain

06 juillet 1973
05m 14s
Réf. 00157

Notice

Résumé :

Le département de l'Ain se lance dans le relogement des travailleurs immigrés afin de supprimer les bidonvilles. Aux abords d'Oyonnax, des cités de transit et des foyers ont été mis en place. Ces logements n'ont pas toujours été bien accueillis par la population avoisinante.

Date de diffusion :
06 juillet 1973
Source :
Lieux :

Éclairage

Avec 32 000 étrangers, le département de l'Ain appartient, au début des années 1970, aux départements où la proportion d'étrangers est supérieure à la moyenne nationale. Des départements comme le Rhône ou l'Isère sont parmi ceux où les étrangers sont, proportionnellement les plus nombreux en France, l'Ain arrive juste derrière. Les nationalités les plus représentées dans ce département sont les Espagnols et les Italiens, devant les Algériens et les Portugais qui, à cette date, constituent la première nationalité étrangère en France. En ce début des années 1970, les immigrants arrivent en nombre puisqu'ils sont passés, selon les chiffres du ministère de l'Intérieur de moins de 3 millions en 1968 à près de 3,5 millions en 1972.

Dans l'Ain comme ailleurs, plus de la moitié des immigrés habitent dans des logements insalubres dit le commentaire. La question du logement pour les immigrés se pose donc avec acuité, mais dans bien des cas elle ne se pose pas que pour les immigrés puisque l'on estime que 20% de la population des bidonvilles recensés en 1966 est française. Le terme de bidonville, d'abord employé au Maroc dans les années 1930, est utilisé en France métropolitaine dès les années 1950 pour désigner des poches d'exclusion, souvent à la périphérie des villes, où se développe un habitat précaire, parfois en dur cependant comme on le voit au début du reportage. Le problème des habitants n'est pas la pauvreté mais le manque de logements que la construction massive de HLM n'arrive pas à résorber. Pourtant depuis 1964, existe une loi sur la résorption des bidonvilles. En janvier 1970, la mort par asphyxie de plusieurs immigrés dans un bidonville d'Aubervilliers est très médiatisée. Le premier ministre de la « nouvelle société », Jacques Chaban-Delmas déclare insupportables les conditions de vie dans les bidonvilles et, en juillet 1970, la loi Vivien relance le programme de résorption auquel il ajoute la lutte contre le logement insalubre. Un groupement interministériel permanent doit mettre en œuvre cette politique. Robert Lion, directeur de la construction au ministère de l'Équipement, ancien collaborateur de Paul Delouvrier, préside ce comité pour lequel le ministère de l'Équipement dégage des fonds. Deux ans après la loi Vivien, six foyers (à Oyonnax, Belley, Culoz, Ferney-Voltaire, Trévoux et Miribel) sortent de terre. Le reportage souligne l'importance d'Oyonnax, une des communes les plus industrielles de l'Ain. Le reportage commence par une description assez longue du bidonville de la capitale de « Plastics Vallée » sur fond de solo de guitare (pour souligner l'origine ibérique des habitants ?).

Le reportage présente les types d'habitats qui doivent disparaître : les bidonvilles, les foyers réservés aux travailleurs musulmans. Dans les nouvelles constructions sont présentées aussi bien les cités de transit qui doivent permettre aux familles d'attendre la construction des HLM et les foyers pour hommes célibataires ou des foyers de la Société nationale de construction pour les travailleurs (SONACOTRA). Les intervenants ne sont pas identifiés et n'aident pas à se faire une idée précise du phénomène. Celui qui intervient à plusieurs reprises semble être un fonctionnaire, peut-être de la sous-préfecture de Nantua ou plus vraisemblablement de la direction départementale de l'Équipement. Il justifie la politique mise en œuvre et minimise les critiques (localisation des foyers, pétitions hostiles). Son argumentation n'est pas toujours très claire et il semble assez mal à l'aise, il parle des « maghrébiens » pour les maghrébins. De même le problème du coût du logement n'est pas abordé clairement puisque le commentaire parle d'un loyer mensuel de 300 F alors qu'un jeune travailleur logé en foyer mentionne un loyer de 17 000 F mais il parle selon toute vraisemblance en anciens francs, soit 170 F.

Telle est la situation en juillet 1973. Un an après, suite aux difficultés économiques consécutives au premier choc pétrolier, l'entrée en France des travailleurs immigrés et des familles est suspendue. Au printemps 1976, le dernier grand bidonville, celui de la Digue des Français, est détruit à Nice.

Bibliographie :

- Marie-Claude Blanc-Chaléard, « Les immigrés et le logement en France : une histoire paradoxale », Accueillir, 2008, n° 245.

- Article «Bidonville», dans L'aventure des mots de la ville, Paris, Robert Laffont, 2010.

- Jean-Paul Tricart, « Genèse d'un dispositif d'assistance : les « cités de transit »», Revue française de sociologie, 1977, 18-4, pp. 601-624.

