Inauguration du barrage de Tignes
Notice
A l'occasion de l'inauguration du barrage de Tignes, le plus haut d'Europe, le président de la République Vincent Auriol s'est rendu sur les lieux. Il en a profité pour visiter le nouveau village et la centrale hydroélectrique de Malcovert.
- Rhône-Alpes > Savoie > Tignes
Éclairage
L'opposition des habitants de Tignes à l'engloutissement de leur village, par la construction d'un barrage, a été un événement médiatique important des années d'immédiat après guerre. Leur combat a été présenté comme la lutte désespérée d'une communauté montagnarde attachée à ses traditions contre la dynamique du progrès économique national. Il symbolisait ainsi l'arrachement de la vieille France rurale alors considérée comme nécessaire par les dirigeants de l'époque pour permettre l'avènement d'une France industrielle et moderne. La disparition de Tignes est donc évoquée comme une conséquence certes regrettable mais inévitable de la modernisation du pays. La complexité de la situation des Tignards n'apparaît guère car elle n'intéresse personne : le projet a été engagé dès les années 1930 mais il s'agissait alors d'un barrage de taille modeste qui ne devait pas noyer le village. A la demande de l'administration soucieuse d'une exploitation maximale des ressources énergétiques nationales, le projet est transformé pour devenir celui d'un grand barrage qui imposait cette fois de noyer de village. Sa réalisation est ralentie par la guerre puis l'occupation, période durant laquelle des achats de terrains sont néanmoins réalisés. Les Tignards tentent alors de faire connaître leur opposition et d'infléchir le projet, sans succès. Le chantier est repris par EDF en 1946, dans l'urgence de la reconstruction, situation qui laisse peu de place à de réelles négociations. Les Tignards mènent alors leur lutte sur plusieurs fronts. Des actions de violence ponctuelles attirent l'attention de la presse, tout en inquiétant les autorités qui craignent des actions de plus grande envergure, qui n'auront pas lieu. La protestation s'organise aussi sur le terrain juridique, sans résultats. Les indemnisations (question évidemment cruciale) qui se sont déroulées sur une longue période et dans des conditions peu uniformes suscitent de fortes rancœurs. Le déroulement du chantier est mené à un rythme accéléré, et malgré les promesses, le devenir des Tignards n'est pas réellement préparé, certains d'entre eux refusant de plus de l'envisager. Les expropriations et les propositions de réinstallation des agriculteurs (dans la vallée de la Crau) sont mal préparées et l'évacuation des derniers habitants se fait sous la menace des CRS. Mais la situation individuelle des Tignards (généralement réduite à quelques stéréotypes de montagnards archaïques) pèse peu face à l'intérêt national qu'incarne alors le barrage. Dans le reportage, le « drame de Tignes » est présenté comme appartenant au passé : le village est reconstruit (ce qui est alors largement faux, seuls les bâtiments officiels le sont, le village ne pouvant pas être reconstruit à l'identique) les morts sont honorés (le transfert du cimetière avait été un des points particulièrement douloureux de l'évacuation forcée du village) et le discours du président Auriol peut ainsi se tourner entièrement vers l'avenir de la France.