L'exploitation du Rhône

01 janvier 1950
07m
Réf. 00467

Notice

Résumé :

Depuis l'antiquité romaine, le Rhône joue un rôle majeur, mais c'est surtout aux lendemains de la Seconde Guerre mondiale que l'exploitation du Rhône s'est largement développée. Les ports sont aménagés, des barrages et des centrales hydro-électriques fleurissent.

Type de média :
Date de diffusion :
01 janvier 1950
Personnalité(s) :

Éclairage

Malgré l'avertissement du commentateur, qui présente ce document comme une « histoire du Rhône et de sa vallée », ce documentaire de 1950 est en fait composé de deux parties distinctes. Dans un premier temps, l'auteur évoque assez rapidement l'époque de la romanisation de la vallée du Rhône, présentée comme moment fondateur de l'identité rhodanienne. Puis il trace à grands traits les portraits des régions reliées par l'axe fluvial, non sans tomber dans certains stéréotypes : la Provence est ainsi la patrie de l'olivier et d'une « certaine nonchalance » alors que la Savoie est peuplée de « montagnards obstinés » travaillant une terre difficile et vivants de l'exploitation laitière. Ces provinces dissemblables seraient fédérées par le fleuve et par sa « capitale » : Lyon (dont on donne l'image de la cité industrieuse, montrant pour cela des métiers à tisser type Jacquard), ainsi que par diverses qualités prétendument rhodaniennes que certains poètes avaient pu chanter en leur temps (Frédéric Mistral, Charles Ferdinand Ramuz)...

Dans une deuxième partie, le reportage se fait plus didactique et présente les principaux objectifs de l'époque quant à l'aménagement du fleuve non sans emprunter, là aussi, de nombreux raccourcis.

A la fin du XIXème siècle, de nombreux acteurs locaux de la vallée du Rhône affirment leur volonté de voir domestiquer le fleuve afin de profiter de potentialités de développements économiques. Ainsi, en 1899, les délégués des 27 chambres de commerce du Sud-Est réunis à Lyon appellent de leurs vœux la mise en place d'aménagements permettant d'assurer d'une part une meilleure navigation sur un cours d'eau tumultueux et irrégulier, d'autre part une irrigation indispensable au développement agricole des régions du sud et enfin la production d'électricité issue de la force motrice de l'eau. C'est à ce triple objectif que répond la loi de 1921 dite « loi d'aménagement du Rhône ». Son adoption a été rendue possible par l'action de Léon Perrier (député radical socialiste de Grenoble et grand défenseur à la chambre des députés de la cause de l'aménagement du fleuve) et d'Edouard Herriot (maire de Lyon depuis 1905, un temps ministre des Travaux Publics pendant la Première Guerre mondiale puis député radical-socialiste à partir de 1919). Par cette loi, l'État concède à une société anonyme (la Compagnie Nationale du Rhône (CNR), finalement mise en place en 1933 sous la forme d'une société d'économie mixte mêlant fonds publics et privés, et présidée par Léon Perrier) la « concession de l'aménagement du Rhône de la Suisse à la mer » (Méditerranée) pour une durée de 99 ans afin d'atteindre le triple objectif évoqué précédemment.

Le programme d'aménagement mené par la CNR débute dès 1934 par la construction du port de Lyon (devenu Port de Lyon Edouard Herriot) puis par le chantier du barrage hydroélectrique de Génissiat, achevé en 1946. Les travaux permettant d'améliorer l'irrigation de certaines régions méridionales débutent pour leur part dans les années 1940.

Après la Deuxième Guerre mondiale, les considérables besoins en énergie du pays, associés au besoin de faire redémarrer l'outil de production et à la volonté de faire de la France un pays « moderne à niveau de vie élevé », engendrent la mise en place d'une politique volontariste de développement de la production électrique. C'est d'ailleurs un des objectifs des plans de modernisation et d'équipement qui sont mis en place à partir de 1947. Le premier d'entre eux, le « plan Monnet » (1947-1952), fait de l'électricité un des six secteurs prioritaires de l'économie française (avec le charbon, l'acier, le ciment, les transports, le machinisme agricole). Comme le rappelle ce reportage, le premier plan bénéficie grandement des aides américaines pour la reconstruction et le développement de la France (plan Marshall). C'est dans ce contexte que la CNR est invitée à démarrer de nouveaux projets (dont l'imposant chantier du barrage hydroélectrique de Donzère Mondragon de 1950 à 1954).

Mais, dans les années 1960, l'électricité étant devenue une source d'énergie moins compétitive que le pétrole, l'objectif principal de la CNR devient l'aménagement de la navigabilité du Rhône à grand gabarit de Lyon à Fos sur mer. Cependant, les aménagements de chutes hydroélectriques sont poursuivis. Ils redeviennent primordiaux, du milieu des années 1970 (effets du choc pétrolier) jusque dans les années 1980 (inauguration de Sault-Brenaz en 1986, dernier grand chantier hydroélectrique).

En 2010, on estime que l'action de la CNR a permis l'irrigation de milliers d'hectares de terres agricoles. On compte également, le long du Rhône, 19 centrales hydroélectriques, 19 barrages, 14 écluses à grand gabarit et l'équipement d'une trentaine de sites industriels et portuaires. La CNR est devenue, à cette date, le deuxième producteur français d'électricité (environ 20 % de la production hydroélectrique française).