- Odile Rabut, « Les étrangers en France, Population, 28e année », 1973, n°3, pp. 620-649.

Jean-Luc Pinol

Transcription

(Musique)
Journaliste
Ce bidonville qui surplombait Oyonnax n’est désormais plus qu’un mauvais souvenir. Dans tout le département de l’Ain, une vaste opération est lancée depuis quelques mois pour loger ou reloger les travailleurs migrants. Il y a en effet près de 32 000 étrangers dans l’Ain dont 19 000 vivent dans des locaux insalubres comme ceux que nous voyons sur ces images. Des locaux insalubres que des émigrés paient parfois 300 francs par mois à des individus qui bien souvent abusent de leur confiance ou de leur manque de connaissance de la législation. C’est la loi du plus fort.
(Musique)
Inconnu 1
Ils se débrouillent entre eux et trouvent mieux des logements que les Français.
Journaliste
Le groupement interministériel permanent est à l’origine des nouvelles cités de transit et des foyers, au nombre de six, implantés dans le département. Le foyer pilote d’Oyonnax qui va s’ouvrir dans quelques jours est un exemple frappant de ce genre de réalisations. Pourquoi cependant l’avoir mis à l’extérieur de la ville. Est-ce un choix délibéré ?
Intervenant
Dire qu’on a voulu implanter ce foyer à l’extérieur d’Oyonnax, je dis tout de suite, ce n’est pas vrai. C’est un problème d’urbanisme de la, du district d’Oyonnax. A l’heure actuelle, pour trouver un terrain constructible répondant aux conditions d’urbanisme du plan directeur de cette ville, il est impossible de trouver un tènement immobilier dans le centre urbain de l’agglomération.
Journaliste
Ce centre pour musulmans a également disparu. Désormais, ils auront le choix entre les foyers de la Sonacotra ou ceux du Gip. Auparavant, le choix était simple, le centre avec sa promiscuité ou le bidonville avec des sommes considérables à verser aux marchands de sommeil.
Inconnu 1
Et puis il y a toujours les profiteurs, ils font des baraques à poules et ils louent ça à un prix…
Journaliste
Prohibitif ?
Inconnu 1
Hou là là là là.
Journaliste
Les foyers et les cités de transit, c’est-à dire des logements intermédiaires entre les bidonvilles et les HLM, on coûté au total 70 millions de francs actuels, recouverts par les prêts HLM, des subventions, des conseils généraux, du département et des communes. Ils n’ont pas été accueillis à bras ouverts, des pétitions ont été signées.
(Musique)
Intervenant
Ceci s’est produit dans différents secteurs du département: les pétitions, ce sont des choses ponctuelles et accidentelles mais en fait, elles ne représentent pas l’avis unanime de la population. Les conseils municipaux qui acceptent des foyers, qui acceptent peut-être avec un manque d’information au départ mais qui grâce à une information, grâce à une documentation, grâce à une connaissance de leur propre commune, de leurs propres travailleurs, dans la longue arrivent à accepter ces foyers.
Journaliste
Chaque résident a sa chambre et sa salle d’eau. La cuisine cependant est commune. Au total, dans le département, 1 500 chambres et 850 logements. Un problème reste posé, celui de la discipline.
Inconnu 2
Moi ce que je vois dans les problèmes de discipline, ce que je vois, c’est le respect d’autrui, le respect des idées de chacun, religieuses, politiques. J’estime que tout le monde doit pouvoir se supporter. Si personne ne peut se supporter, où on va ?
(Musique)
Journaliste
Tous les foyers sont construits selon les mêmes normes. Pas trop éloignés du lieu principal de travail comme à Belley ou à Culoz. Le cadre bien souvent est très agréable. Ces réalisations sont réservées aux travailleurs célibataires, français ou étrangers, qui bénéficient outre de leur chambre, des locaux communs également, comme les salles de loisirs, les bars, les bibliothèques ou les salles de télévision construits dans tous les foyers. Quel est le loyer demandé ?
Inconnu 3
17 000 francs par mois, tout compris, électricité, eau, blanchissage des draps.
Journaliste
L’immigration, une question d’actualité. La venue de travailleurs étrangers s’accroît année après année. L’opération lancée par l’association Logement et Accueil des Travailleurs de l’Ain n’est qu’un début et encore faut-il qu’elle réussisse car une grève des loyers par exemple remettrait tout en question. La raison qui pousse le travailleur étranger à venir en France est bien connue.
Intervenant
S’il est venu chez nous, c’est pour envoyer le maximum d’argent soit au Portugal, soit en Espagne, soit aussi dans les pays maghrébins.
Journaliste
Oyonnax, Trévoux, Belley, Culoz, Ferney-Voltaire ou Miribel, autant de noms qui pour les travailleurs migrants seront des lieux où ils pourront se fixer. Le GIP apporte donc une solution au problème de la résorption des locaux insalubres mais également à celui de l’éducation ou de la promotion sociale. Il s’agit de la mobilisation de l’énergie humaine en faveur d'une société plus juste.