Les foyers de travailleurs étrangers de l'Ain
Notice
Le département de l'Ain se lance dans le relogement des travailleurs immigrés afin de supprimer les bidonvilles. Aux abords d'Oyonnax, des cités de transit et des foyers ont été mis en place. Ces logements n'ont pas toujours été bien accueillis par la population avoisinante.
- Rhône-Alpes > Ain > Oyonnax
Éclairage
Avec 32 000 étrangers, le département de l'Ain appartient, au début des années 1970, aux départements où la proportion d'étrangers est supérieure à la moyenne nationale. Des départements comme le Rhône ou l'Isère sont parmi ceux où les étrangers sont, proportionnellement les plus nombreux en France, l'Ain arrive juste derrière. Les nationalités les plus représentées dans ce département sont les Espagnols et les Italiens, devant les Algériens et les Portugais qui, à cette date, constituent la première nationalité étrangère en France. En ce début des années 1970, les immigrants arrivent en nombre puisqu'ils sont passés, selon les chiffres du ministère de l'Intérieur de moins de 3 millions en 1968 à près de 3,5 millions en 1972.
Dans l'Ain comme ailleurs, plus de la moitié des immigrés habitent dans des logements insalubres dit le commentaire. La question du logement pour les immigrés se pose donc avec acuité, mais dans bien des cas elle ne se pose pas que pour les immigrés puisque l'on estime que 20% de la population des bidonvilles recensés en 1966 est française. Le terme de bidonville, d'abord employé au Maroc dans les années 1930, est utilisé en France métropolitaine dès les années 1950 pour désigner des poches d'exclusion, souvent à la périphérie des villes, où se développe un habitat précaire, parfois en dur cependant comme on le voit au début du reportage. Le problème des habitants n'est pas la pauvreté mais le manque de logements que la construction massive de HLM n'arrive pas à résorber. Pourtant depuis 1964, existe une loi sur la résorption des bidonvilles. En janvier 1970, la mort par asphyxie de plusieurs immigrés dans un bidonville d'Aubervilliers est très médiatisée. Le premier ministre de la « nouvelle société », Jacques Chaban-Delmas déclare insupportables les conditions de vie dans les bidonvilles et, en juillet 1970, la loi Vivien relance le programme de résorption auquel il ajoute la lutte contre le logement insalubre. Un groupement interministériel permanent doit mettre en œuvre cette politique. Robert Lion, directeur de la construction au ministère de l'Équipement, ancien collaborateur de Paul Delouvrier, préside ce comité pour lequel le ministère de l'Équipement dégage des fonds. Deux ans après la loi Vivien, six foyers (à Oyonnax, Belley, Culoz, Ferney-Voltaire, Trévoux et Miribel) sortent de terre. Le reportage souligne l'importance d'Oyonnax, une des communes les plus industrielles de l'Ain. Le reportage commence par une description assez longue du bidonville de la capitale de « Plastics Vallée » sur fond de solo de guitare (pour souligner l'origine ibérique des habitants ?).
Le reportage présente les types d'habitats qui doivent disparaître : les bidonvilles, les foyers réservés aux travailleurs musulmans. Dans les nouvelles constructions sont présentées aussi bien les cités de transit qui doivent permettre aux familles d'attendre la construction des HLM et les foyers pour hommes célibataires ou des foyers de la Société nationale de construction pour les travailleurs (SONACOTRA). Les intervenants ne sont pas identifiés et n'aident pas à se faire une idée précise du phénomène. Celui qui intervient à plusieurs reprises semble être un fonctionnaire, peut-être de la sous-préfecture de Nantua ou plus vraisemblablement de la direction départementale de l'Équipement. Il justifie la politique mise en œuvre et minimise les critiques (localisation des foyers, pétitions hostiles). Son argumentation n'est pas toujours très claire et il semble assez mal à l'aise, il parle des « maghrébiens » pour les maghrébins. De même le problème du coût du logement n'est pas abordé clairement puisque le commentaire parle d'un loyer mensuel de 300 F alors qu'un jeune travailleur logé en foyer mentionne un loyer de 17 000 F mais il parle selon toute vraisemblance en anciens francs, soit 170 F.
Telle est la situation en juillet 1973. Un an après, suite aux difficultés économiques consécutives au premier choc pétrolier, l'entrée en France des travailleurs immigrés et des familles est suspendue. Au printemps 1976, le dernier grand bidonville, celui de la Digue des Français, est détruit à Nice.
Bibliographie :
- Marie-Claude Blanc-Chaléard, « Les immigrés et le logement en France : une histoire paradoxale », Accueillir, 2008, n° 245.
- Article «Bidonville», dans L'aventure des mots de la ville, Paris, Robert Laffont, 2010.
- Jean-Paul Tricart, « Genèse d'un dispositif d'assistance : les « cités de transit »», Revue française de sociologie, 1977, 18-4, pp. 601-624.
- Odile Rabut, « Les étrangers en France, Population, 28e année », 1973, n°3, pp. 620-649.