Nicolas Rocher

Transcription

Journaliste
Ce film n’est ni un documentaire ni une propagande, c’est une histoire. Né il y a vingt siècles et plus, mais que le temps n’a pas altéré et qui se prolonge, se renouvelle continuellement et mérite d’être conté par la voix et par l’image. C’est l’histoire du Rhône et de sa vallée, qui s’inscrit tout au long de ses 860 kilomètres de rives et lie insensiblement le présent au passé.
(Silence)
Journaliste
Année 58 av. J.C., les romains débarquent, envahissant une Gaule encore barbare.
(Musique)
Journaliste
Deux mille ans n’ont pas encore effacé le pas des légions romaines qui ont su fixer à la vallée du Rhône son destin, celui de réunir le monde latin au monde germanique. Au deux extrémités, du fleuve de la Provence à la Savoie, on retrouve les marques traditionnelles des populations riveraines. La Provence a conservé les reflets d'orient de ses origines. Ici, tout est emprunt d’une certaine nonchalance.
(Musique)
Journaliste
Les jeunes soignent l’olivier, ressource principale de la région et base de l’art culinaire provençal.
(Musique)
Journaliste
A huit cents kilomètres de là, l’artisan savoyard transforme le lait riche de ses vallées en fromage renommé.
(Musique)
Journaliste
Et le contraste est frappant entre les riverains des plaines du sud et les montagnards obstinés qui sillonnent en toutes saisons leurs cultures difficiles, aidés seulement de quelques paires de bœufs.
(Musique)
Journaliste
Pourtant, savoyards et provençaux, très différents par les coutumes, sont unis par l’œuvre commune à laquelle ils collaborent. C’est que le Rhône constitue la nervure de leur patrie et qu’ils ont une capitale unique : Lyon.
(Musique)
Journaliste
La ville de Lyon se confond avec l’histoire du Rhône et cette communauté, qui s’est nouée au cours des siècles, cherche encore à s’affirmer. Le Rhône quel que soit l’accent avec lequel on le chante vaudois, savoyard, bourguignon, lyonnais ou provençal, façonne les esprits à une même image, faite d’harmonie dans les coutumes, d’équilibre dans la pensée, de respect de l’homme et de la liberté. De Mistral à Ramuz, bien des poètes ont chanté le fleuve et c ‘est de ce cœur aux voix si diverses, le souffle spirituel inspirant l’esprit matériel, que naquit l’idée de l’utilisation pratique du Rhône.
(Musique)
Journaliste
Entre Lyon et la mer, la navigation qui avait connu dans le passé une prospérité payée de bien des difficultés est entrée au début du siècle en décadence, surclassée par le développement de la route et du rail. De 600 000 tonnes en 1805, le trafic tomba à 200 000 en 1890. En 1911, un premier effort était accompli pour la renaissance du Rhône par le percement du canal de Rove, destiné à relier le Rhône au port de Marseille. Un premier pas était fait, mais le problème général restait posé. Chaque année le fleuve, grossi par les pluies, sortait de son lit et les inondations ruinaient les cultures et les biens. A d’autres saisons des bans de sables empêchaient la navigation et d’immenses étendues restaient incultes faute d’une irrigation régulière. Une solution d’ensemble devait être envisagée : irriguer, régulariser le cours du Rhône pour le rendre navigable et surtout construire des usines hydroélectriques dont le rendement permettrait de doubler la production française d’électricité.
(Silence)
Journaliste
C’est à Lyon que sous l’ardente impulsion du président Herriot, l’aménagement du Rhône fut décidé. Pour en fixer l’esprit rhodanien, le premier ouvrage entrepris fut l’aménagement du port de Lyon, future plaque tournante d’un trafic international. Ces travaux, commencés en 1938 furent arrêtés par la guerre.
(Musique)
Journaliste
La Libération venue, le problème de la vallée du Rhône devient un problème national. La France ravagée, ruinée n’avait plus ni industries, ni matières premières, ni équipements et la condition essentielle d’un redressement industriel : l’énergie électrique, faisait complètement défaut. Un comité composé de hauts fonctionnaires, de représentants de la classe ouvrière et du patronat, dresse l’inventaire économique de la France et jette les plans de l’avenir. C’est ainsi que le plan Monnet, grâce aux investissements de l’État et avec l’aide financière des États-Unis fera peu à peu de la France un pays moderne qui profitera de toutes les applications du machinisme et de la productivité. Priorité est donnée au problème de l’énergie électrique. De 16 milliards de KWh en 1946, la France va produire 44 milliards de KWh en 1954. La compagnie nationale du Rhône, qui même sous l’occupation avait poursuivi l’aménagement de Génissiat, reprit dès la Libération son vaste programme. De Genève à la mer, 22 barrages seront établis qui permettront la production de 13 milliards de KWh, soit autant que la consommation totale de la France en 1929. Génissiat n’était que la première maille d’une longue chaîne.
(Musique)
Journaliste
Le fleuve retenu voyait son niveau remonter, les pertes du Rhône, gigantesque entonnoir souterrain où disparaissait le fleuve, était submergé par les eaux surélevées de 70 mètres. A 70 kilomètres de Génissiat, Seyssel, barrage complémentaire, régulateur des eaux de Génissiat, se construit. Entre Seyssel et la mer, 20 autres barrages sont prévus.
(Musique)